Keisuke avait perdu la notion du temps depuis qu'il était à l'hôpital. Entre tous les calmants qu'on lui avait donnés, le traumatisme dans lequel il était plongé, et l'étrange lieu hors du temps dans lequel il se trouvait, il était totalement perdu. Il avait eu une heure de repos lorsqu'il était arrivé à l'hôpital, on l'avait séparé de force de son meilleur ami et on l'avait amené dans une salle de soin. Une infirmière était longtemps restée près de lui, une main sur son épaule pour le soutenir, et une main devant son visage, à tenir une machine qui lui envoyait de l'air. Elle avait essayé de le rassurer autant que possible, d'apaiser la terreur qui l'envahissait, mais elle avait surtout répété en boucle « ton ami va bien », « il est hors de danger maintenant ».
En vain. Keisuke avait été incapable de l'écouter. Son regard était resté perdu dans le vide, à regarder l'image de son meilleur ami en sang, au bord de la mort. Cette horrible image était imprimée devant ses iris, il n'arrivait plus à la chasser. Il la voyait en se répétant « je vais le perdre », je vais le perdre, je vais le perdre, je vais le perdre. Il voyait son sang couler, il le sentait encore chaud sur ses mains, il sentait son faible corps trembler dans ses bras, il sentait ses larmes tomber sur ses mains et le brûler, il sentait ses hurlements faire vibrer son cœur, il sentait ses coups, il le sentait s'éteindre, son cœur ralentir, ses forces l'abandonner. C'était comme si Kazutora n'était plus là, comme si Baji n'avait rien pu faire pour lui, et qu'il venait de perdre son meilleur ami.
Il n'osait même pas imaginer ce qu'il se serait passé s'il n'était pas arrivé. Il avait bien vu que Kazutora allait mal depuis un moment. Il avait toujours su que c'était dur pour lui, et en ce moment c'était pire que tout. Il avait vu ses cernes, sa maigreur, ses yeux rougis par les larmes. Il avait remarqué que tous les matins, il loupait des cours, qu'il refusait de plus en plus les invitations. Il avait remarqué qu'il ne prenait plus à manger à l'école pour le midi, alors il lui préparait lui-même des bentos pour l'aider à manger. Il avait remarqué son anxiété et sa douleur, alors il avait essayé de le rassurer, de le faire rire, de lui oublier sa famille, de l'inviter autant que possible chez lui. Mais ce n'était pas assez. Il avait vu son meilleur ami s'effondrer devant lui et il n'avait rien fait pour le sauver. Il aurait dû prévenir sa mère, ou même des professeurs. Accompagner Kazutora chez un médecin, un psychologue au moins, ou peut-être lui faire s'inscrire à un programme pour l'anorexie ou... ou juste lui parler. Lui parler, l'écouter, lui montrer qu'il pouvait se livrer à lui. C'était la première chose à faire, et il ne l'avait pas faite.
Mais il n'avait pas eu le courage, il s'était dit que ça passerait peut-être, que c'était juste une mauvaise passe. Mais non, ce n'était pas passé et à cause de son inaction, Kazutora avait essayé de se suicider.
Il l'avait vraiment fait, il avait vraiment voulu tout arrêter là...
Keisuke n'arrivait pas à réaliser tout ça. Il n'arrivait pas à y croire, comment est-ce qu'il en était arrivé là... Il avait failli perdre la personne qui lui était la plus précieuse, Kazutora était passé à ça de la mort...
Kazutora. Son meilleur ami, son presque frère. C'était la personne à qui il tenait le plus sur terre, hormis sa mère bien sûr. C'était le seul avec qui il pouvait passer des journées entières sans se lasser, le seul qui le complétait et le comprenait à la perfection. C'était... Ce n'était pas juste son meilleur ami. C'était tellement plus. Dès le début, il y avait eu ce petit quelque chose entre eux, c'était comme s'ils étaient faits pour être ensemble en quelque sorte. Kazutora était tout pour lui, et aujourd'hui...
Aujourd'hui...
Keisuke avait failli perdre une partie de lui.
Le jeune homme sentit une nouvelle larme couler sur sa joue, déjà trempée, et continua de regarder son meilleur ami en serrant sa main. Après avoir passé plus d'une heure à essayer de se calmer avec l'infirmière, il avait fini par pouvoir partir. Il avait dû rester au moins deux heures dans le couloir, assis à même le sol, à attendre qu'on le laisse voir son meilleur ami. Il n'avait pas protesté pour le temps d'attente, il avait juste patienté devant la porte de sa chambre en regardant dans le vide avec désespoir. Mais on avait fini par le laisser voir Kazutora, et depuis il n'était pas ressorti de sa chambre.
Keisuke ne savait pas du tout quelle heure il était, mais il n'en avait rien à faire. Il voulait juste rester auprès de Kazutora, et le regarder se battre pour survivre. Il en avait besoin, pour être sûr que demain, au commencement de la journée, il n'allait pas se réveiller en ayant perdue une partie de lui. Il avait besoin de voir Kazutora vivre, de voir cette stupide ligne verte dessiner des courbes dans le cardiogramme, de voir sa poitrine se soulever. Et il avait besoin d'être avec lui simplement, de le sentir contre lui, d'être sûr qu'il ne se fasse plus de mal.
Le jeune homme baissa les yeux sur leurs mains liées. Il était assis près du lit de son meilleur ami, penché vers lui, et tenait sa main sur son ventre. Il avait un oxymètre à l'index gauche, et une perfusion était branchée à son bras. Kazutora était toujours inconscient, ses mains étaient glacées.
La porte de la chambre s'ouvrit après un interminable moment de silence.
— Keisuke, s'exclama une voix féminine dans le dos du jeune homme.
Baji sursauta et se tourna vers sa mère, qui venait d'entrer.
— Je suis venu aussi vite que possible, dit-elle en se précipitant vers lui.
Keisuke lâcha pour une fois les mains de Kazutora et partit se réfugier dans les bras de sa mère, dans lesquels il fondit aussitôt en larmes sans pouvoir se retenir. Il avait juste réussi à appeler sa mère, c'était la seule personne à qui il avait pu parler, mais comme elle travaillait, il avait dû lui laisser un message sans savoir quand elle viendrait à l'hôpital.
— Ça va aller mon chéri, dit-elle en caressant ses cheveux. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— I-il a e-essayé de se suicider, dit le jeune homme d'une voix étouffée par les larmes. J-je l'ai vu faire !
— Oh mon chat... Il est hors de danger maintenant, regarde, les médecins se sont occupés de lui.
— Maman je veux pas le perdre, dit Baji en sanglotant violemment. Je l'aime, j'ai besoin de lui, je veux pas le perdre !
— Mais tu ne vas pas le perdre...
Sa mère caressa ses cheveux en l'embrassant pour le rassurer. Keisuke tremblait de nouveau, mais voir sa mère lui faisait beaucoup de bien. C'était la seule qui savait pour la situation de son meilleur ami, la seule à s'intéresser vraiment à lui et à se préoccuper de son état, car elle aussi tenait beaucoup à Kazutora, elle le considérait comme son propre fils. Elle pouvait comprendre ce que son fils ressentait en ce moment.
— Vous devez être sa mère, dit un médecin en entrant dans la pièce.
Keisuke lâcha sa mère pour la laisser se tourner vers le médecin et retourna aussitôt auprès de son meilleur ami pour vérifier qu'il était toujours là, comme si détourner les yeux de lui trop longtemps le ferait disparaître.
— Oui je suis sa mère. Je suis venu dès que possible, dit-elle en serrant la main du docteur.
— Il n'y a pas de problème. Peut-être que vous allez pouvoir nous renseigner sur l'identité de ce garçon ? Votre fils a été incapable de nous le dire... Et il ne nous a rien dit en fait. On ne connaît pas votre nom.
— Oh c'est Baji. Mon fils s'appelle Keisuke, et lui c'est Kazutora Hanemiya. Ils ont tous les deux quatorze ans.
— Ah ce n'est pas votre enfant. Vous connaissez ses parents ?
— Oui... C'est un peu délicat, je ne sais pas si c'est une bonne idée de les prévenir, ou même utile, dit sa mère d'un air embêté.
— On doit prévenir un responsable légal, c'est comme ça, insista le médecin.
— Je veux pas que vous les préveniez, dit Baji d'un air absent en caressant le visage de son ami.
— Oui mais c'est une-
— Il est en danger près d'eux, je ne veux pas qu'ils s'approchent de lui. Il a déjà assez souffert, murmura le jeune homme en sentant de nouvelles larmes couler sur ses joues.
Le médecin ne répondit rien.
Keisuke sentait qu'il était au bord d'une nouvelle crise de larmes, il était prêt à s'effondrer de nouveau. Sa mère dut le remarquer car elle passa sa main dans son dos et embrassa le sommet de son crâne.
— On peut en parler dans votre bureau peut-être, dit-elle à l'adresse du docteur.
— Bien sûr, répondit aussitôt celui-ci.
— Je reviens vite, dit sa mère avant de suivre le médecin dehors.
Keisuke ne répondit rien. Il attendit un moment d'être sûr que les deux adultes soient partis, puis il vint s'allonger dans le lit, près de son meilleur ami. Il l'entoura de ses bras en fondant en larmes, sans pouvoir se retenir plus longtemps, et posa sa tête contre la sienne.
— Me laisse pas Kazutora, dit-il avec impuissance. J'ai tellement, tellement besoin de toi... je veux pas te perdre, me laisse pas... Me laisse pas...
Baji renifla à travers ses larmes.
— Reste avec moi, je t'en supplie...
Son cœur se brisait dans sa poitrine, en même temps que sa voix se cassait. Il avait beau parler à son meilleur ami ça ne changeait rien, Kazutora restait inconscient. Son corps froid ne bougeait pas, ses lignes de vie étaient faibles. C'était comme s'il n'était plus là, et Keisuke ne supportait pas ça.
Il ne voulait pas le perdre, c'était son meilleur ami, il avait besoin de lui, il l'aimait, il pouvait tout donner pour lui, et là... Kazutora avait essayé de se suicider... De mettre sa vie si précieuse en péril...
Pourquoi est-ce qu'il avait fait ça ? Pourquoi lui ? Pourquoi Kazutora ? Pourquoi est-ce qu'il devait souffrir autant et subir tout ça ? S'il le pouvait, Keisuke échangerait sa vie avec la sienne sans hésiter. Parce qu'il était son meilleur ami, son frère, sa moitié, il était comme son ombre, il était toujours là pour lui, il était tout... Kazutora méritait tout l'amour du monde, c'était un ange tombé au mauvais endroit, dans la mauvaise famille, et on l'avait plongé dans un enfer dès sa naissance. On lui avait fait subir des choses horribles toute sa vie, son père l'avait anéanti, il avait piétiné chaque morceau brisé de lui, il avait broyé son cœur jusqu'à le réduire en miettes, il avait toujours tout fait pour le détruire, et aujourd'hui, il avait réussi.
Voilà, il avait gagné ! Bravo à lui, c'était un exploit, après quatorze putain d'années de travail acharné, ça y était, il avait réussi ! Il avait tout gâché, absolument tout. Voilà, il avait ce qu'il voulait à présent, il avait parfaitement, totalement, détruit son fils. Et oui, ça y était, Monsieur Hanemiya avait détruit son fils et grâce à lui Kazutora ne voulait plus vivre.
« Bravo, quel exploit, félicitations, FÉLICITATIONS », se hurlait mentalement Keisuke, le visage rongé de larmes brûlantes.
Il avait détruit Kazutora, c'était de sa faute s'il en était arrivé là. Il l'avait brisé, lui, son meilleur ami. Et ça, Keisuke ne le supportait pas. Il n'allait plus jamais laisser son meilleur ami seul, il le protégerait désormais. Il ne le lâcherait plus.
— Je vais prendre de soin de toi maintenant, promit le jeune homme en serrant la main de Kazutora. Je te redonnerai le sourire un jour, je te le promets...
Kazutora ne bougea pas et continua de dormir en silence.
La porte de la chambre finit par se rouvrir, et sa mère entra de nouveau.
— J'ai tout réglé, dit-elle simplement.
Keisuke acquiesça légèrement. Sa mère s'assit sur le peu de place libre près de lui et caressa ses cheveux un instant.
— On va devoir rentrer Kei, il faut le laisser se reposer, finit-elle par dire.
— Non, je veux pas partir.
— Tu n'as pas le droit de rester ici mon chat. Il est tiré d'affaire, il ne va rien lui arriver, je t'assure. Tu pourras le voir demain, et je resterais avec toi. Si tu veux on peut même dormir ensemble.
— C'est avec lui que je veux dormir...
— Keisuke... Il a besoin de se reposer...
