Le Voyage De Retour

Remémorer.

Merry et Pippin mirent plusieurs jours à atteindre Minas Tirith, en traversant les larges plaines et rivières qui séparaient le Gondor du Rohan. Leur arrivée passa inaperçue dans la grande cité, qui se relevait doucement des destructions de la dernière guerre. Les gens étaient très affairés et la cité, malgré les dégâts était redevenue florissante. Les deux hobbits passèrent les larges portes et grimpèrent les étages jusqu'à arriver aux portes du plais du roi. Ils s'annoncèrent aux gardes, qui fort heureusement se souvenaient d'eux, les hobbits ayant eu droit à leur heure de gloire (méritée il faut dire) il y a quelques années, ce qui avait laissé une trace mémorable dans les mémoires des habitants. Le roi Aragorn, enfin Elessar fut ravi de les découvrir dans son palais et les invita aussitôt à déjeuner. Il ouvrit grand ses bras en les voyant.

- Merry ! Pippin ! Mes chers amis ! Quel plaisir de vous voir ici, je ne vous attendais pas et c'est une excellente surprise qui égaye ma journée !

- Aragorn ! Enfin votre majesté ! Désolé, je n'ai pas pris l'habitude de vous nommer ainsi !

Aragorn leva les mains.

- Allons allons, appelez moi Aragorn comme au bon vieux temps. Je n'ai pas changé, seule ma position a évolué. Alors, qu'est ce qui vous amène ici ?

Merry et Pippin se regardèrent et d'un accord tacite décidèrent de cacher leur objectif. Pippin sourit largement avant de parler.

- On vient voir la progéniture ! Alors, où est ce bébé ?!

Aragorn éclata de rire, avant de les emmener à travers le palais pour rencontrer le futur prince du Gondor, Eldarion, qui bavait joyeusement dans le giron d'Arwen. L'elfe se leva, surprise de voir des visiteurs, avant de retourner à la contemplation de son enfant. Les deux hobbits admirèrent avec tendresse la petite famille que s'était créé l'ancien rôdeur puant et solitaire depuis qu'il était devenu roi. C'était une belle réussite, l'enfant était adorable avec ses deux petites quenottes et ses joues potelées. Les deux hobbits se comportèrent comme des tontons gâteux, à agiter leurs mains comme des marionnettes et faire des grimaces qui eurent un franc succès : Eldarion riait et battait des mimines joyeusement. Ses parents souriaient et l'atmosphère vivante apaisa les deux hobbits, que leur arrivée au Gondor avait stressé. En effet, ils se rapprochaient de l'objectif initial du voyage, à savoir visiter le Mordor et la Montagne du Destin. Leur idée saugrenue de départ se concrétisait et ils venaient de le réaliser.

Pippin et Merry cachèrent leur projet derrière leur comportement habituel de clown, et firent rire ces têtes couronnées durant le long festin qui suivit. La nuit venue, ils allèrent se coucher et s'endormirent profondément.. jusqu'à ce que Pippin s'éveille au milieu de la nuit pour aller écouler les litres de bière qu'il avait bu. Après avoir fait son affaire, il se rendit compte qu'il n'avait plus sommeil et décida de se balader dans le palais silencieux. Il se glissa donc dans les longs couloirs de marbre, se rappelant les moments qu'il avait vécu ici avec Gandalf et de l'attente terrifiante d'avant la bataille des champs du Pelennor. Il frissonna en observant la lune illuminer l'étendue devant Minas Tirith, toujours fasciné par la grandeur de cette cité blanche. Ses yeux se dirigèrent immanquablement vers les hautes montagnes du Mordor, qui n'étaient plus qu'une forme grise au loin et avaient perdu leur couronne de nuages sombres. L'ombre de Sauron ne les habillait plus mais son aura hantait encore les lieux, cela se ressentait même de loin. Pippin frémit en repensant à l'oeil brûlant qui l'avait sondé au plus profond de son être, écorchant son âme et y laissant une cicatrice invisible. Plusieurs fois il s'était réveillé en sursaut, empoissé de sueur après un cauchemar avec le seigneur des ténèbres. Il ne savait pas ce qui l'avait motivé à faire ce voyage, ni pourquoi il voulait absolument retourner sur ces lieux où il avait tant souffert. Pourquoi entreprendre une telle démarche ? Ne pouvait il pas se contenter d'un vie simple dans la Comté, une vie de repos et de plaisirs bien mérités ? Sam le faisait très bien, lui, et gérait parfaitement sa famille qui s'agrandissait de jour en jour.

- Qu'est ce que tu fais debout Pippin ?

Merry venait de le rejoindre et sa voix le fit sursauter, perdu dans ses pensées, il ne l'avait pas entendu s'approcher.

- Je réfléchissais. Revenir ici me fait remonter tous ces moments avec Gandalf, quand nous étions séparés et nous ne savions pas si nous nous reverrions.

Merry posa sa main sur son épaule et la serra.

- Pippin.. je ne savais pas que tu t'inquiétais autant à l'époque. De nous deux, c'était moi qui était le plus anxieux !

Pippin se retourna pour lui faire face.

- Bien sûr que j'avais peur ! J'étais terrifié sans toi ! J'étais seul, ici, à voir le ciel s'obscurcir tandis que les bruits de la guerre s'approchaient, Gandalf était parti lutter et moi je restais là, avec ma petite épée et ma peur immense. J'étais persuadé que j'allais mourir Merry ! Sans savoir si Frodon et Sam allaient réussir, si tu allais survivre et même me rejoindre.. . Je ne me suis jamais senti aussi perdu de toute ma vie et revenir aujourd'hui me fait ressentir tout ceci. Je ne pensais pas que c'était aussi dur..

Il croisa les bras autour de son corps pour se rassurer.

- Je croyais avoir laissé derrière moi la peur que j'ai ressenti ce jour là.

Merry ne dit rien, et le serra contre lui, fort. Les deux hobbits restèrent un moment ainsi, dans l'ombre d'une colonne.

- Moi aussi j'ai peur Pippin.. Depuis qu'on a débuté ce voyage, je fais des cauchemars et lorsque j'ai revu Eowyn, ma blessure m'a lancée à nouveau.. elle aussi d'ailleurs, je l'ai vue se frotter la gorge et le bras plusieurs fois. Je ne sais pas si c'était une bonne idée de l'entreprendre au final..

Merry tourna la tête, car Pippin ne lui répondait pas. Il le tira légèrement, pour que la lumière de la lune lui caresse le visage. Elle accrocha une larme sur sa joue : il pleurait silencieusement.

- Pippin..

Pippin renifla, et s'essuya le visage.

- Je.. je repensais à ce moment où je t'ai cherché toute la journée, après la bataille.. J'ai crû plusieurs fois te trouver, et ce n'était pas toi. À chaque cadavre que je retournais, j'avais peur que ton visage apparaisse et je me sens encore coupable d'avoir ressenti autant de soulagement quand ce n'était pas le cas. Et puis quand j'ai trouvé ta cape..

Il éclata en sanglots incontrôlables, et se serra contre Merry. Celui-ci lui tapota la tête gentillement, attendant qu'il se calme.. Il ne se souvenait plus vraiment de ce moment là, car il était alors perdu dans les limbes de la maladie causée par le roi sorcier. Son avant-bras le tirailla à nouveau à cette pensée. Pippin s'était calmé et repris son souffle pour terminer.

- Heureusement, je t'ai trouvé peu de temps après mais l'idée de te savoir mort m'a fait paniquer. Je me réveille parfois la nuit, et je te cherche avant de me rappeler que tu es bien vivant.

Pippin renifla d'un coup et se força à sourire.

- Sans toi, je me sentirai trop seul. Et puis nous sommes un duo comique, je suis drôle et tu rigoles !

Merry lui donna un coup dans le dos.

- Comment ça ? C'est moi le comique du groupe, toi tu m'écoutes !

- Mais oui, mais oui.. tout le monde pense comme moi..

- Bien sûr que oui ! Allez, retournons nous coucher ! Ça suffit les bêtises.

Ils regagnèrent leurs chambres et Merry ferma sa porte en marmonnant :

- C'est moi le plus drôle de nous deux enfin..