Nous nous assîmes à une table, dans un coin sombre, à l'abri des regards indiscrets. Il s'agissait de la première fois que j'entrais dans ce délicieux endroit. De par l'ambiance, il rappelait quelque peu l'auberge de la forêt des Vingt Calices : des odeurs riches et subtiles, un mouvement sonore entêtant, un âtre chaleureux. Mon regard s'arrêta sur le patron qui se tenait derrière son imposant comptoir en pierre jaune d'Acadame. Sa moustache fuselée et ses petits yeux globuleux lui conféraient un air très fin, malgré son imposante corpulence. Ma moitié me sortit alors de mes observations :
— Alors, tu veux quoi mon choux ?
— Moi ? Euh... Une bonne cervoise bien fraîche fera l'affaire. J'ai cru comprendre que l'eau n'était pas donnée !
— Oui, enfin, se moqua-t-elle, faut pas non plus exagérer ! D'ailleurs, l'auberge possède sa propre source. C'est pour cela qu'elle peut aussi bien garder au frais ses breuvages...
— Et à part ça, continuai-je pour changer de conversion, comment t'appelles-tu ?
— Tu ne veux pas connaître mes mensurations non plus ?
— Quoi ? Mais voyons, c'est juste amical, c'est tout, apaisai-je.
— Eh bien j'ai une règle : seuls mes amants connaissent mon nom. Et encore...
— Oui, je m'en doute, « et encore », il y en a eu tellement, ah, ah, ah !
— Pfeuh, tu parles... J'attends encore de trouver ! Je ne crois pas avoir rencontré un seul homme pour l'instant, un vrai je parle.
— Ah oui ? Eh bien ma pauvre, avec ton sale caractère, je crois plutôt que personne n'a jamais voulu de toi.
— C'est ce que tu crois. D'ailleurs, je suis sûr que si je te le proposais, tu ne dirais pas non ! Quoi qu'il en soit, tu peux m'appeler « belle inconnue », ça m'ira parfaitement.
Je regardai le plafond en guise de réponse. Pour sa part, « belle inconnue » partit chercher de quoi se remettre de nos émotions. Les pintes défilèrent rapidement. Il faut dire qu'elles étaient bonnes ! Bien épicées, comme je les aime. Nous commandâmes également un bon faisan cuit à la broche pour chacun, accompagné de pain et de pommes de terre cuites dans la braise. Un réel plaisir pour les papilles. Obscure Noirceur n'était plus qu'un mauvais souvenir.
— Alors, belle inconnue, comment se fait-il que tu te promènes ainsi accoutrée ? T'as détroussé une mariée ?
— Pas du tout non, tu ne trouves pas cela joli mon loulou ?
— Oh si, si, c'est même plutôt bien trouvé : ça sculpte ta silhouette parfaite, caresse ta poitrine hypnotique et illumine ton corps. Mais en revanche, est-ce vraiment en adéquation avec tes activités ?
— Tu sais, qu'importe l'outil, le principal est de savoir l'utiliser. En l'occurrence, ça me permettait d'attirer les mâles en rut, et de les détrousser en bonne et due forme.
— C'est machiavélique ! J'adore. Et tu l'as volée où, cette robe merveilleuse ?
— Eh bien tu seras surpris, mais je ne l'ai point volée !
— Non ?
— Si, si ! Mes parents sont couturiers. Les meilleurs de la ville d'ailleurs. Ils croient que je m'en sers pour aller étudier.
— Les andouilles... Comme ils sont naïfs tes...
— Eh, oh, ce sont mes parents, me coupa-t-elle, et je ne te permets pas d'émettre le moindre jugement sur...
— Merde !
— Comment ça merde, ça va pas, tu t'prends pour...
— Non, ce n'est pas ça, mais...
— Bien sûr, monsieur se prend pour le...
— Non !! Là ! Obscure Noirceur !
— Quoi ?
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A couteaux tirés
FantasyJ'étais dans d'beaux draps ! J'arrivais habituellement à tourner à mon avantage toute situation, aussi abracadabrante soit-elle, mais cette fois-là, il allait falloir que je la joue plus fine que d'habitude Il faut dire, à force de parier aux "Coute...