Chapitre 17 ~~ Tendresse

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Illa et Evann partageaient le même cheval. Djevel avait installé Sirthaal derrière lui. Ils suivaient le chemin depuis plus d'une heure déjà. Ils allaient arriver à destination avant le coucher du soleil. Ils devaient se rendre dans une résidence de la Grande Prêtresse, près de la faille où il pourrait passer dans la troisième réalité. Evann leur avait raconté sa vision, puis le trou noir qu'il avait eu après. Ils n'en avaient pas reparlé depuis. A vrai dire, il n'avait pas parlé du tout.

Illa n'osait pas dire un mot. Elle réfléchissait. A tout ce qu'elle avait vécu depuis ces derniers jours. L'incendie de l'auberge, la mort de l'ami d'Evann, ses retrouvailles avec Sirthaal, les paroles de la Grande Prêtresse le concernant, et enfin, cette histoire avec Djevel et la vision d'Evann. Elle s'était rendu compte qu'il avait une grande puissance pour un humain, mais cela aurait pu être normal. Sirthaal, lui, l'avait compris dès le début. Quand un démon est sorti du corps de son ami, elle était choquée, et s'en voulait de n'avoir rien vu. Mais elle pensait que ça s'arrêtait là. Qu'un démon avait possédé son corps, pour une raison quelconque, mais que c'était fini. "Je n'aurai jamais pensé qu'il puisse être en partie en démon... C'est horrible"

Derrière elle, Evann s'accrochait à sa taille. Il était perdu. Il n'était pas rentré dans ce monde de magie depuis longtemps, et on lui avait expliqué peu de choses. Il s'était retrouvé entraîné dans une histoire plus grande que lui, et il le regrettait amèrement. Pour se vider la tête, il repensa à sa mère. Elle le savait parti, mais il ne lui avait pas envoyé de message depuis. Elle devait s'inquiéter. Au moment de son départ, ils s'étaient disputés, elle voulait lui parler de ses parents biologiques, mais il n'avait que la recherche de l'auberge en tête, et il ne l'avait pas écouté. "J'espère que je pourrai la revoir. Au moins pour m'excuser..."

Derrière Djevel, Sirthaal commençait à se réveiller. La douleur le faisait gémir. Il se releva doucement en respirant lentement. Du sang collait sur son visage et ses habits. Le cheval accéléra et il manqua de tomber.

- Accroche toi à moi.

Djevel avait une mine affreuse. Sirthaal passa ses mains autour de son torse et posa sa tête sur son dos. Il regarda sa sœur et Evann, ils avaient l'air d'aller bien, quoique un peu sonnés. "C'est moi le plus mal en point alors..." Alors qu'il s'habituait légèrement au mouvement de sa monture, le cheval s'arrêta brusquement. Ça y est, ils étaient arrivés. Devant eux se dressait une grande maison, entourée de colonnes de marbre blanc, et où la végétation se mêlait au bâtiment. On pouvait noter une légère ressemblance dans la forme avec le palais officiel de la grande Prêtresse.

Djevel aida Sirthaal à descendre et le porta jusqu'à la porte. Illa avait dans ses mains la missive de la Grande Prêtresse, confirmant qu'il pouvait s'installer ici. Une grande créature approcha. Elle avait des ailes transparentes, et un long corps fin. On aurait dit une libellule voulant prendre forme humaine. Elle récupéra le papier à Illa et le parcouru minutieusement.

- Bienvenue. Je dirige cette maison pour la Grande Prêtresse. Elle m'a indiqué que vous devez rester ici jusqu'à ce que vous soyez prêts à partir.

Elle regarda rapidement le groupe devant elle.

- Je vois que vous êtes mal en point, vous resterez ici jusqu'à votre guérison totale. Vous ne pouvez pas vous rendre dans la troisième réalité dans cet état.

Elle parlait avec une voix très neutre, presque robotique, et bougeait à peine les lèvres, comme si sa voix sortait naturellement de son corps. Elle se retourna vers d'autres créatures comme elles, quoique plus petites.

- E hoʻomākaukau i nā lumi. A no ka poʻe maʻi a me ka haukapila no ka poʻe maʻi. I loko, e makaʻala i ka daimonion.

Elle invita ensuite la troupe à rentrer à l'intérieur. Il ressemblait en tous points avec l'extérieur. Les murs blancs et bleus étaient décorés de miroir et de chandeliers en verre. Et le sol était recouvert d'un carrelage immaculé. La femme donna quelques indications sur les pièces où ils vivraient, et les amena ensuite aux chambres. Plusieurs médecins vinrent voir Djevel et Evann, et ils s'occupèrent ensuite des blessures de Sirthaal, plus graves. Celui-ci pouvait à peine bouger, et avait reçu l'interdiction formelle de sortir de son lit.

Dans les chambres, des piles de vêtements propres les attendaient. Cela faisait un moment déjà qu'ils n'avaient ni pu se laver, ni se changer. Evann enfila une tunique toute simple et un pantalon en toile blanche. "Pas des plus confortables". Peu de temps après, il alla voir Illa dans la chambre d'à côté. Elle était étendue sur son lit, et, les yeux fermés, essayait de s'endormir. Quand Evann ouvrit la porte, elle sursauta.

- Tu veux que je te laisse seule ? dit-il

- Non, ne t'inquiète pas, je ne m'attendais tout simplement pas à de la visite. Viens !

Evann s'assit sur le lit à ses côtés.

- Tu vas bien ?

- Oui, je ne me suis pas vraiment battu, les docteurs ont dit que je m'étais évanouie seulement à cause de la fatigue. Alors ça va.

- Et ton frère ?

- Je vais aller le voir plus tard. Mais on m'a dit qu'il avait plusieurs bandages, et une jambe immobilisée. Mais ça aurait pu être pire.

Evann resta silencieux. Illa ne supportait plus de lui cacher ce qu'elle savait. Elle voulait lui dire.

- J'aurais voulu te parler de quelque chose.

Elle lui raconta tout. Tout ce qu'elle savait sur lui, sur Djevel, ce qu'elle pensait de sa vision... Quand elle termina, elle sembla particulièrement touchée.

- Je suis désolée de t'avoir menti, ça n'était pas mon idée... On ne voulait pas que tu souffres, c'est tout. Je ne veux pas que tu souffres.

Des larmes muettes tombèrent le long de son visage. Evann la prit dans ses bras.

- Ne t'inquiètes pas. Je me doutais que je ne savais pas tout, et je suis heureux que ce soit toi qui m'en parle.

Elle le serra plus fort encore.

- Evann, tu disais que tu ne savais pas ce que tu ferais, une fois tout terminé. Si tu veux, tu pourrais venir avec moi, et on reconstruirait l'auberge tous les deux.

- Pourquoi pas, oui. C'est une bonne idée.

Illa se redressa et s'allongea à côté d'Evann.

- Ça ne te dérangerait pas de rester ici. Je n'ai pas envie d'être seule.

Evann s'allongea aussi.

- D'accord, si tu veux.

Ils restèrent tous deux allongés et s'endormirent rapidement, dès la tombée de la nuit.

L'Âme d'EvannOù les histoires vivent. Découvrez maintenant