Chapitre 4 / Ash

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Liv parlait tout le temps, et toute seule, enchaînant monologue sur monologue. Ce fait pouvait être expliqué par la simple et bonne raison que je ne l'écoutais que rarement et que mes réponses étaient toutes aussi régulières. J'allais rester silencieux, sûrement jusqu'à ce que quelque chose me procure un peu d'espoir. Cette histoire m'avait rendu dingue. M'avait, et me rendait. C'était insensé. Quelqu'un disparu depuis bientôt quatre ans ne pouvait pas réapparaître de cette façon. Surtout que... Tout le monde était au courant que Jaïck c'était fait enlever par l'assassin de nos parents, et donc, que ses chances de survie étaient... Fortement réduites.

Liv était une des personnes des plus merveilleuses que je n'avais jamais rencontrées, et je la connaissais depuis la mort de mes parents. Nous nous étions rencontrés dans des circonstances assez particulières et elle ne m'avait plus lâché depuis. Elle avait toujours effectué d'énormes efforts et j'admirais sa patience. Parce qu'être patient avec moi relevait d'un miracle.

Elle m'aimait beaucoup - et moi aussi - mais j'étais nettement moins doué pour lui prouver. Je n'avais jamais eu un talent exceptionnel pour communiquer, d'autant plus lorsqu'il s'agissait de mettre des mots sur mes sentiments envers les autres.

Au bout d'un certain temps, cherchant à détourner mon attention de Jaïck, je me lance, me convaincant que discuter un peu n'avait jamais tué personne, et que l'entendre décrire les canards dans le canal sur notre droite ne me changeait pas tant les idées.

Je me sentais si mal, et je m'en voulais tant de ne pas être capable de lâcher prise. J'étais parti pour des heures de questionnement, d'incapacité à penser à autre chose, le cerveau débordant de questions qui resteraient sans réponse, mais auxquelles j'en imaginerai des milliards.

─ Ash, tu m'écoutes ?

Elle me tire d'un seul coup du vide que je fixais, et je sursaute presque. Génial, j'étais vraiment un légume. Je ne sais même pas quoi inventer comme mensonge. Si je lui avouais que je n'avais pas écouté, elle se vexerait probablement, et c'était bien la dernière chose que je voulais.

─ Tu sais que ce qu'il vient de se passer me perturbe aussi.

Elle avait compris sans même que je ne lui dise quoi que ce soit.

─ Je veux dire, tu sais autant que moi que les chances que ce soit Jaïck sont... Quasiment inexistantes, et puis...

Sa voix se noue dans sa gorge.

─ On ne sait même pas pourquoi l'Ensorceleur t'a gardé en vie. Ni même ses raisons de tuer vos parents. Il a peut-être embarqué ton frère, mais pourquoi pas toi ? Pourquoi il ne serait pas revenu... Pour toi. Je m'inquiète surtout pour ça, Ash.

L'Ensorceleur. Cet homme n'était personne d'autre que l'un des sorciers, pratiquant la Magie Ténébreuse, des plus menaçants de notre monde. « Le » serait plus correct. Son nom avait commencé à se répandre lors de la Seconde Guerre de Jupss, pour la simple et bonne raison qu'il en était l'initiateur. Tout ça cent-treize ans plus tôt. Oui. Je pourrais dire que cet homme était vieux comme le monde, et que les meilleurs étaient ceux qui partaient en premier, car lui ne se trouvait toujours pas entre quatre planches, et que personne ne connaissait les secrets de sa longévité et de sa jeunesse. D'ailleurs, tout le monde le pensait mort suite à la fin brutale de la Seconde Guerre de Jupss. L'Ensorceleur en avait décidé autrement. Il avait signé un retour grandiose en assassinant la femme du Roi actuel treize ans plus tôt, puis, en essayant d'attenter à la vie du prince un an plus tard.

Alors que tout le monde commençait encore à l'oublier, il était à nouveau brillamment apparu. En décimant mes parents et embarquant Jaïck, il y a trois ans. Ça n'avait aucun sens. Aucun lien. Rien. Le néant.

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