Personne ne fait attention aux rongeurs dans les grandes villes. Aussi, il est courant de voir passer des rats, ou des souris dans les bâtiments, surtout lorsqu'ils sont habités par des soldats ou des officiers. Entrer dans le bureau a été facile. Ce qui ne l'était pas en revanche, c'était de chercher des informations dans une pièce recouverte de feuilles libres et d'objets incongrus, allant d'armes à des sculptures de corps de femmes et des effigies des différents dieux, surtout d'Anly, la déesse de la guerre.
Il est difficile de fouiller dans les affaires sans déranger le désordre ordonné. Cette technique est souvent utilisée chez les espions, ce n'est pas un véritable désordre, mais une image qui permet au propriétaire de savoir exactement ce qui a bougé. Lorsque les affaires sont bien ordonnées, il est facile de les remettre exactement dans leurs places initiales. Il est bien plus difficile de recopier le même chaos que celui du propriétaire des lieux.
Nous avons donc procédé prudemment avec Elisaria, et avons finalement réussi à trouver deux missives cachées dans une statue d'Ysu, le dieu de la sagesse.
« On l'a récupéré. On passe à la phase deux. »
Il est surprenant qu'un haut commandant laisse des traces derrière lui concernant une affaire aussi importante, mais on n'a aucune preuve que cette note concerne l'enlèvement le plus important du royaume d'Oscor. Nous avons aussi trouvé un registre d'enfants orphelins envoyés dans différentes familles et les camps d'entraînement auxquels ils ont été conduits une fois en âge. Tous les enfants recensés avaient moins d'un an, exactement comme les enfants enlevés il y a vingt-trois ans.
Nous avons recopié les deux papiers avant de ressortir, par le même chemin qu'à l'aller. Tout s'est trop bien passé. Puis j'ai été secoué et écrasé dans la poche d'Aster.
J'aurais vraiment dû me cacher dans la robe d'Elisaria.
Nous sommes maintenant dans le noir complet lorsque mon ami me fait sortir de sa poche. Il n'y a pas besoin d'être érudit pour comprendre à l'odeur que nous nous trouvons dans les égouts.
Je retrouve ma forme humaine près des affaires, Elisaria est en train de refermer la bouche qui donne sur le trottoir. Quelques secondes plus tard, nous entendons les pas lourds des soldats courir et crier au-dessus de nos têtes.
Nous nous détendons seulement lorsque plus aucun bruit ne nous parvient de la ruelle.
— Avançons.
Elle est la seule à ne pas pouvoir distinguer quoique ce soit dans l'obscurité, et pourtant, elle mène la marche. Se repérant en touchant le mur sur sa gauche et en tendant l'oreille. Nous échangeons un bref regard avec Aster avant de la suivre.
Après quelques minutes de silence interrompu par des bruits de goutte d'eau resonnant dans le tunnel et par nos pas sur le sol, Aster s'impatiente.
— Et tu comptes nous emmener jusqu'où comme ça ? Qu'est-ce que vous avez trouvé ?
— Shhh !
Son injonction me fait sourire, elle ne réalise pas que personne ne se permet de lui parler de cette manière. Et lui ne remarque pas qu'elle est la seule qu'il laisse lui parler comme ça.
Nous marchons encore quelques minutes, tournant tantôt à droite, puis à gauche.
— Nous y sommes, chuchote Elisaria en poussant une vieille porte en bois humide.
Nous entrons dans une petite pièce ronde illuminée par un trou au plafond. Comme une sortie de fumée dans les anciennes habitations. La lumière soudaine nous aveugle quelques instants.
La pièce semble protégée de l'odeur nauséabonde des égouts attenants, mais l'humidité y est toujours présente et a permet à de nombreuses plantes grimpantes d'envahir les murs.
— Où nous as-tu emmenés ?
La voix d'Aster est sourde, lui aussi impressionné de voir autant de vert dans une cité et une région dont le gris est la couleur prédominante.
— Lors de mes quelques visites à la capitale, il m'arrivait de m'échapper et de chercher les secrets qu'elle renfermait. J'ai trouvé cette pièce quand j'avais 12 ans. J'ai ensuite cherché tous les chemins qui menaient à cette pièce. Par la suite, lorsque je revenais à Aallund, les souterrains étaient mon refuge. J'ai découvert des accès vers les catacombes sous les égouts. C'est un vrai labyrinthe dont peu retrouvent la sortie.
Sa voix est presque révérencielle alors qu'elle contemple la pièce, ses plantes et sa lumière. Elle touche son collier quelques secondes puis se reprend. Elle se tourne vers Aster et lui tend les feuilles que nous avons trouvées.
— Il utilisait une technique de contre-espionnage, et avait pris soin de cacher ces deux feuilles dans une statue d'Ysu, ajouté-je alors que son regard se pose sur les feuilles.
J'échange un regard avec Elisaria qui touche de nouveau la pierre d'Ysu, à l'extrémité de son collier.
— C'est bien. Ça ne prouve pas grand-chose, mais c'est déjà une piste. Même si ce n'est pas une information directe sur la princesse, ça permettra de retrouver la trace des autres enfants et de soulager les parents. Demain, on devrait en apprendre plus.
Nous hochons de la tête en même temps, puis Elisaria prend la parole.
— Nous pouvons coucher là. C'est une pièce oubliée de tous.
Elle se rapproche d'un mur et touche les pierres comme si elle pouvait voir leur histoire grâce à ce contact.
Cette pièce me fait penser aux ruines des temples que l'on apercevait dans les régions les plus reculées. Celles que les hommes ont quittées avant de migrer vers d'autres contrées.
Une toile qui peut servir de couverture ou de protection contre la pierre froide du sol est enroulée dans un coin, signe que quelqu'un a passé plusieurs nuits dans ce royaume caché.
Elisaria ne mange pas beaucoup ce soir-là, mais il est possible qu'elle voie son père le lendemain, et peut-être est-elle stressée, alors nous ne nous en formalisons pas.
Après le repas, il ne nous faut pas longtemps avant de sombrer dans un sommeil profond et sans rêve.
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Ivos 1 - Feuille d'if parmi les sapins
FantasyElisaria, une jeune protectrice du royaume de Forska est enlevée par des soldats Oscoriens qui sont convaincu qu'elle n'est pas humaine. Lorsqu'Elisaria perd sa meilleure ami lors d'un énième combat contre les knens, elle refuse de continuer à se ba...