Chapitre 2

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Une sorte de routine s'était installée depuis les quelques années que je vivais seul, et que j'exerçais ce métier. Chaque matin à sept heures je me fais un café bien serré, que je bois en fumant une cigarette, souvent pas la première de la journée. Je me douche rapidement, m'habille et pars pour le boulot. Une routine matinale des plus banales, si on oublie les nuits que je passe habituellement. Le commissariat où je travaille est à quelques pâtés de maisons de mon appartement, je m'y rends à pied.

Aujourd'hui, c'est le premier jour des vacances de Noël pour les gamins, il y a beaucoup moins de circulation, pas de parents stressés par la course folle du matin, seulement des employés blasés de devoir encore et toujours se rendre au même bureau, faire les mêmes tâches tous les jours, pour finalement être payés une misère. Mais cette ambiance de Noël, les illuminations dans la rue et les devantures de boutiques en tout genre, tout ça restait bien présent et n'aidait absolument pas à améliorer mon humeur. Quelques jours, et Noël serait passé. Quelques jours et tout serait fini.

J'arrive au commissariat, pas en avance mais pas en retard non plus. La plupart de mes collègues sont là eux aussi. Une tasse de café à la main, ils se racontent les exploits de leurs gosses, ayant tous à peu près le même âge, et les différents cadeaux de Noël qui ont été achetés. Ces discussions m'insupportent, déjà parce que je ne suis pas dans le même monde qu'eux, je n'ai pas d'enfants et suis loin d'en vouloir, puis je n'arrive pas à faire semblant, comme je l'ai déjà dit. Mes collègues me trouvent étrange, sont gênés en ma présence. Je ne dois certes pas leur inspirer confiance avec mon air patibulaire, ma barbe mal taillée et mes cernes creusées. Mais de toute façon, cela m'importe peu. Tout ce que je veux, c'est faire mon boulot, rien de plus. Puis d'autres de mes collègues m'apprécient plus, ou du moins jouent mieux le jeu. Alors je vais juste continuer à vivre ma vie, résoudre des énigmes et ne pas faire attention aux regards, ni aux rumeurs qui circulent depuis un temps déjà sur moi.

Bien que je sois du genre solitaire, j'ai une famille, comme tout le monde. Mais ma peur démesurée de la mort m'avais fait croire que si je m'éloignais d'eux, si je coupais en quelque sorte le contact avec eux, leur perte serait plus facile à vivre, moins douloureuse. Cette idée est de loin la plus stupide que je n'ai jamais eu. Bon, peut-être pas la plus stupide, mais elle fait bien partie du top cinq. C'est ainsi que je n'avais pas vu certains de mes cousins depuis des années, que j'appelais mes grands-parents environ trois fois par ans, et que je me fendais d'un passage chez mes parents de temps à autres, quand l'idée me venait.

Inutile donc de décrire mon étonnement lorsque je vis apparaître devant mon bureau miteux mon petit frère. Nous n'avions pas beaucoup d'écart d'âge. Trois ans. Nous étions des frères normaux, se disputant lorsque nous étions gosses, nous battant violement une fois adolescents, puis la vie nous a séparé une fois devenus adultes. J'étais dans la police, lui dans l'immobilier, nous n'avions pas grand-chose à nous raconter. Lui était la réussite de la famille. Pas encore trente ans et déjà propriétaire d'une maison, marié, et des projets plein la tête. Il n'arrêtait pas de me prendre de haut, comme si ma misérable vie était pour lui source d'inconfort, comme si le fait d'être assimilé à moi était un fardeau. Pourtant il était bien là, face à moi.

Encore une fois je me suis imaginé qu'il allait m'annoncer que notre mère était morte, notre père gravement malade ou une connerie dans le genre, le genre qui me ferait faire une crise d'angoisse, le genre qui arriverai forcément un jour. J'avais, pour ne pas changer, peur de ce qu'il allait me dire. Quoi que ce soit, ça ne pouvait rien être de bon. Quoi que ce soit, ma journée allait être encore plus pourrie que ce qu'elle n'était déjà.

-Salut frérot. Faut qu'on parle.

-Je te préviens, si c'est une mauvaise nouvelle dis le de suite, qu'on sorte.

Joyeux Noël Où les histoires vivent. Découvrez maintenant