Chapitre 1 ~~ L'auberge

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       Il était arrivé un long soir d'hiver. Planté devant la fenêtre d'une grande chaumière. A l'intérieur, tout le confort possible : cheminée, fauteuils, tapis, chandeliers, de luxueux objets placés sur les meubles, et une longue et belle table sur laquelle était disposée de l'argenterie et de la porcelaine. Il ne restait plus qu'une seule chose à faire pour accéder à ce trésor, trouver une ouverture suffisamment grande pour pouvoir s'introduire à l'intérieur et pouvoir profiter de cette demeure si particulière.

Mais ceci n'était pas un problème pour lui, après avoir traversé toute la forêt sous la neige, affronté le froid, la faim et des bêtes sauvages de toutes sortes, crocheter une pauvre serrure devint simplissime.

Toute sa vie, il avait cherché cette maison présumée introuvable. Plus précisément depuis que sa mère lui en avait parlé, quand il n'était encore âgé que de treize ans, il n'a plus pensé qu'à ça ! On raconte que tout ce qui s'y trouve est tellement beau qu'un aveugle retrouverait la vue pour pouvoir admirer. Evann y croyait, comme il croit aux fées, à la magie ou à la pluie.

A l'aide d'un fil de fer fin, il entreprit d'ouvrir la grande porte en bois, ce qu'il fit sans la moindre difficulté, car elle était en fait déjà ouverte, comme si on l'attendait. Au moment où il passa le porche, un vent fort balaya le corridor et ses longs cheveux noirs s'envolèrent en arrière, lui donnant l'impression de voler. Ses yeux couleurs saphirs captaient chaque moment depuis qu'il était rentré. Et sur son visage blanc et fin, ses lèvres s'étirèrent pour que le son mélodieux de son rire puisse s'échapper. Il avança sans peine, le vent s'étant arrêté, et put ouvrir la porte qui mène au salon. Il ne pensait pas un jour pouvoir être autant émerveillé. Evann ne savait même plus si ce qu'il vivait en ce moment était réel ou non. Il ne ressentait plus aucune émotion négative, sa faim, sa soif, sa fatigue, tout s'était envolé pour laisser place à la stupéfaction. Le jeune homme était revenu à ses rêves d'enfant.

Il décida de s'asseoir sur une des belles chaises qui côtoient la table quand tout à coup, apparut une grande et belle jeune femme. Avec de longs cheveux blonds qui lui arrivait plus bas que la taille, de grands yeux verts pétillants, un petit nez fin et des lèvres pulpeuses légèrement rosées, elle était magnifique. Pleine de grâce, elle marchait en ondulant ses formes sous sa robe de satin rouge, tenue à la poitrine par deux fils d'or. Elle se déplaçait au milieu de la pièce comme une reine parade devant sa cour. Son visage angélique ne montrait nul sentiment à part peut-être une douce planitude. On l'eut cru tout droit sortie d'un rêve... La jeune femme avança doucement jusqu'à Evann. On pouvait lire sur son visage un ébahissement que l'on pourrait avoir face à une fée. Et quand à cette émotion se mêlait la stupeur de l'inconnu finalement découvert, on pouvait voir au fond de ses yeux une incrédulité nouvelle pour lui... Quitte à se demander s'il était encore en vie ou face à une sorte de déesse sublime. Et quand elle arriva à son niveau, il put sentir une douce odeur sucrée de violette mêlée à l'amertume de l'orange. Ses longs cils battaient au rythme de sa respiration, et Evann pouvait apercevoir un maquillage si discret qu'il lui rosissait à peine les joues. Leurs visages étaient maintenant si proches que leurs souffles se mêlèrent. Durant un instant, ils restèrent silencieux. La jeune femme scruta le visage d'Evann, comme si elle voulait l'estimer, ou lui trouver un quelconque défaut. Puis d'un coup, elle se retourna et s'éloigna dans un couloir, toujours de sa démarche féline. Totalement hypnotisé par les courbes dansantes de son corps, Evann restait immobile à la regarder s'éloigner. Il ne savait plus s'il devait rester pour s'asseoir, la suivre ou encore s'en aller. Tout est confus dans son esprit. Il restait là à réfléchir quand la jeune femme revint, un cierge à la main, et s'assit sur une chaise en face de lui. Elle posa la bougie sur la table, dans une assiette rouge et dorée, et fit couler de la cire sur les rebords. Quand il ne resta plus qu'une flaque dans l'assiette, une multitude de plats apparut sur la table. Puis elle se servit silencieusement. Evann avait énormément de questions à poser à cette formidable créature et pour rompre le silence, il se contenta d'un "Bonsoir !". Elle finit de mâcher tranquillement puis lui répondit simplement d'un hochement de tête suivi de "Bonne apétit". Evann s'assit à table et se servit dans les plats qu'il lui était accessible, tant la table était grande et trop remplie pour tout pouvoir goûter. Il remplit son assiette de légumes aux curry, de poulet et de veau en sauce, sans oublier de prendre une belle tranche de pain de seigle. Ils finirent muettement leurs assiettes, et, quand la dernière miette de pain fut mangée, quand la dernière goutte d'eau fut bue, tous les plats disparurent en une seconde. Et à la place, des montagnes de gâteaux, biscuits, cannelés, mousses, crèmes, petits chocolats... Tout plein de sucreries diverses et variées, à avoir sur toutes les dents une carie. Mais il y avait aussi des boissons : jus de fruit, vin ou chocolat chaud... De quoi nourrir et abreuver une centaine d'enfants. Même l'expression monotone du visage de la jeune femme s'illumina de bonheur. Et Evann, tellement heureux de voir toutes ces gourmandises à disposition, ne cachait plus son sourire qui laissait paraître des dents éclatantes ! Leurs yeux se croisèrent et ils échangèrent un regard enfantin avant de jeter leurs mains dans les assiettes pleines de douceurs. Heureusement, ils se souvinrent après avoir vidée un bon tiers des plats, que leurs estomacs ne pouvaient pas s'étirer à volonté. Quand ils finirent leurs verres, la table se débarrassa de nouveau toute seule ne laissant qu'une nappe blanche, dentelée, et intacte.

L'Âme d'EvannOù les histoires vivent. Découvrez maintenant