Quelques baisers volés

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   Keisuke posa la pointe de son stylo sur la feuille devant lui, sans conviction. Ses yeux parcoururent avec indifférence la cour dans laquelle il se trouvait, sans vraiment s'arrêter sur les visages éteints des lycéens, ils avaient tous l'air au bout de leur vie, sur le point de mourir de fatigue et de laisser leur âme s'échapper de leur corps. Ils regardaient tous devant eux, le regard vide et absent, en traînant lentement devant le bâtiment, la mine maussade. C'était plus que déprimant, désolant même... C'était un lundi matin quoi.
   — On dirait une tribut de zombie, dit Draken en contemplant à son tour la foule d'élèves.
   C'était l'adjectif qui les qualifiait le mieux en effet...
   Keisuke laissa tomber sa tête sur la table avec fatigue. Il était assis à une table de la cour avec ses amis, Mikey était juste à côté de lui, à sa droite, tandis que Chifuyu était à sa gauche. Et en face de lui se trouvait Draken, Takemichi et Inui, qui avaient l'air aussi fatigué que les autres élèves. Quel groupe plein d'énergie...
   — J'ai envie de mourir, dit Mikey en s'affalant sur la table.
   Keisuk tourna vivement la tête vers lui et le dévisagea. Il détestait entendre ses amis dire ce genre de chose.
   — Désolé, dit son ami en se rappelant que Keisuke pouvait facilement se sentir mal avec ces propos.
   — Et dire qu'on est là jusqu'à dix-sept heures, gémit Takemichi.
   — À deux doigt de sécher là, dit Chifuyu en laissant tomber sa tête sur son épaule.
   — J'espère qu'il y a grève aujourd'hui, dit Draken en baillant. 
   — Moi j'espère surtout qu'il y aura Koko, sans lui je tiendrais pas la journée, dit Inui en regardant avec espoir autour de lui. Pourquoi il est pas encore là ?
   — Il est peut-être pas réveillé ? Ou son bus a du retard.
   — C'est ton mec, c'est à toi de savoir ce qu'il lui arrive...
   — C'est pas mon mec !
   — On se demande tous pourquoi d'ailleurs...
   Keisuke cessa d'écouter ses amis. Il se sentait bizarre aujourd'hui, il n'était vraiment pas bien, sa gorge nouée était douloureuse, et sa tête tournait à toute vitesse. Il était angoissé, ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait, depuis deux ans c'était récurrent et il avait appris à vivre avec ça. Mais ça restait désagréable.
   Ça faisait un peu plus de deux ans que Kazutora avait essayé de se suicider. Il n'y avait pas eu beaucoup de changement depuis ce drame. Kazutora avait catégoriquement refusé d'aller en hôpital psychiatrique, ainsi que d'être placé en foyer ou maison d'accueil. Officiellement, il vivait toujours avec sa famille. Mais en réalité, il vivait surtout chez Keisuke. Il rentrait trois fois par semaine chez lui, pour que ses parents ne fassent pas de problèmes. Mais le reste du temps, il était chez Keisuke, et il était très bien là-bas.
   Il n'allait plus en cours, mais il faisait de son mieux pour rester à niveau et continuer d'étudier. C'était Keisuke qui lui donnait ses cahiers pour qu'il puisse travailler. Il n'avait jamais beaucoup travaillé à l'école, il ne faisait pas la plupart de ses devoirs, et ses cahiers étaient généralement couverts de dessins. Mais à présent il faisait beaucoup d'efforts, il ne savait pas très bien écrire mais il s'appliquait, il organisait ses cours, annotait des pages, et restait sérieux en classe, même si à côté de lui ses amis étaient turbulents. Au final, à force de travailler il commençait à apprécier les cours, et puis ça le rendait heureux de voir Kazutora étudier en rentrant.
   Kazutora se mettait à travailler aux alentours de vingt heures, il s'installait sur la table de salle et disposait les différents cahiers du jeune homme devant lui, avant de prendre ses feuilles blanches et de commencer à écrire dessus. Il était silencieux, avec un casque sur les oreilles pour se détendre en écoutant de la musique. Ses jambes étaient toujours ramenées en tailleur, et il s'avachissait à moitié sur la table pour écrire, parce qu'il n'arrivait pas à se tenir droit. Ses cours étaient tous écris à l'encre noire, et il surlignait parfois les titres avec du violet, du rose ou du bleu pastel, contrairement à Keisuke qui mettait toujours des couleurs partout.
   Keisuke aimait bien le regarder travailler, il était mignon à voir, et puis il était content que Kazutora s'accroche à ses études même s'il ne suivait plus le système scolaire traditionnel. Alors le soir, quand son meilleur ami commençait à travailler, il s'installait près de lui et le regardait avec attention, avant de finir par se mettre à travailler lui-même. Il aimait bien ce quotidien-là, certes il ne partait plus se bagarrer le soir comme avant, mais ça ne le dérangeait pas. Il n'en avait plus envie de toute façon, et il ne comprenait plus trop où était l'intérêt de frapper bêtement d'autres personnes. Ça n'avait plus rien d'amusant pour lui, c'était stupide de frapper quelqu'un, surtout en sachant que pour certains, la violence faisait déjà partie de leur quotidien...
   Et puis ce n'était pas si grave qu'il sorte moins le soir. Sa mère voulait qu'il soit sérieux dans ses études et tolérait moins ses sorties nocturnes. Et puis, il voyait toujours ses amis en dehors des cours, ce n'était pas comme s'il ne les voyait plus. Kazutora aussi les voyait, dès qu'il le pouvait il allait les voir. C'était juste différent à présent, mais c'était beaucoup mieux comme situation.
   Keisuke ne savait pas avec certitude si ça aidait vraiment son meilleur ami de vivre avec lui. Il avait l'air d'aller mieux, et il était sous traitement à présent, mais il y avait toujours des jours où ça n'allait vraiment pas. Les moments où Kazutora n'allait pas bien arrivaient souvent lorsqu'il devait rentrer chez lui ou qu'il en revenait. Il repartait chez lui le vendredi, samedi et dimanche. En général ça se passait plutôt bien, son père n'était pas souvent là le week-end, ou alors il se contentait de l'ignorer. Mais des fois... Des fois c'était tout l'inverse, et Kazutora rentrait avec des bleus sur le corps. C'était comme si, en seulement trois jours, son père le brisait de nouveau, alors que Keisuke faisait de son mieux pour le reconstruire. Comme s'il donnait un simple petit coup dans un verre de cristal fissuré, dont Keisuke aurait mis des années à assembler les morceaux.
   Aujourd'hui c'était lundi, alors Kazutora était de retour chez Keisuke. Il était arrivé hier soir, vers vingt-trois heures. Il n'avait pas dit grand-chose, malgré les questions que lui posait le jeune homme et sa mère, il avait l'air fatigué, et pourtant, il n'avait pas dormi de la nuit. Keisuke le savait puisqu'ils dormaient dans la même chambre. Et ce matin, Kazutora n'avait pas dit grand-chose non plus, Keisuke avait essayé de lui parler un peu, mais il avait préféré le laisser dormir en voyant qu'il était épuisé.
   Il s'était peut-être passé quelque chose... Il n'aurait pas dû le laisser à la maison, Kazutora pouvait vraiment devenir dangereux pour lui-même lorsqu'il allait mal et qu'il était seul. Keisuke aurait dû rester avec lui...
   Keisuke ne voulait pas que ça recommence comme deux ans plus tôt, il ne voulait pas négliger la santé de son meilleur ami, et si jamais il essayait de nouveau de... de... Keisuke ne pourrait pas se relever d'un nouveau séjour à l'hôpital, surtout si c'était aussi éprouvant.
   C'était peut-être pour ça qu'il était si angoissé depuis ce matin. Il n'allait pas tenir la journée comme ça, il devait faire quelque chose.
   — Ça va, s'inquiéta Chifuyu en voyant qu'il était anxieux.
   Keisuke sursauta et revint à la réalité.
   — Hein ? Ah oui... Je réfléchissais juste.
   — Tu réfléchis au contrôle de physique qu'on a dans une heure c'est ça, demanda Mikey, l'air désespéré. Quand j'y pense j'ai envie de pleurer.
   — J'ai rien compris au cours moi, dit Draken. Emma a essayé de m'expliquer mais j'étais tellement nul qu'elle a abandonné...
   — Ouais pareil, elle a aussi essayé de m'expliquer mais elle a dit que j'étais un cas désespéré, dit Mikey en secouant la tête. Izana a dit qu'il avait la flemme de m'aider, Shinichiro comprend rien aux maths, et Wakasa était pas là pour m'aider...
   — Moi j'ai contrôle de maths complémentaires, Koko m'a expliqué et j'ai tout compris, dit fièrement Inui. Je suis trop fort.
   — C'est lui qui est trop fort, toi tu l'as juste écouter parler, lança Draken. Je suis sûr que t'as rien compris.
   — Si j'ai compris !
   — Je vous aurais bien aidé mais on a pas le même programme, dit Chifuyu.
   — Moi aussi, mais bon je suis pas très fort en physique, dit Takemichi d'un air embêté.
   — Toi Baji t'as pas compris j'espère, dit Mikey.
   — Comment ça j'ai pas compris ? T'espères que j'échoue ?!
   — Ben oui comme ça on est deux !
   — Et ben si j'ai compris. Un peu. Pas trop. Bon pas tout mais j'ai compris. Bon je vise neuf.
   — Moi je vise treize, dit Draken d'un air pensif.
   — ... Je vise cinq, lança Mikey.
   — Moi vingt !!! Je suis trop fort je vais y arriver sans problème, dit Inui avec détermination.
   — Attendez je suis à côté de qui moi ?! Oh ça va je suis à côté de Sanzu, j'espère Rindo lui a expliqué et il a compris, dit Mikey en croisant les doigts.
   — C'est qui Rindo, demanda Chifuyu d'un air perdu.
   — Haitani minus. C'est le demi-mec de Sanzu.
   — Hein ?
   — Mais avec les lunettes là ! Il a des tatouages sur la partie droite de son corps ! Celui qui regarde grave mal ! Il est à la fac mais avant il était ici !
   — Oui j'avais compris qui c'était au « Haitani minus », mais comment ça c'est le « demi-mec » de Sanzu ?
   — Ben ils sont amoureux mais pas ensemble, dit Mikey comme si c'était évident.
   — Ah...
   — Euh moi je suis à côté de Hanma, j'espère il va sécher, dit Draken. Ça me déconcentre de le voir rien faire en cours.
   — T'as à côté de qui toi, demanda Chifuyu à l'adresse de Keisuke.
   Le jeune homme battit des paupières. Il avait arrêté d'écouter ses amis une fois de plus, il songeait sérieusement à rentrer chez lui là. Il ne se sentait vraiment pas capable d'aller en cours, il se sentait prêt à vomir tant il était stressé. Heureusement que ses amis ne remarquaient rien...
   — Euh je sais pas... Personne je crois. Enfin de base y'a un élève mais il vient jamais.
   Chifuyu n'eut pas le temps de répondre. Emma arriva à la table à laquelle ils étaient assis et tout le monde se tourna aussitôt vers elle, presque avec hystérie.
   — EMMA JE T'EN SUPPLIE SAUVE MOI DU CONTRÔLE, s'écria Mikey en se levant d'un coup.
   — T'aurais pas vu Koko par hasard ?!
   — Est-ce que t'as vu Hanma passer ?
   — Je vais mourir si je vais au contrôle !
   — Sans lui je peux pas y arriver.
   — T'as pas le droit de me laisser dans ce pétrin !
   — J'ai besoin de me préparer psychologiquement à sa présence...
   — Alors tu l'as vu ?!
   — Mais calmez vous, s'exclama Emma en reculant comme si elle se faisait agresser. Mikey je peux plus rien pour toi, fallait travailler au lieu de jouer ! Koko est à l'infirmerie, il a une migraine mais il va venir. Et oui j'ai vu Hanma, il est dehors avec ses amis en train de fumer.
   — Koko va mal et il m'a pas prévenu, s'exclama Inui. Je dois le voir !
   Il se leva d'un coup et partit en courant, laissant ses affaires derrière lui.
   — Et il compte venir, demanda Draken avec un regard perçant.
   — Je sais pas je lui ai pas parlé, dit Emma en rougissant sous le regard du jeune homme.
   — Mais pourquoi ?!
   — ... C'est pas mon ami et je lui ai jamais adressé la parole donc...
   Draken dévisagea Emma comme si elle aurait dû être amie avec Hanma et qu'elle aurait dû lui demander s'il comptait venir en cours. N'importe quoi... elle ne risquait pas d'être ami avec lui, ça c'était sûr.
   Keisuke cessa d'écouter leur conversation une fois de plus. Il sortit son téléphone et écrit un rapide message à son meilleur ami pour savoir s'il était réveillé, mais il ne reçut pas de réponse. Il devait encore dormir... ou alors il était occupé ? Et si... et s'il profitait de l'absence de Keisuke pour... pour se...
   Le jeune homme se leva d'un coup.
   — Qu'est-ce que tu fais, demanda Chifuyu avec surprise.
   — Ça va pas, s'inquiéta Mikey.
   — J'ai oublié quelque chose chez moi, faut que je rentre, inventa Keisuke en rangeant mes affaires qu'il avait sorti pour réviser.
   — Y'a un problème avec Kazu, dit aussitôt Draken.
   — Non c'est... Je reviens, vous occupez pas de moi.
   Keisuke ne laissa pas le temps à ses amis de comprendre et disparut à la vitesse de la lumière. Il suffoquait avec eux, il avait besoin de respirer, et de voir que Kazutora allait bien. Peut-être qu'il se faisait des films, mais c'était plus fort que lui et une fois qu'il commençait à imaginer des choses horribles, la seule chose qui pouvait le calmer, c'était d'être avec son meilleur ami. Sa mère allait comprendre, elle avait l'habitude désormais...
   Le jeune homme entra dans le premier bus qui passait et attendit avec impatience d'être amené chez lui. Il n'habitait qu'à quelques minutes du lycée, mais le trajet lui semblait incroyablement long. Pourquoi est-ce qu'il y avait autant d'arrêts inutiles... ?
   Keisuke leva son téléphone. Toujours aucun message. Il devait vraiment se dépêcher, si jamais Kazutora avait... s'il s'était... comme deux ans plutôt... chaque minute comptait.
   Le bus finit par s'arrêter à son arrêt et Keisuke se rua dehors. Il courut jusqu'à son immeuble, un tas de scénarios catastrophes tournant en boucle dans son esprit, et arriva dans son appartement. Il s'imaginait Kazutora dans tous les états possible, il s'attendait à le trouver en sang, en larmes, au bord de la mort même, c'était à peine s'il n'avait pas déjà composé le numéro de l'hôpital. Il s'attendait à tout, vraiment à tout. Mais pas à le trouver simplement endormi dans son lit.
   Keisuke se stoppa net à l'entrée de sa chambre. Malgré la pénombre qui baignait la pièce, il pouvait parfaitement distinguer le corps de son meilleur ami qui reposait dans son lit. Ses paupières étaient fermées, il était à moitié tourné sur le ventre, et Peke J était venu se lover contre son corps. Il ronronnait, Keisuke pouvait l'entendre d'ici.
   Le jeune homme sentit sa panique redescendre d'un coup, avec l'effet d'une vague glacée qui lui tombait dessus, et sa tête tourna un moment. Il retira distraitement ses chaussures et sa veste, qu'il n'avait pas enlevée dans sa hâte, et s'approcha à pas de velours de son meilleur ami.
   — Zouzou tu dors, murmura-t-il en s'agenouillant devant lui. Hé Zouzou...
   Kazutora papillonna des yeux avec fatigue et le regarda avec fatigue.
   — T'es pas au lycée, demande-t-il d'une petite voix.
   — Je m'inquiétais pour toi... Tu vas bien ?
   — Je dors...
   — Désolé de t'avoir réveillé. Je peux venir ?
   Kazutora acquiesça en silence et referma les yeux. Keisuke enleva sa chemise pour ne pas la froisser, ainsi que son pantalon, puis il vira Peke J sans aucune gêne, et vint se blottir contre son meilleur ami. Il s'engouffra dans ses bras chauds en enfouissant sa tête dans le creux de son cou, fit glisser l'une de ses cuisses entre les siennes pour être plus à l'aise, et l'entoura de ses bras.
   — T'es sûr que ça va, demanda Kazutora alors qu'il l'étouffait contre lui.
   — Maintenant oui... Ça était ce week-end ?
   — Ça était... mais tu m'as manqué.
   — Tu m'as manqué aussi.
   — Tu fais une crise d'angoisse ?
   — Peut-être un peu, dit Keisuke en roulant sur Kazutora pour s'allonger contre lui.
Son meilleur ami le laissa faire et Keisuke s'étala sur lui. Heureusement que Kazutora avait repris un peu de poids, sinon il l'aurait vraiment cassé en deux. Ce n'était pas très malin de se mettre comme ça sur une personne sous-alimentée avec un poids trop inférieur à la moyenne, mais Keisuke aimait bien, tant que son meilleur ami n'avait pas mal. S'allonger sur lui était agréable, rassurant, ça avait l'effet d'un calmant sur lui, comme un médicament. Comme ça il pourrait vraiment s'endormir, il n'y avait rien de mieux que la chaleur du corps de Kazutora pour apaiser ses angoisses.
— Ça s'est passé comment ton week-end, demanda le jeune homme au bout d'un moment, alors que son meilleur ami avait commencé à caresser ses cheveux.
— Il s'est rien passé, mon père m'a ignoré, dit aussitôt Kazutora pour le rassurer.
Keisuke ne répondit rien. Il baissa la tête et souleva son t-shirt pour vérifier qu'il n'y avait aucun bleu. Il n'y avait rien. Mais il restait encore les jambes... Kazutora dut sentir que Keisuke était capable de le déshabiller complètement, car il finit par dire :
— J'ai rien fait, je te le promets.
— Mouais, dit alors Keisuke en enfouissant de nouveau son visage dans son cou.
Le jeune homme referma les yeux et laissa le silence s'installer. Il respira l'odeur qui se dégageait de Kazutora, et se concentra sur sa respiration. La crise d'angoisse n'avait fait que le frôler, mais il en avait senti les effets. Son cœur battait toujours un peu trop vite, sa gorge restait nouée, l'anxiété ne le quittait pas. Mais désormais il avait l'habitude, il savait se calmer, et il avait trouvé un moyen plutôt efficace pour se détendre. C'était un médecin à l'hôpital qui lui avait donné, juste avant qu'il ne reparte définitivement chez lui, deux ans plutôt.
La méthode était plutôt simple, et elle consistait surtout à se raisonner. Il y avait six étapes : la situation, les pensées, les sentiments, les effets, la probabilité que les pensées arrivent, l'alternative. Dans ce cas là c'était simple.
   La situation : Keisuke avait laissé son meilleur ami seul, sachant qu'il n'allait pas bien et qu'il pouvait se faire du mal.
   Les pensées : Keisuke avait peur que son meilleur ami se fasse du mal.
   Les sentiments ressentis : la peur, l'angoisse.
   Les effets de ces pensées et sentiments : son cœur battait vite, il avait la gorge nouée, ses mains étaient moites, comme s'il avait couru longtemps et qu'il mourrait de chaud, et sa tête tournait.
   La probabilité que ses peurs arrivent : six sur dix.
   La probabilité qu'une alternative arrive : huit sur dix.
Et c'était ce qui c'était passé, l'alternative avait pris le dessus puisque Kazutora dormait simplement lorsque Keisuke était avec lui. Il ne s'était rien passé et tout allait bien.
Keisuke se répéta ces paroles en boucle dans son esprit, suivant à la lettre chaque étape du processus, et concentra aussi ses pensées sur les effets de l'angoisse qu'il ressentait. Sa tête tournait un peu, comme lorsqu'on boit une coupe de champagne et qu'on est un peu étourdi. Ce n'était pas horrible à supporter, c'était juste désagréable. Mais ça allait, sa tête ne tournait pas trop vite, et au moins le décor autour de lui ne donnait pas l'impression de tanguer. Ensuite, la gorge nouée. Il avait l'impression qu'une fine corde était enlacée autour de son cou et qu'elle le serrait difficilement, un peu comme un tour du cou qui ne serait pas à la bonne taille. Ça ne l'empêchait pas de respirer, et il pouvait sûrement manger, mais c'était comme si cette cordelette emprisonnait une boule de stress en lui. Son cœur emballé. Il battait un peu trop fort, parfois il lançait des décharges dans son corps, mais encore une fois, c'était supportable.
Keisuke inspira doucement et expira. Sa main caressa les cheveux de son ami. Ils avaient bien poussé depuis deux ans, Kazutora avec presque la même coupe que lui, ses cheveux presque entièrement noirs lui arrivaient au-dessus des épaules, et il avait deux mèches blondes qui encadraient son visage. Keisuke aimait bien cette coupe, ça le rendait sexy, et il aimait bien les différentes longueurs de ses mèches qui n'avaient pas encore pu être égalisées.
— T'aimes bien cette coupe, demanda le jeune homme en enroulant son doigt autour de l'une de ses mèches de cheveux.
— Oui, mais j'ai l'impression de te copier. La première fois que Takemichi m'a vu avec, il m'a pris pour toi. J'étais trop gêné...
— On se ressemble pas du tout en plus, dit Keisuke d'une voix pensive. On a même pas la même carrure.
— Non, moi j'ai l'air d'un squelette.
— N'importe quoi, t'as repris du poids !
— Je suis toujours trop maigre...
   — T'es beau comme ça, murmura Keisuke en serrant son meilleur ami contre lui.
   Kazutora ne répondit rien, mais Keisuke sentit qu'il était touché. Le jeune homme sourit pour lui-même et approcha timidement ses lèvres de son cou, mais la porte de la chambre s'ouvrit soudain et sa mère entra.
— Kei je peux savoir pourquoi tu n'es pas au lycée ?
Keisuke se renfrogna.
— J'étais inquiet pour Kazu, dit-il avec gêne. Je me sentais vraiment angoissé et j'avais besoin de voir qu'il allait bien...
— Oh mon chat, pourquoi tu ne m'as pas appelé ? Je serais venu te chercher, dit sa mère en s'asseyant près de lui pour caresser sa tête.
— Je voulais pas te déranger, et ça aurait pris du temps...
— Tu as fais une nouvelle crise ?
— J'ai failli, mais ça va un peu mieux là. T'es pas au travail toi ?
— Ma réunion est décalée à cette après-midi, alors j'en ai profité pour rester ici.
— Ok... Oh !
Keisuke se redressa vivement et plaqua ses mains contre son visage.
— J'ai un contrôle de physique dans une heure ! Je dois y retourner !
— Oh tu peux le louper, et puis la physique c'est pas important, dit sa mère avec indifférence.
— Oui c'est vrai, je pourrais le rattraper en plus... mais si je loupe les cours, je pourrais pas te les donner Kazu...
— Je demanderais à Mikey, dit Kazutora en haussant les épaules.
— Il prend pas en note la moitié du cours, tu vas rien comprendre. Lui-même il comprend pas.
— Alors je demanderais à Draken.
— Non ses cours sont bizarres, il les organise pour que Mikey comprenne c'est... Tu vas pas comprendre non plus.
— Bon alors je demanderais à Yuzuha.
— Non, ses cours sont désordonnées, et en plus elle arrête pas de mettre des schémas partout...
— C'est pas grave, je comprendrais, dit Kazutora avec un sourire.
— Pourquoi tu ne demandes pas à Haruchiyo, demanda sa mère.
— Ben parce que lui il... bah... Oui je peux lui demander. Avec un peu de chance Rindo l'aide à organiser ses cours et ça sera compréhensible et propre, dit Keisuke avec espoir.
— C'est qui Rindo, demanda Kazutora sans comprendre.
— Le plus jeune des frères Haitani. Avec les mèches blonde et bleue, et il a des lunettes.
— Quel rapport avec lui ?
— En gros il est proche de Sanzu. Je sais pas j'ai pas compris.
— ... Mais pourquoi il l'aiderait pour ses cours ?
— Je sais pas, il a une tête d'homme intelligent.
   — Mais il va en cours au moins ?
   — Euh... il est à la fac, donc oui. Je crois qu'il fait du droit.
   — Un délinquant en droit ? T'es sûr ?
   — Oui ? Je sais pas, c'est... bref il aide Sanzu.
— ... Oui mais-
— Zouzou. Tu poses trop de questions, coupa Keisuke en posant son doigt sur sa bouche.
— Bon si le problème des cours est réglé tant mieux. Je vais aller acheter à manger pour le petit déjeuner, dit sa mère en se levant. Je vous prends quelque chose ?
   — J'ai pas faim moi, dit Kazutora.
   — Moi non plus.
   — Ok alors je vous prends deux cappuccinos, du pain perdu avec c'est bon ?
   — ... Maman on vient de dire qu'on avait pas faim.
   — Les repas c'est le matin, le midi et le soir, répliqua sèchement sa mère. Kazu je suppose que tu n'as pas beaucoup manger ce week-end ? Qu'est-ce que tu as mangé ?
   — Euh... j'ai mangé des compotes.
   — Génial... Kei aussi n'a pas beaucoup mangé. Bon je reviens vite, ne faites pas de bêtises tous les deux, dit sa mère avant de partir.
   Elle était vraiment trop têtue... Keisuke n'avait pas envie de manger, il avait encore la gorge nouée et il ne voulait pas prendre le risque de vomir. Ça devait être pareil pour son meilleur ami.
   Le jeune homme se rallongea finalement à ses côtés, et Peke J en profita pour sauter sur le torse de Kazutora, tout en lançant un regard perçant au jeune homme.
   — Sérieusement, dit Keisuke en haussant les sourcils.
   — Je crois qu'il te fait la tête, dit Kazutora en caressant la tête du petit chat.
   — C'est parce que je l'ai mis au régime, il a plus de pâtée alors il est pas content.
   — Mon pauvre Peke J...
   Le petit chat ronronna et vint lécher avec curiosité le nez de Kazutora.
   — Il veut me faire un bisou, dit son meilleur ami alors que Peke J léchait ses lèvres.
   ... Ce chat était vraiment en train de lui voler son meilleur ami ? Sérieusement ? Peke J finit par descendre de son torse et se roula en boule près de sa tête, Kazutora se tourna alors vers lui pour continuer de le caresser, se mettant dos à Keisuke. Là, il commençait à être vraiment indigné. Lui aussi il voulait l'attention de son meilleur ami ! Il ne voulait pas se faire délaisser comme ça !
   — Moi aussi je veux des câlins, dit Keisuke d'un air maussade.
   — Tu veux jouer Peke J, demanda Kazutora en ignorant le jeune homme. Oui ? Ah ! Non tu me lèches pas les yeux par contre !
   — Mais Zouzou ! 
   — Il est trop choupi regarde !
   S'en était trop. Keisuke n'allait pas se laisser faire quand même, ce n'était pas une minuscule bête poilue qui allait voler l'attention de son meilleur ami. Keisuke se tourna à son tour vers Kazutora. Il se rapprocha de lui jusqu'à coller son corps au sien, il passa ses bras autour de sa taille, puis il cala sa tête contre la sienne.
   — Si tu veux je peux aussi te faire des bisous pour attirer ton attention, dit-il tout près de son oreille.
   — Baji, tu te rends compte que tu es jaloux d'un chat ?
   — ... C'est redoutable les chats comme concurrent...
   — Désolé mais Peke J c'est mon chouchou, tu ne peux pas rivaliser.
   — Donc tu préfères un chat à moi ?
   — ... Mais je t'aime quand même hein !
   — Je suis vexé.
   — Baji, tu joues pas dans la même catégorie que lui, évidemment que je te préfère, dit Kazutora en levant sa main pour caresser son visage.
   — Hmm.
   Keisuke planta un baiser sur la joue de son meilleur ami et le laissa caresser Peke J. Être aussi proche physiquement de lui ne le dérangeait pas, il était toujours très tactile avec Kazutora, et puis ils dormaient toujours ensemble, alors ils étaient souvent dans les bras l'un de l'autre. Ça amusait toujours sa mère de les voir l'un contre l'autre sans aucune gêne, même lorsqu'ils étaient devant elle, ils étaient capables de se coller l'un à l'autre. Par exemple, quand ils étaient tous les trois dans le salon et qu'ils regardaient un film, Keisuke avait pris l'habitude de s'allonger à moitié sur Kazutora et sa mère, et ça ne dérangeait personne.
   En revanche, ils étaient plus discrets devant leurs amis. Keisuke n'avait pas envie qu'on leur pose des questions, et puis Kazutora ne voulait pas « gâcher ses chances avec Chifuyu ». Chances inexistantes d'ailleurs. C'était vrai que Keisuke l'appréciait, mais bon... il y avait déjà Kazutora et il ne pouvait pas l'oublier ou le remplacer comme ça...
   Ça faisait deux ans que Kazutora l'avait repoussé, mais Keisuke n'était pas prêt d'oublier ça. Et puis... leur relation était toujours aussi ambiguë, ils ne pouvaient pas le nier. Ils ne se comportaient pas comme de simples meilleurs amis, leurs sentiments étaient bien au-delà de tout ça, c'était bien différent. Ça faisait longtemps qu'ils n'étaient plus juste meilleurs amis, aujourd'hui ils étaient autre chose, un lien bien plus fort les unissait.
Ils se regardaient avec une lueur dans les yeux qui ne trompait pas, un regard emprunt d'amour sincère, brillant, comme si de petites lumières flottaient dans leur iris. Ils se touchaient avec une douceur qu'ils n'offraient à personne d'autre, chacun de leur geste semblait être une caresse, comme si un mouvement trop brusque froisserait leur fine carapace de cristal, comme s'ils étaient des trésors qu'un seul geste maladroit briserait. Ils se parlaient et s'écoutaient avec toute leur attention. Leur discussion effaçait le reste, ils s'enfermaient dans la précieuse bulle qu'ils s'étaient construite, et il n'y avait plus qu'eux. Eux et leurs paroles, leurs mots, la mélodie de leur voix, ils buvaient leurs dires, ils se captivaient. Et les pensées qu'ils s'adressaient étaient toutes pleines de pureté et de tendresse, ils occupaient le centre de leur attention.
C'était ça leur relation, et Keisuke l'aimait, même si elle était ambiguë.
   Il n'arrivait pas à considérer Kazutora comme un simple meilleur ami, il n'arrivait pas à concevoir l'idée qu'il pouvait moins l'aimer, ou d'une façon différente. Tout simplement parce qu'il... il l'aimait bien trop pour ça. Chaque partie de lui. Il aimait ses petites sourires timides lorsqu'on lui disait quelque chose de touchant. Quand il se roulait en boule sur le canapé et qu'il essayait de se fondre dans le décor. Son air tout sage lorsqu'il travaillait en silence le soir. Ses éclats de rire d'une magnifique pureté. Son regard mystérieux qu'il cachait en baissant les yeux. Quand il se plongeait dans des livres et qu'il n'entendait plus rien autour. L'air totalement captivé qu'il avait lorsqu'il regardait des films d'auteurs. Quand il jouait du piano dans les gares, et qu'il s'amusait à jouer des musiques qui allaient avec les passants qu'il voyait. Une triste pour un couple qui se séparait. Une pressée pour un homme qui courait le long des quais. Une enjouée pour une famille qui se retrouvait. Il trouvait toujours le morceau le plus adapté à chaque passant auquel il prêtait attention. Et Keisuke aimait ça.
   Les petits détails qui faisaient qu'il était lui, Kazutora, et qui constituaient sa personnalité. Keisuke les aimait tous. Et il ne voyait pas comment faire autrement.
Le jeune homme sourit en pensant à leur relation. Il baissa les yeux sur l'épaule dénudée de son meilleur ami, le col de son t-shirt tombait sur le côté et laissait apparaître sa peau blanche. Il leva sa main et effleura imperceptiblement sa peau, elle était aussi douce que celle d'une pêche, son doigt courait tout seul dessus. Il baissa sa main et la posa au creux de sa taille. Tiens, il n'avait pas de pantalon ? Il devait être trop fatigué pour en mettre un hier soir en se couchant, alors il n'avait pas pris la peine de se changer entièrement.
Le jeune homme caressa avec douceur la hanche de Kazutora. Elle était cambrée, une magnifique courbe se dessinait dessus, légèrement arrondie, longue, élégante, avant de redescendre et de faire un creux au niveau de sa taille. Il avait une belle silhouette, surtout lorsqu'il était dans cette position qui mettait en valeur ses formes. Keisuke souleva légèrement son t-shirt pour toucher sa fine taille, faisant aller et venir sa main le long de sa hanche, avant de redescendre au creux de sa taille.
Il resta un moment ainsi, blottit contre le dos de son meilleur ami, sa main caressant son corps, sa tête toujours nichée au niveau de son cou. Kazutora ne disait rien, ça ne semblait pas le déranger que Keisuke le touche de cette façon, même s'il avait légèrement rougi, il avait l'air d'aimer ça. Au bout d'un moment, l'attraction fut irrésistible et Keisuke déposa ses lèvres sur l'épaule de son meilleur ami. En plus d'être douce, sa peau était agréablement chaude, et elle lui donnait encore plus envie de l'embrasser. Il déposa alors plusieurs baisers sur son épaule, et sentit la main de Kazutora se glisser dans ses cheveux pour les caresser. Sa propre main, posée au creux de sa taille, glissa sur son ventre chaud et il le tira un peu plus contre lui. Ses baisers s'élevèrent, il en dessina une ligne jusqu'à son cou avant de remonter, ses lèvres rencontrèrent les lignes d'encre qui décoraient sa peau. Elles les embrassèrent avec délicatesse, comme s'il ne fallait pas les effacer, et remontèrent lentement jusqu'à sa mâchoire.
Keisuke se releva légèrement pour voir le visage de Kazutora. Les deux jeunes hommes s'échangèrent un long regard, avant que Keisuke ne se baisse lentement vers lui et dépose ses lèvres sur les siennes. À l'instar de sa peau, elles étaient tout aussi douces. Pour une fois, elles n'étaient pas abîmées par de profondes morsures, mais leur fine peau restait fragile, alors Keisuke fit attention à ne pas les abîmer.
   Kazutora finit par se tourner sur le dos et Keisuke monta sur lui, allongeant son corps sur le sien avec timidité, comme si c'était la première fois qu'il faisait ça. Il prit son visage entre ses mains et approfondit leur baiser, avant de faire entrer sa langue dans sa bouche. Leur baiser avait la même saveur qu'à chaque fois, un parfum délicat, alléchant, qui donnait envie d'en avoir davantage. Ce n'était pas le premier baiser qu'ils s'échangeaient depuis deux ans, Keisuke avait déjà volé plusieurs baisers à son meilleur ami, en soirée, pour des défis, ou juste pour « rire ». Il en avait peut-être profité parfois, mais Kazutora lui avait toujours répondu avec plaisir. Mais aujourd'hui, ça semblait différent.
   Keisuke avait bien plus chaud que d'habitude, son cœur palpitait dans sa poitrine, mais pas de la même manière que lorsqu'il angoissait. C'était une chaleur agréable qui se propageait en lui, accompagnée d'une volée de papillons qui secouait son ventre. Et... bizarrement cette sensation descendait même jusque entre ses jambes. Le jeune homme rougit lorsqu'il comprit qu'il était excité, il sentait bien que cette partie de son corps était à une température anormalement élevée, une bosse était apparue sur son caleçon, et le pire... Kazutora devait sûrement le sentir. Keisuke ne pouvait pas faire comme si de rien était...
   — J'ai envie de toi, murmura le jeune homme en se relevant légèrement.
   Kazutora, qui le tenait par la taille, le lâcha et conduisit sa main entre ses jambes pour tâter la bosse de son caleçon. Un petit sourire se dessina lorsqu'il constata qu'il était vraiment excité.
   — Je suis prêt à le faire, dit-il en faisant passer ses doigts sur le tissu noir.
   Keisuke rougit de plaisir en le sentant faire ça.
   — T'es sûr, dit-il d'une voix mal assurée.
   — Oui, je me sens prêt à le faire avec toi.
   — Continue alors, s'exclama Keisuke alors que son meilleur ami retirait sa main.
   Kazutora reposa timidement ses doigts sur son caleçon, puis il posa la paume de sa main et le caressa avec hésitation. Il fit monter et descendre sa main contre lui, ce qui empira sa situation et lui donnait encore plus de plaisir.
   — T-tu veux qu'on couche ensemble, demanda Keisuke en jetant un regard perçant à son meilleur ami.
   Kazutora acquiesça vivement.
   — Tu veux me prendre, demanda-t-il en faisant de plus en plus de va-et-vient contre lui.
   Keisuke hocha la tête en sentant ses yeux se fermer. Il se pencha sur le côté et fouilla un instant sous son lit, avant d'en sortir un sachet de préservatif et du lubrifiant. C'était sa mère qui lui avait donné, deux ans plus tôt, lorsqu'elle les avait vu s'embrasser dans la chambre de l'hôpital. Sur le moment c'était un peu précoce, mais finalement c'était utile... heureusement qu'elle était prévoyante...
Keisuke baissa timidement le caleçon de Kazutora et humidifia ses doigts.
— T'es toujours d'accord, demanda-t-il.
— Oui, assura Kazutora.
Keisuke approcha alors sa main de lui. Il caressa un instant ses fesses avec hésitation, avant de faire entrer un doigt en lui en rougissant. Il essayait d'y aller doucement, Kazutora s'était légèrement crispé de douleur, mais ça avait l'air d'aller quand même. C'était une sensation étrange, il ne s'était pas attendu à ça, mais il aimait beaucoup et il avait envie d'aller encore plus loin. Il ajouta un second doigt sans pouvoir s'en empêcher et sourit. Même s'il ne regardait pas son visage, il entendait la respiration précipitée de Kazutora, et il s'était cambré malgré lui. Ça lui plaisait, il aimait ça.
Keisuke enfonça davantage ses doigts. Est-ce qu'il pouvait en mettre un troisième ? Ça pouvait rentrer ? Il ouvrit ses doigts et fit des mouvements de ciseaux pour essayer d'étirer le passage, avant de faire pénétrer un troisième doigt. Un frisson de plaisir parcourut son corps alors que Kazutora émettait de petits bruits. Il ne savait pas vraiment ce qu'il devait faire, mais il voulait bouger ses doigts, et aller plus loin en lui. Il n'arrivait pas à croire ce qu'il était en train de faire, ses doigts étaient en Kazutora, ils l'étaient vraiment ! Il était en train de lui donner du plaisir, c'était la toute première fois qu'il faisait quelque chose de sexuel avec quelqu'un !
Keisuke baissa les yeux et regarda ses doigts entrer et sortir de Kazutora. Il se recula sans arrêter ses mouvements de doigts et se pencha vers lui, avant de poser ses lèvres sur l'intérieur de ses cuisses. Il déposa plusieurs baisers sur ses cicatrices, sa langue les effleura timidement, avant qu'il ne tourne les yeux vers son entrejambe.
— Je peux, demanda-t-il avec envie.
Kazutora, qui avait les yeux levés au plafond, acquiesça sans même le regarder. Keisuke posa alors ses lèvres sur son entrejambe avec hésitation, il n'avait aucune idée de comment s'y prendre, la seule chose dont il avait envie, c'était de le couvrir de baisers. Il enchaîna alors les baisers sur sa peau brûlante, tout en remontant progressivement, et commença à la suçoter avec curiosité.
— Baji tu peux pas le mettre dans ta bouche, s'exclama Kazutora, les joues toutes rouges. Ça passe pas !
Mais le jeune homme ne l'écouta pas. Il aimait beaucoup faire ça, il adorait savoir qu'il avait une partie de Kazutora dans sa bouche. Il le fit alors complètement entrer dedans, en y allant d'un coup, jusqu'à faire taper son entrejambe contre le fond de sa bouche. Il en oublia complètement de faire bouger ses doigts et s'amusa plutôt à faire des va-et-vient avec sa bouche, en suçant avec plaisir sa peau. Il aimait de plus en plus faire ça, ça l'excitait, surtout de savoir qu'il le faisait à Kazutora ! Il allait de plus en plus vite, son meilleur ami avait passé sa main dans ses cheveux pour guider ses mouvements, il appuyait sur sa tête pour le faire aller de plus en plus profond, et même son bassin cambré faisait des allées et venues contre sa bouche.
   — B-Baji je vais... je vais...
   Keisuke comprit aussitôt. Il accéléra ses mouvements avec excitation et fit de nouveau entrer ses doigts en lui, le faisant gémir de plaisir. Il ne voulait pas faire les choses à moitié, il voulait que Kazutora prenne autant de plaisir, et que son premier orgasme avec lui soit parfait. Il voulait que Kazutora continue de trembler de plaisir, qu'il se mette à gémir, et lui donner envie d'aller encore plus loin ensemble.
   — Baji, s'écria son meilleur ami en prenant une grande inspiration.
   Le jeune homme sentit qu'il touchait de ses doigts le point sensible de son meilleur ami, mais il n'eut pas le temps de le stimuler davantage que quelque chose de chaud se déversa soudain dans sa bouche et coula au fond de sa gorge.
   Keisuke se redressa en se séparant de Kazutora et lécha ses lèvres avec curiosité.
   — Désolé, s'excusa aussi Kazutora en se redressant à son tour.
   — Je voulais que tu le fasses dans ma bouche, dit le jeune homme avec un sourire rassurant.
   — T'es pas en colère ?
   — Bien sûr que non.
   Keisuke se pencha aussitôt vers lui et unit de nouveau ses lèvres aux siennes. Il souleva Kazutora pour le plaquer avec envie contre la tête de son lit derrière lui, en collant leur corps l'un contre l'autre, et posa son bassin contre le sien en le maintenant surélevé. Kazutora répondit à son baiser avec passion, il retira vivement son t-shirt et passa ses bras autour de la nuque du jeune homme.
   Leurs gestes devenaient précipités, pressés, leur excitation était de plus en plus difficile à contenir. Ils en voulaient plus, ils avaient besoin de plus, de sentir leur corps danser l'un contre l'autre, de s'unir l'un à l'autre une nouvelle fois, de nourrir leur plaisir, et de s'embrasser à s'en faire perdre la tête. Keisuke ne s'était jamais imaginé faire ça, il n'avait jamais imaginé que ça se passerait de cette façon, que c'était ce genre de chose qu'on ressentait lorsqu'on prenait du plaisir, mais il n'était pas déçu, loin de là.
   D'une main, il s'empara du préservatif qu'il avait sorti et l'enfila rapidement. Heureusement qu'il avait eu des cours au collège, sinon il n'aurait pas su s'y prendre, mais il réussit à le mettre sans problème et jeta un coup d'œil à son meilleur ami pour avoir son approbation. Kazutora acquiesça vivement, en s'accrochant à son cou. Keisuke serra fermement ses cuisses et entra alors lentement en lui.
   Encore une fois, il ne s'était pas attendu à ça. C'était chaud, humide, agréable, mais c'était surtout vraiment étroit. Il ne savait même pas comment il avait pu entrer en lui tellement c'était serré, mais... il adorait ça, ça l'excitait encore plus étrangement. Keisuke se mordit les lèvres pour ne pas se mettre à bouger comme un fou en lui, il essaya de détendre Kazutora, qui s'était crispé, et l'embrassa longuement. C'était vraiment difficile d'attendre, il avait envie de se jeter sur lui et de le dévorer, de toucher de nouveau ce point sensible qu'il avait trouvé, de l'entendre de nouveau gémir, et de voir à quel point il pouvait ressentir de plaisir.