Keisuke ne répondit pas. Il ne voulait pas le laisser seul, il avait trop peur qu'il lui arrive quelque chose maintenant...
— Keisuke, si tu ne te plies pas aux règles, on va t'interdire de le voir, dit sa mère avec douceur. Je te promets que je t'emmènerai à l'hôpital à la première heure demain.
— Mais il va avoir peur tout seul, murmura Baji en lançant un regard implorant à sa mère.
— Regarde il dort, tu reviendras ici avant son réveil. J'ai déjà demandé pour que tu puisses rester et on m'a jeté.
— Mais et s'il lui arrive quelque chose...
— Il est très bien entouré ici, et on sera les premiers informés en cas de problèmes.
— Mais... Je suis sûr qu'il veut pas rester seul...
— Je sais Kei. C'est seulement quelques heures, tu vas vite le revoir. Allez on doit y aller.
Keisuke se mordit les lèvres. Il ne voulait pas abandonner son meilleur ami, mais sa mère ne pouvait pas le laisser ici et il le savait. C'était déjà une chance qu'il ait pu le voir un peu...
Le jeune homme finit par se résigner. Il n'avait pas le choix, il devait vraiment partir. Il embrassa longuement son meilleur ami, et se força à le lâcher pour sortir de son lit. Kazutora ne bougea toujours pas.
— Demain il sera toujours là, promit sa mère en passant sa main dans son dos.
Keisuke ne réussit pas à répondre. Sa gorge était horriblement nouée, il avait étrangement froid, et il se sentait au bord du vomissement. Il avait tellement peur que sa douleur en devenait physique, comme si son cœur était réellement compressé et ses poumons coincés entre deux géantes mains de fer, et à chaque pas qu'il faisait pour s'éloigner de Kazutora, sa douleur s'intensifiait.
Il n'arrêtait pas de penser à ce qu'il venait de se passer, tout c'était enchaîné si vite... Il était arrivé chez lui et l'avait entendu hurler, alors il s'était précipitamment rué dans les escaliers et l'avait tout de suite trouvé dans la salle de bain. Mais il n'avait pas réussi à réagir, le voir en train de se couper, en larmes, en pleine crise, l'avait paralysé et... S'il avait pu bouger... S'il avait réagi... Kazutora n'aurait pas pris ces calmants. Keisuke n'arrivait pas à croire que s'il n'était pas venu chez lui à ce moment-là, son meilleur ami ne serait plus de ce monde...
Il était venu chez lui pour prendre de ses nouvelles, pour s'assurer qu'il allait bien... Initialement, il était censé sortir avec Mikey pour aller voir Shinichiro dans son nouvel appartement, mais avant d'y aller, il avait voulu passer voir Kazutora et... et s'il n'était pas venu... Kazutora serait... Il serait...
Keisuke sentit son cœur se serrer douloureusement dans sa poitrine. Et s'il recommençait ? Et s'il faisait une nouvelle tentative pendant qu'il n'était pas là ? Et s'il trouvait un moyen de partir ? Et s'il se réveillait et que... Qu'il se jetait par la fenêtre... Ou juste qu'il se coupait avec l'aiguille de sa perfusion... Ou qu'il rentre chez lui et qu'il termine ce qu'il avait commencé...
Le jeune homme sentit sa respiration se couper d'un coup. Il porta la main à son cœur en s'arrêtant dans le couloir, et se courba en avant.
— Keisuke ça va, s'inquiéta sa mère en le retenant.
Une vive douleur le prenait soudainement, son cœur frappait contre sa poitrine en lui provoquant d'horribles décharges dans tout le corps, il n'arrivait plus à trouver sa respiration, sa voix se coupait, et des larmes se mettaient à dévaler ses joues.
— Keisuke ? S'il vous plaît, je crois qu'il fait une crise de panique, dit sa mère en appelant un infirmier.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est venu d'un coup ?
— Oui. Je crois qu'il en a déjà fait une toute à l'heure...
— Asseyez-vous, dit l'infirmier en faisant s'asseoir le jeune homme sur une chaise dans le couloir. Comment vous appelez-vous ?
Keisuke hoqueta en respirant difficilement. C'était comme s'il ne savait plus respirer, que ses poumons ne pouvaient plus se gonfler d'air, que le mouvement ne lui était plus naturel. L'air qu'il prenait le brûlait, et il ne le faisait que suffoquer davantage, comme s'il ne lui apportait pas d'oxygène.
— K-Keisuke, dit-il d'une voix tremblante.
— Très bien Keisuke, on peut se tutoyer ?
Keisuke acquiesça sans trop comprendre sa question.
— Super. Est-ce que tu as mal quand tu respires ?
Baji acquiesça de nouveau, l'air totalement paniqué.
— Tu fais une crise de panique. Tu sais ce que c'est ?
— C'est quand on panique, dit Keisuke d'une voix étouffée.
— C'est quand d'un coup, tu as très très peur et que ton angoisse devient une douleur physique, expliqua l'infirmier. Tu en as déjà fait, hormis tout à l'heure ?
Le jeune homme secoua la tête pour dire non.
— Il n'a aucun trouble anxieux, précisa sa mère en tenant sa main pour le rassurer.
— D'accord. Tu sais où tu es Keisuke ?
— À l-l'hôpital.
— Oui. Tu sais pourquoi tu es là ?
Keisuke sentit sa gorge se serrer brutalement, comme si elle cherchait à emprisonner ses mots en lui, il s'étouffa douloureusement et se mit à haleter, sans pouvoir reprendre son souffle. Ses larmes se transformaient en torrent, il pleurait de plus en plus fort alors que l'image de son meilleur ami en train d'hurler dans ses bras réapparut devant lui.
— Son meilleur ami a fait une tentative de suicide devant lui, expliqua alors sa mère pour lui.
— D'accord..., répondit l'infirmier d'une voix bouleversée. Keisuke, ici ton ami est en sécurité, l'hôpital c'est fait pour soigner les patients. Tu as pu le voir ?
— O-oui...
— Bien, et comment allait-il ? Tu as pu lui parler un peu ?
Inconscient. Il était inconscient. Kazutora ne bougeait pas, il ne l'entendait pas, il ne le voyait pas, il ne parlait pas, il ne le regardait pas. Il était inconscient. Il n'était plus vraiment là. Il n'allait peut-être même jamais se réveiller. Peut-être qu'il ne lui parlerait plus jamais. Peut-être que les lignes vertes du cardiogramme deviendraient une unique ligne droite. Peut-être que Keisuke l'avait serré pour la dernière fois dans ses bras. Peut-être qu'il ne verrait plus jamais ses beaux yeux dorés ouverts. Peut-être que Kazutora ne serait plus jamais heureux. Peut-être que Keisuke non plus, peut-être qu'il allait le perdre, qu'il serait seul, qu'il allait devoir rentrer chez lui, avec une partie de lui en moins, qu'il allait s'allonger, dormir et rêver de son meilleur ami qu'il ne reverrait plus jamais. Peut-être qu'il allait devoir rentrer, aller en cours, et voir la chaise vide près de lui, tous les jours, entendre le professeur faire l'appel, dire « Hanemiya », « absent », absent, absent, absent, absent et ça pour toujours ! Peut-être qu'il allait devoir rentrer, partir voir ses meilleurs amis et leur dire que Kazutora n'allait pas revenir, qu'il était mort sous ses yeux parce qu'aucun d'eux n'avait été foutu de l'aider alors qu'ils le voyaient s'effondrer. Peut-être qu'il allait devoir rentrer, sortir dehors, croiser son père, et le voir agir comme si tout allait bien, comme s'il n'avait pas tué son fils. Peut-être qu'il allait devoir rentrer, grandir sans lui pour la toute première fois, avoir ses diplômes sans lui, tomber amoureux sans lui, travailler sans lui, voyager sans lui, avoir un enfant sans lui, se marier sans lui, vieillir sans lui, vivre sans lui, tout faire sans lui, sans lui, sans lui, sans lui, sans lui !
Keisuke ne réussit pas à continuer à parler avec l'infirmier, ni avec sa mère. Il sombra dans un état mi-conscient, mi-inconscient, et sentit qu'on l'amenait dans une autre chambre et qu'on lui posait un masque à oxygène sur le visage.
Il mit plus de deux heures à se calmer.
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Le fil de ta vie
FanfictionIl s'agit là d'une petite histoire tirée de ma fic Insta Tokyo Revengers, mais vous pouvez comprendre même si vous ne l'avez pas lu :) Ces quelques chapitres les moments douloureux qu'ont vécu Baji et Kazutora lorsque ce dernier a essayé de se suici...