Mila...

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​An 1364, cité de Berroc...

Dix années s'étaient écoulées, l'enfant pur drapé de blanc avait opté pour des habits noirs, exprimant sans doute ce qu'il ressentait à l'intérieur. Il était à présent un grand gaillard, un géant, dépassant largement la taille moyenne des hommes de son âge. Sa mâchoire, son cou, ses épaules, son dos, sa musculature taillaient une bâtisse imposante, intimidante et forte comme un chêne. Reclus des autres, replié sur lui-même, travaillant à la forge depuis sa plus tendre enfance, il avait expié sa douleur et sa souffrance dans la musculation et le travail acharné. La chaleur de la saison « Printinae » caressait ses joues.

D'un air hébété, sa conscience le quitta un court instant, emporté par une pensée. Le jeune homme se trouvait aux portes de la cité de Berroc, sous un soleil radieux. L'étoile jaune venait illuminer ses mystérieux yeux bleus, devenus les éléments principaux de sa jeunesse et de son charme. Avec l'école obligatoire et les heures passées à la forge de son père, ce dernier affrontait le futur avec de solides bagages physiques et mentaux. C'était le jour de son vingtième anniversaire. Ce jour-là, le jeune homme devait récupérer du matériel chez un partenaire de son père. Il vivait dans une des villes voisines, située non loin des champs sud de Berroc. Un colis spécialement importé de Danice l'attendait. Shaegor n'avait pas tout à fait saisi l'intérêt de faire le boulot d'un coursier à sa place.

Vêtu d'une veste noire à l'aspect dénaturé et usée par le temps, Shaegor soupira un court instant et s'engagea sur un sentier. Il croisait comme à son habitude des chevaliers en armure, des cavaliers, mendiants, la populace locale. Dans son périple, le jeune homme fut bousculé par un homme encapuchonné suivi de trois gardes qui lui hurlaient de s'arrêter. Un mendiant l'interpellait pour une pièce d'or. Ce pauvre n'eut aucune réponse. Tout cela l'embêtait profondément, croiser cette foule si fade, être poli, perdre du temps à marcher des kilomètres alors qu'il préférait violenter des plaques de fer. Cependant, l'esprit de sa mère vivait toujours en lui. Il ne souhaitait pas la décevoir. Elle aurait certainement voulu qu'il soit heureux, qu'il s'ouvre aux autres, et qu'il aille chercher ce colis pour Cailos. Un esprit blasé l'avait pourtant envahi. Mains dans les poches, il continuait son trajet. Il fut alors interrompu par des rires féminins.

Une colline se dressa devant lui. Shaegor soupira puis détourna brièvement le regard sur le court ruisseau qui longeait celle-ci. Un raccourci, mais il fallait se confronter au groupe de filles qui s'y baignait et riait aux éclats. C'est vrai qu'il faisait sacrément chaud. Shaegor, habitué aux fortes chaleurs de la forge, se projetait difficilement dans l'idée de barboter dans une eau à quinze degrés.

Le jeune homme surplombait ce petit groupe et fut très bien placé pour se délecter de toutes ces formes qui nageaient en contrebas. « C'est gênant... » pensa-t-il, tandis qu'il dévalait la pente pour s'approcher du ruisseau. Pour des filles élevées par la doctrine Purusienne, leur nudité apparente marquait chez elle un côté coquin et désinhibé. Les mœurs n'étaient pas vraiment de cet avis. Malgré l'intense baignade du grand gaillard dans la religion Purusienne, ses pulsions humaines ne l'entendaient pas vraiment de cette oreille.

La convoitise naissante de la découverte d'un corps d'une femme paraissait difficile à tarir. Le groupe de filles remarquait sa présence. Un long moment de silence pris possession de l'atmosphère. Des jeux de regards incompréhensifs et gênés s'opérèrent.

« Et merde », songea Shaegor. Puis, une des filles, se couvrant la poitrine, lui hurla:

« Qu'est-ce que tu fais là, parevere !

— Qu'est-ce que tu dis ? Y'a que des coatins qui se baignent nues !

— Et te rincer l'œil, marlandin, tu crois que c'est mieux ?

Rédemption, partie première, les liens de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant