𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈 ◀Ⅱ▶

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Cette pluie acide aussi fidèle que mon ombre tombait une fois de plus, me ramenant inévitablement au jour de notre rencontre. Aujourd'hui je suis revenu dans ce lieu maudit, sombre et froid. Cela fait deux ans maintenant, 730 jours exactement. Jamais aucun travaux n'avait été effectué, le lieu était resté comme avant mise à part quelques graffitis d'adolescents. Même pas certain qu'ils sachent ce qu'il s'est passé ici, que tout était de ma faute et que la culpabilité me ronge encore. L'ancien flic que je suis se remémore la scène, tout ça à cause d'un misérable pot-de-vin et même si maintenant cet enfoiré est mort, ce n'est même pas grâce à moi. Je l'avais idéalisé, ce monde où je pourrais aider les autres mais la vérité m'a éclaté à la figure, personne ne se rend compte des efforts que tu fais, ils se souviennent uniquement de ce que tu ne fait pas pour eux et quand tu essaies, ils ne remarque rien.

La sonnerie de mon portable interrompit la moindre de mes pensées et d'un geste presque désintéressé, je le saisit sans prendre le temps de lire le nom qui s'inscrivait dessus. C'était Narancia qui me demandait où j'étais passé, je n'avais encore prévenu personne de ma sortie, l'air me manquait et j'avais besoin de respirer, même si le lieu était loin d'être approprié pour se changer les idées, j'avais ressenti le besoin de venir jusqu'ici.

- Hé Abbacchio t'es où ?

- Quelque part, je reviens bientôt.

Narancia semblait réfléchir, sa voix trop enjouée me paraissait insupportable quelques fois où peut-être que son innocence me rendait jaloux ? Parce que même avec ce qu'il avait traversé, il était resté fidèle à lui-même. Je maudissais mon âme, parce quelle était faible, incapable de surmonter le passé, menottée à des barbelés qui l'a blessait davantage quand j'essayais d'évoluer. J'en voulais à moi-même, aux autres, à Bucciarati d'avoir perdu son temps avec une épave entrain de pourrir au fond d'un océan. Et pourtant quand je pensais à lui, je n'arrivais pas à lui en vouloir complètement. Sans sa présence, je ne sais pas ce que je serais devenu pour être honnête.

- Tu veux qu'on vienne te chercher ? T'es sûr que ça va ? Finit par demander Narancia, une légère inquiétude dans la voix.

- J'arrive dans quelques minutes. Vous avez besoin de moi ?

- À vrai dire oui.. Commença t'-il légèrement nerveux. Bref, rejoins-nous quand tu peux, mais ne traîne pas trop !

Narancia raccrocha, son ton nerveux ne me disait rien qui vaille, j'avais compris qu'il avait essayé de dissimuler sa gêne au maximum mais ce gosse était incapable de mentir, on pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert. Pourtant, la panique ne me gagnait pas plus que ça, si ça avait été urgent j'aurais eu le droit à un appel direct de Bucciarati ou alors le gamin aurait été dans tout ses états.

Je remontais la rue sous le regard de quelques passants mais sans quitter mon objectif initial. Il fallait que j'assiste à toute la scène depuis le début. Je ne l'avais encore jamais fait et pourtant l'envie d'essayer depuis que j'ai obtenu Moody Blues n'avait fait qu'accroitre mais le temps m'avait manqué tout comme mon courage.

Mon stand se montra, inexpressif comme à son habitude pendant que je programmais la date du replay. Cette date je ne l'oublierai jamais, parce qu'elle a marqué la fin de cette existence pleine d'espoir, pleine de projets qui n'aboutiront jamais. Moody Blues prit l'apparence de mon ancien collègue et retraça cette tragique scène dans les moindres détails. Il semblait vivant, vif, comme si il n'avait jamais perdu la vie. Je le suivait pendant qu'il descendait la rue, il était inquiet parce que j'avais oublié mon talkie-walkie, j'étais parti devant, à pied, parce que encore quelques minutes auparavant, la voiture de police s'était retrouvée dans des bouchons mais le temps était compté alors je m'étais autorisé à prendre les devants. Une boule de stress se forma à l'intérieur de mon ventre en approchant du bâtiment, je l'entendais m'appeler encore et encore. Avec le recul, ses cris étaient tellement bruyants que je me demandais comment mon esprit avait pu les ignorer. Il entra, sans aucune hésitation, pendant que moi j'étais encore pétrifié sur place.

ACID RAIN ☂ [ BRUABBA ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant