𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈𝐈 Ⅱ

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Tout mes organes vitaux étaient sur le point d'exploser, ma tête entière me faisait l'effet d'une bombe. Je n'avais pas besoin d'un discours rempli de pitié, je n'avais pas besoin d'être confronté de nouveau au milieu que je ne pouvais plus encadrer. Je tentais de faire demi-tour mais la main de Bucciarati se posa contre mon dos comme pour m'inciter à rester. Je ne pouvais pas m'empêcher de le dévisager alors que son expression à lui restait complètement neutre.


- Abbacchio, cela faisait longtemps. Sourit t-il.

Son sourire était triste, comme si il s'excusait de sa présence.

- En effet. Répondis-je neutre.

Le chef de la police se leva en approchant sa main et j'avançais à mon tour la mienne quelque peu hésitant, accompagné d'une certaine amertume. Il me fallut un effort inhumain pour agir avec un minimum de descence. Après un échange de poignet de main rapide, je reculais instinctivement d'un pas comme pour garder une certaine distance avec mon passé, pour éviter qu'il se mélange avec ma vie d'aujourd'hui. Quel terrible mensonge, comme si j'avais réussi une seule fois à rétablir de la distance entre ce qui me blessait et ce qui pourrait me sauver.

- Tu dois te demander pourquoi je suis là aujourd'hui. Commença t-il gêné.

- Je crois le savoir et je n'ai pas envie que la discussion aille plus loin.

- Écoute... Soupira t'-il.

Sa voix était maladroite, il cherchait désespérément ses mots.

- C'est moi qui ait décidé de venir te voir, on n'a jamais eu l'occasion de parler de ce qui était arrivé. Tu es parti du jour au lendemain sans être revenu une seule fois et tu as refusé tout contact.

- Je ne veux plus jamais entendre parler de cette histoire.

La colère me prenait soudainement à la gorge, je voulais que la discussion cesse.

- Abbacchio ne te sens pas responsable de...

- Pas responsable ! Il est mort à cause de moi ! Si je n'avais pas fermé les yeux sur ce qui s'était passé quelques jours auparavant avec ce sale con, rien ne serait arrivé ! Hurlai-je.

Le minimum de calme que j'avais tenté de retenir était bien trop loin derrière moi à présent. En voyant son manque de réaction, la colère ne faisait que décupler et il m'était impossible de me calmer.

- Vous savez ce qu'il s'est passé après ?! Pendant des semaines j'ai reçu des lettres de mes collègues, des insultes, des menaces de mort ! On écrivait sur ma porte, on m'envoyait des coupures de journaux avec tous les articles sur le sujet ! Osez dire que ce n'est pas de ma faute !

- Tu n'es pas quelqu'un de mauvais !

- Vous culpabilisez ? Pourquoi revenir après tout ce temps ?! Vous avez fait de votre mieux pour étouffer l'affaire et faire en sorte que mon existence soit effacé de votre mémoire ! Parce que la réputation de la police est déjà mauvaise ! Les gens vous méprisent et vous détestent ! Vous essayez de sauver quelque chose qui ne peut pas l'être. Malheureusement pour vous et pour moi, votre tentative d'amadouer les médias pour éviter qu'ils fouillent partout à échouer et tout le monde a été mis au courant.

Je tournais les talons sans laisser la moindre réponse se formuler. Les autres membres du gang me regardait avec incompréhension pendant que mes pas me guidèrent vers la sortie du restaurant. La pluie m'accueillait comme pour me rappeler qu'elle n'avait pas oublié elle non plus. J'entendis des bruits de pas derrière moi, je n'avais pas besoin de me retourner pour deviner de qui il s'agissait mais pour autant je ne souhaitais pas faire demi-tour, j'accélérai alors la cadence pour semer mon poursuivant mais ce dernier imita mon geste comme une ombre qui ne pouvait s'effacer à la lumière du jour. Je pris la direction de mon appartement, Bucciarati ne m'appelait pas mais il me suivait, je l'entendais, je reconnaissais sa démarche mais ce silence me troublait tout de même. Habituellement, Bucciarati m'aurait interpellé en essayant d'attirer mon attention et si ce n'était pas lui ? L'angoisse refaisait surface, elle me prenait les tripes pour les retourner dans tous les sens.

ACID RAIN ☂ [ BRUABBA ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant