[Péchés Enfouis]

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Annie : Ma mère rentra le lendemain et je lui racontai tout ce qui s'était passé en son absence. Elle respecta ma décision d'épouser Emmanuel et décida de m'accompagner dans mes choix. Je fus tellement heureuse et je n'avais qu'une seule chose en tête :  « me marier le plus rapidement possible, et sortir de cette angoisse permanente qu'était devenu mon quotidien ».

On fixa la date du mariage très vite, la durée était étalée sur une semaine, le temps de faire les cérémonies religieuses, civiles et traditionnelles. Beaucoup trouveraient étrange qu'il y'ait à la fois des cérémonies religieuses et traditionnelles, moi aussi d'ailleurs, je me demande toujours en quoi les deux vont de paire. Peut-être cette question est idiote et démontre l'étendu de ma naïveté mais je pense que beaucoup n'ont pas la réponse : c'est culturel et on l'accepte ainsi.

La semaine avant le mariage je stressais beaucoup, je me demandais si c'était la bonne solution, si fuir la réalité, ma réalité était la garantie d'un futur apaisé et stable pour mon enfant.

Dr Nangue : Uniquement pour votre enfant ? Pensiez-vous à vous ?

Annie : Non pas du tout, mon avenir ne m'intéressait guère. Je me souciais uniquement de mon enfant, il ne devait pas vivre en tant que enfant « batard ». Excusez-moi pour l'expression mais même avant le mariage, les ragots s'entendaient dans toute ruelle disant que je m'étais donnée à un homme sans en savoir les conséquences, voilà que mon enfant devait être « batard », rejeter de la société parce qu'il n'a pas de père légal. Lorsque Emmanuel s'est présenté, les ragots s'étaient intensifiés en disant que j'avais donc attiré un homme riche et l'avait imposé de m'épouser tout en lui imposant la charge de mon enfant. Il se disait que tout ce à quoi mes parents pensaient c'était de retrouver leur vie de riches et prospères du passé, alors ils ne pourraient me donner qu'au plus offrant.

Dr Nangue : Ce que racontaient ces gens vous a inquiété ?

Annie : Non pas plus que ça. Peu importe qui m'épousait, tant qu'il acceptait mon fils et me respectait ce n'était pas un problème. Je n'en avais pas envers son argent.

Dr Nangue : D'accord, continuez.

Annie : Tous les mariages furent grandioses, je ne m'attendais pas à tant d'investissements pour un mariage . Mais la mère d'Emmanuel avait déjà tout planifié depuis longtemps avant même qu'Emmanuel n'accepte qu'on lui cherche une épouse. C'était son rêve à elle aussi ce mariage. Je suivais donc tout ce qu'on me disait à la lettre sans rechigner. Ces jours là , j'ai porté au moins 2 vêtements pour chacune des cérémonies. Je m'efforçais de sourire devant tout le monde autant que je pouvais. Toute ma famille était là. Tante Agnès, tonton Pascal et leurs enfants à l'exception de Ted qui était déjà rentré à l'étranger. J'avais conscience que l'ambiance était assez crispée mais ma belle-mère s'arrangeait toujours à changer la température des cérémonies, sans compter sur la joie de vive de Hilaire qui avec ses amis ont fait le show dans toutes les soirées.

Dr Nangue : Et votre amie Elisa ? Vous n'en parlez plus depuis.

Annie : Elisa avait voyagé pour un échange international dans le cadre de ses études donc on ne discutait plus beaucoup depuis. Je lui avais simplement annoncée mon mariage par message dans un cyber café, elle essaya de me joindre par téléphone pour comprendre ce choix si précipité mais la mauvaise qualité du réseau à Bafoussam en plus du coût excessif des appels pour l'étranger ont précipité l'arrêt de notre échange. Mais son mari Paul avait tenu à assister au mariage civil avant de lui aussi reprendre les airs.

Dr Nangue :.... D'accord, je vois.

Annie : Le lendemain de la dernière cérémonie était le moment des séparations, je devais donc désormais aller vivre chez mon époux. Ce fut douloureux pour moi de quitter ma famille, encore plus à ce moment qu'à mon départ sur Douala. Là c'était différent, j'allais avoir une nouvelle famille, de nouvelles préoccupations, je ne pourrais plus venir me plaindre chez eux à la moindre altercation. C'était assez difficile.