Réputation

C1 : un semblant d'ordinaire

J'avais plutôt hâte d'entrer au lycée. Un peu peur aussi, je dois bien l'avouer, mais hâte tout de même. Nous étions jeudi, la rentrée des 2nd G était prévue pour 15h.

Je m'imagine déjà le lycée comme un monde sans problème, ou presque, avec un grand choix de garçons et peu de possibilités d'y être à nouveau harcelée comme les années passées. Et le fait d'y être en internat n'était pas pour me déplaire : plus de parents sur le dos & sorties avec les potes le soir assurée ! Enfin, encore fallait-il s'en faire.

En effet, me trouver des amis était compliqué car j'ai toujours eu la même réputation, et ce depuis 2 ans maintenant. Je devais ça uniquement à mon corps, que je n'aimais pas particulièrement d'ailleurs, à l'inverse des mecs qui étaient pour la plupart tous « en chiens ». Ces mêmes mecs qui osaient me critiquer et nourrir ma réputation par derrière. Voyez comment l'homme est intelligent...

Mes deux dernières années collège avaient été mouvementées. Ma transition 5e -> 4e a été définitive et radicale. Changement de style vestimentaire, plus de formes et changement de comportement. Et avec ça une nouvelle réputation de pute pour enjoliver le tout. Ça venait de la. Et au début ça ne m'atteignait pas.

En 4e, j'étais au centre de l'attention, et aussi la commère par exellence. C'est comme ça que j'avais aussi rencontrée ma meilleure amie de l'époque, Eva, que j'admirais vraiment.

C'était une vraie amitié, celle où tu embrasses ta meilleure pote sans gêne, celle avec qui tu traîne tout le temps. Le duo de choc ! Inséparable, à ce qui se dit.

La 3e a été tout autre, ma réputation était devenue une forme de harcèlement. Pourtant, je continuais d'affirmer à quiconque voulait l'entendre que rien de tout ça ne m'affectait.

Avouer c'était être faible, et être faible veut dire que les gens en profitent pour encore plus t'enfoncer dans ton problème. Alors je suis devenue plus hautaine pour paraître sûre de moi.

La différence qui a marqué la 3e est que je ne m'intéressais plus du tout aux commérages et ragots du collège. C'est comme si j'avais oublié le nom de tout le monde, tandis qu'eux n'avaient que le miens en bouche.

Et certains me le disaient : interpellez n'importe quel élève de n'importe qu'elle classe et demandez lui s'il ou elle connaît une Camille en 3e, il vous répondra à coup sûr en vous demandant si vous parlez bien de la « fille facile » de 3eA.

« Fille facile » qui, par ailleurs, était toujours vierge, soit dit en passant. Comme quoi il en faut peu pour démarrer des rumeurs.

C'est aussi cette année là que Eva m'a progressivement abandonnée pour traîner avec les populaires. Je l'ai mal pris quand j'ai vu qu'elle aussi commençait à me tailler sur mon dos, alors qu'elle avait vécu les 15 derniers mois avec moi. Je lui racontait uniquement à elle combien ça m'affaiblissait et il me semble même qu'un jour elle m'avait déjà vu en pleurer.

C'est son audace qui m'a choquée. Le culot qu'elle a eu de simplement oser me critiquer. Mais les filles se font des coups bas entres elles. C'est bien connu.

Mal ou bien, ce délaissement ma fait renouer avec mon ancienne meilleure amie, Oriane, que je connais depuis la maternelle.

Je me souviens que le jour même où Eva avait pris ses affaires sans même s'expliquer, pour aller à coter d'Enola, Oriane avait sauter sur l'occasion pour prendre sa place. Et je me souviens de nombreuses heures de cours que nous avons passées à rigoler ensemble au fond de la classe, et également les mots dans le carnet que ça nous a valu...

Ce qui nous amène à des adieux particulièrement douloureux à la fin de la dernière semaine de cours, où tous avions lâchés quelques larmes tandis que nous nous prenions dans les bras au départ de chacun. Et je me rappelle même de Mme Gondat, notre professeur principale qui, en sortant de la classe ce jour là, m'avait serrée fort, me faisant promettre de bien travailler comme je l'avais toujours fait. Elle était tellement attentionnée.