   Son excitation l'emportait, il se mettait à bouger tout seul contre lui, même s'il essayait de contenir ses mouvements. Mais Kazutora finit par complètement se détendre, il ferma les yeux en soupirant de plaisir, et Keisuke comprit qu'il pouvait vraiment y aller. Soulagé, il souleva un peu plus son meilleur ami en le gardant bien plaqué contre la tête du lit, et fit onduler son bassin sur le sien. Aussitôt, une délicieuse vague de chaleur emporta son corps, les papillons qui volaient dans son bas-ventre se multiplièrent, ils firent naître de vives décharges électriques qui traversaient son cœur et le faisaient battre à toute vitesse, et des gouttes de sueur coulèrent le long de ses jambes.
   Le jeune homme poussa un gémissement de plaisir sans pouvoir s'en empêcher et remonta l'une de ses mains sur la taille de son meilleur ami, tout en baissant les yeux vers son torse dénudé. Son regard se posa sur sa poitrine bombée qui commençait à se muscler, sa peau brillante qui se soulevait rapidement, et ses tétons saillants qui semblaient terriblement appétissants. Keisuke se retint de se jeter sauvagement dessus et baissa un peu plus les yeux pour voir son ventre où apparaissaient les contours de ses muscles naissants. Son torse commençait à se sculpter, et le voir de cette façon, cambré, bombé, à monter et descendre contre lui... faisait monter en flèche le désir de Keisuke.
   Il fit onduler son bassin plus rapidement contre Kazutora. Leur corps enfiévré s'entrechoquait, leur souffle court se mêlait alors que de nouvelles sensations faisaient tourner leur tête, et leurs lèvres ne parvenaient plus à se détacher l'une de l'autre.
   Kazutora gémit une nouvelle fois lorsque Keisuke toucha son point sensible. C'était le son le plus merveilleux qu'il n'avait jamais entendu, aiguë, pris dans un soupir de soulagement, délicat et presque similaire à une supplication. Ce n'était pas un cri vulgairement lâché, c'était beaucoup plus doux, profond, intense, et Keisuke mourait d'envie de l'entendre de nouveau.
   Il posa ses lèvres dans le cou de son meilleur ami, au niveau de son tatouage, et accéléra leur cadence pour toucher de nouveau sa prostate. Le bassin de Kazutora cognait contre la tête du lit, le lit grinçait, et la respiration de Keisuke se faisait entendre, mais lorsqu'il se mit à gémir de nouveau, tous les bruits alentours disparurent et le jeune homme n'entendit plus que son meilleur ami. Fasciné par cette délicieuse mélodie, il s'acharna sur sa prostate pour l'entendre de nouveau, et se délecta de chaque gémissement qui franchissait la barrière de ses lèvres.
   — Oui, s'exclama Kazutora en laissant tomber sa tête en arrière. Oui...
   Keisuke poussa une exclamation de plaisir alors que son corps tremblait soudain. Il martela à toute vitesse le bassin de son meilleur ami en ouvrant vivement les yeux, et sentit quelque chose se déverser dans son préservatif, ainsi que sur son ventre. Il avait atteint l'orgasme...
Keisuke se retira délicatement de son meilleur ami et enleva son préservatif, mais il ne s'écarta pas de lui et laissa tomber son front contre le sien, le souffle court. Il avait besoin d'un moment pour retrouver ses esprits et redescendre sur terre, il avait besoin de se calmer un peu. C'était étrange, il avait l'impression que son excitation ne parvenait pas à redescendre complètement, comme s'il en voulait encore.
— On a couché ensemble, murmura Kazutora avec incrédulité.
— Oui... j'ai encore envie de toi... On peut continuer ?
Kazutora rougit, plus qu'il ne l'était déjà.
— Tu m'as pas trouvé nul ?
— Non, t'es incroyable.
— Oh... je veux bien continuer...
Baji allongea aussitôt son meilleur ami dans le lit et se mit au-dessus de lui. Il fondit sur sa gorge tel un rapace, et passa sa langue sur sa peau avec envie.
— A-attends, dit Kazutora en essayant de le repousser. On peut pas continuer, t'es censé aimer Chifuyu et ça va te faire du mal...
— Je m'en fiche de lui, t'es le seul à qui je pense, c'est de toi que j'ai envie Kazu, dit Keisuke en déposant des baisers jusque sur sa poitrine.
— Je veux pas te faire de mal. Tu devais m'oublier..., gémit Kazutora alors qu'il mordillait ses tétons.
Keisuke lécha ses bouts de chairs avec excitation, sans même faire attention à ce qu'il disait. Il avait un peu de mal à parler sérieusement alors qu'il venait de faire l'amour à Kazutora et qu'il s'apprêtait à lui faire de nouveau...
— Tu veux vraiment le faire avec moi... ?
Keisuke soupira et se releva au-dessus de lui.
— Kazu, évidemment que c'est avec toi que je veux le faire. Je sais bien que c'est pas possible entre nous et que tu veux pas me faire de mal, mais je peux pas faire comme si t'étais juste mon meilleur ami alors que t'es tout pour moi. Je t'aime et je veux juste être avec toi, peu importe la manière... Je suis prêt à recevoir chaque petite chose que tu peux m'offrir, alors ne t'empêche pas de faire ce que tu veux avec moi.
Keisuke pencha la tête.
— Tu sais... Peu importe ce qu'il se passe, une part de moi t'aimera toujours. J'en suis convaincu. Et je serais toujours à tes côtés, qu'on soit ami ou plus.
Kazutora rougit et lui lança un regard brillant.
— Après tout... toi et moi on est ensemble jusqu'à la fin non, dit Keisuke avec un sourire rayonnant.

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Voilà le chapitre bonus :)
J'espère que vous avez bien aimé haha !

(Le moment où j'ai décrit leur relation m'a mis les larmes aux yeux, je sais pas pourquoi mais j'ai trouvé que j'écrivais bien et qu'ils avaient définitivement une relation incroyable 🤧)

Zoubi zoubi :)

Le fil de ta vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant