Il ne répondit mot. Toutefois, je le sentis un peu gêné. Je décidai d'enfoncer le clou.
— Ecoute, elle se trouve dans une prairie, pas loin d'ici, toute de blanche vêtue. Si tu veux, on y va ensemble, je te la présenterai !
— Tais-toi vermine, me hurla-t-il, je ne suis pas un faible comme toi, tu n'arriveras pas à me rouler dans la farine comme tu sais si bien le faire !
— Oh, oh, jure-moi que tu ne rêves pas secrètement de rencontrer ta tendre moitié ? Hum ?
— D'accord, c'est vrai. Personne ne le sait d'ailleurs ! Tu dois être une sorte de magicien, ou bien tu fais partie de ces individus qui lisent dans l'esprit. Et j'aime pas ça, j'aime pas que les gens connaissent mes pensées, alors tu vas mourir aujourd'hui !
— Mais non, je vous jure que...
— Je te donne deux minutes, j'aime la chasse !
Et voilà, il me laissait une nouvelle fois de l'avance, "pour le sport". J'avais l'impression de revivre un cauchemar ! Je ne pouvais réellement pas intervenir sur la trame principale de mon destin...
Au milieu d'une prairie, je refis la connaissance d'une charmante pie voleuse, vous devinerez aisément qui. Et finalement, nous atterrîmes dans cette auberge, perchés sur une poutre au-dessus d'une porte. Ca m'ennuyait, mais après tout, toute cette succession d'événements avait réussi à me maintenir en vie, et c'était bien là l'essentiel.
J'assistais par conséquent une nouvelle fois impuissant au coup de foudre mutuel et inattendu entre ma bien aimée et mon chasseur de prime préféré. Pathétique !
Mais cette fois, je partis immédiatement afin que l'aubergiste ne puisse me prendre. Hélas, encore une fois, mon destin me rattrapa : un serveur qui me voyait me sauver à toute jambe, me retint par l'épaule : « hey, tu vas où comme ça ? » Ca ne le regardait pas, mais il me garda suffisamment longtemps pour que le petit gros ne se réveille, et ne vienne me faire part de ses doléances. Le bougre d'andouille !
Peu de temps plus tard, je m'introduisais chez le mage. Je ne pris pas la peine de jouer au surpris, et je m'adressai directement à lui :
— Pyrumaze le mage ? Vous êtes là ? Allumez les bougies s'il vous plaît !
— Qu... Quoi ? Comment savez-vous que je suis là ? bégaya le vieillard, visiblement surpris.
— Je le sais, c'est tout, lui expliquai-je rapidement. Est-ce qu'il serait possible que vous me transfériez une nouvelle fois à ce matin, avec votre machine qui remonte le temps ?
— Comment ? Vous connaissez même mon engin magique ? Vous... vous êtes qui bon sang ? finit-il angoissé.
Afin de le rassurer, je décidai de lui raconter brièvement mon histoire. Cela lui suffit. Cela suffit également à passer le temps très court qui me séparait de l'ouverture de la porte du laboratoire du mage, par l'aubergiste remonté.
Je me précipitai dès lors rapidement dans l'arrière-laboratoire, sautai dans la machine magique, et le vieil homme sans réellement comprendre pourquoi, la fit fonctionner.
Flash lumineux. Eblouissement complet. Vertige. Légère nausée. Et enfin, retour dans l'auberge de la grande forêt, un couteau dans la main. Je le lançai une nouvelle, nouvelle fois. Ca devenait lassant. Mais je devais me concentrer pour gagner la partie ! C'était l'ultime but de ma journée, voire de ma vie ! Hélas, je la perdis. Encore. Toujours.
Combien de fois je perdis cette partie ? Je ne sais plus. Cinq cents ? Mille ? Cinq milles fois ? Je dois dire que certaines notions se sont rapidement égarées dans mon esprit ; des notions d'espace, de temps, de nombre. Je ne savais presque plus pourquoi je vivais, comment je m'appelais, ou j'avais vécu.
Je ne me rappelle que cette journée, cette maudite journée, de laquelle je n'arrive plus à m'extirper. J'ai l'impression d'être une mouche engluée dans la toile du temps. J'attends tout juste que la grosse araignée de la mort ne vienne finalement me délivrer. Est-ce donc cela la moralité de l'histoire ? A moins que ce ne soit celle-ci : ce jeu, les "Couteaux Tirés", n'est peut-être qu'une métaphore de la vie, à commencer par son titre...
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A couteaux tirés
FantasiJ'étais dans d'beaux draps ! J'arrivais habituellement à tourner à mon avantage toute situation, aussi abracadabrante soit-elle, mais cette fois-là, il allait falloir que je la joue plus fine que d'habitude Il faut dire, à force de parier aux "Coute...