Chapitre 37 - Elisaria

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Je ne peux pas expliquer ce qui m'a fait sortir des égouts et rejoindre la vieille ferme. Mais lorsque j'ai vu les bras droits de George à côté de leurs chevaux, j'ai compris ce qui m'a amenée là, et pourquoi.

Les deux soldats sont morts avant de se rendre compte de ma présence. Voir George menacer Naos avec sa lame me fait entrer dans une rage folle et mes émotions s'emballent d'elles-mêmes.

Mon corps se transforme en un instant, et mon instinct prend le relais alors qu'il se trouve devant moi. Je laisse enfin mes émotions, mes souvenirs remonter à la surface et les lui renvoi.

Je repense à chaque abus, depuis ma plus jeune enfance jusqu'à notre conversation dans la cellule. À toutes les fois où il a voulu me faire du mal en m'entraînant. À toutes les fois où il m'a humiliée devant des soldats. À toutes les fois où il m'a insultée, crachées dessus, frappées, « pour mon bien ».

Je repense à toutes ces fois où je pensais que le problème venait de moi, toutes les fois où j'allais m'entraîner le soir au lieu de me reposer, parce que je voulais m'améliorer pour le rendre fier.

Je repense à toutes les fois où il m'a menti, fait m'attacher à des personnes avant de les tuer sous mes yeux.

« Pour mon bien », « tu es ce que je t'ai fait », « je te rends plus forte », oui, c'est vrai. Il a raison. J'en suis arrivé là à cause de tout ce qu'il m'a fait.

Le voir pleurer des larmes de sang est la goutte de trop. Je m'approche et quelques secondes plus tard, je tiens son cœur chaud dans la main. Ce dernier finit de battre lorsque je l'approche de mon visage pour le sentir.

Je grimace. L'odeur est putride, comme s'il pourrissait dans ce corps depuis des années. Je lui ai rendu service finalement.

Je le laisse tomber sur le corps sans vie de son propriétaire et regarde les deux hommes avec qui j'ai pris la route.

Ils sont tous les deux sous le choc, leurs bouches s'ouvrant et se fermant comme des poissons en dehors de l'eau.

— Je vous en prie.

Je me retourne pour vérifier que personne d'autre n'arrive puis me dirige vers notre sac commun posé dans un coin de la pièce. J'en sors ma tenue de combat et vais me changer dans une des chambres.

À mon retour, les deux hommes n'ont pas bougé et fixent toujours le cadavre de l'homme qui m'a élevée.

— Bon. On y va. N'oubliez pas les documents, je leur lâche en traversant la pièce.

Je claque les mains, ce qui les fait sortir de leur bulle et me dirige vers la porte.

Par chance, les chevaux n'ont pas fui et je peux m'approcher d'eux sans problème. Je monte sur le premier cheval et le fais avancer vers le sud.

Je n'attends pas que mes camarades me suivent, je sais qu'ils ne tarderont pas à me rejoindre.

**

— Euh... commence Naos. J'ai une petite question Elisaria.

— Pose toujours, lui dis-je sèchement.

— Bon en fait j'en ai plusieurs.

Je souffle.

— Alors, c'était impressionnant et assez excitant, et je te remercie d'être intervenue, mais pourquoi es-tu revenue ? On ne pensait pas te revoir un jour.

Je reste silencieuse quelques instants, réfléchissant à une réponse.

— Je n'en ai pas la moindre idée. J'ai été portée jusqu'à vous. Et moi, je n'abandonne pas mes amis dès que j'ai un doute, j'ajoute d'une voix sèche.

Ivos 1 - Feuille d'if parmi les sapinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant