Partie 1

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2 décembre 1999 - Quartier de Roppongi.

Rindo Haitani, 11 ans.

Il y avait beaucoup de sang.
Beaucoup de sang qui giclait sur tout le sol, tandis que je regardais mon frère frapper à plusieurs reprises avec un pied de biche mon salaud de père, inerte sur le sol.
Je n'étais pas effrayé. Mon corps avait beau être paralysé, voir cela ne me fit ni chaud ni froid. Peut-être parce que c'était mon père et que je l'ai toujours détesté - depuis la mort de maman, il faut dire - son état s'était totalement dégradé, il passait son temps à priser de la merde et boire de l'alcool sous prétexte que ces deux choses étaient le seul moyen pour lui de le sauver, et que lorsqu'il s'en prenait à moi ou Rani, c'était pour notre bien. Pff, notre bien.

J'avais très peu de souvenirs de ma mère. Elle est morte lorsque je pouvais à peine prononcer des mots logiques tandis que mon frère l'avait assez connu alors qu'il n'avait que 5 ans. De là, les femmes se sont enchaînés dans la vie de notre père, tellement que je serais incapable de vous dire à l'heure actuelle lesquelles je ne cessais d'appeler "maman" car elles aimaient toutes ça, que je les appelent "maman". Elles aimaient aussi me caresser les cheveux, les joues, et me répéter à quelle point j'étais trop mignon comme gosse qu'elles pourraient me croquer toutes crues si elles le voulaient. À l'époque, j'aimais bien être chouchouté comme elles le faisaient avec moi. Jusqu'à ce que mon frère me dise que ces femmes n'étaient juste que de passage, afin "d'assouvir" les désirs sexuels de notre père.

Ran frappa une dernière fois le visage de notre père, qui bascula violemment sur le côté. Je levai par la suite mon visage et le regardai : son visage était postillonné par des gouttes de sang sur ses joues, alors qu'il regardait papa, la respiration forte. Ses yeux se posèrent ensuite sur les miens, il me dit :

- Rin, on s'en va.

Il jeta le pied sur le sol, s'approcha avant de me prendre la main en direction de notre chambre. Il ouvrit brusquement la porte, prit un sac de bagage sous notre lit délabré et se dépêcha de ranger quelques vêtements. Il prit le strict nécessaire : un peu d'argent dans le portefeuille du daron, de la bouffe - une boîte de thon, du riz, et un paquet de 4 yaourts nature (c'est tout ce qu'il y avait dans le frigo).

- Et pour papa, on fait quoi ?

- Il est mort Rin. Oublie-le.

C'était sa façon à lui de me dire que je devais l'éradiquer de ma mémoire, à jamais.
Mettant le sac sur son épaule, il me dépassa et se dirigea sans plus tarder vers la porte d'entrée. Il se retourna vers moi, remarquant que je ne bougeai pas. Je baissai finalement les yeux et finit par le suivre, regardant une dernière fois mon père, allongé tel un cadavre sur le sol de notre salon.

///

Nous avons marché pendant plusieurs heures sous la nuit noire de la ville. On était en plein hiver à l'époque, j'avais froid, faim et j'étais fatigué. Pour Ran, c'était plutôt simple, étant donné que ce n'était pas sa première fugue : ni sa première dinguerie d'ailleurs.
Mon frère, bien qu'il paraissait assez froid et introverti (vu comme ça), était plutôt du genre violent et sans pitié. Alors qu'il n'avait que 12 ans, il avait éclaté à lui seul un chef de gang et toute sa bande - bon, ce n'était pas un gros gang de bâtards - mais c'était déjà assez pour qu'il passe une semaine entière en garde à vue.

Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ça l'amusait autant de s'en prendre aux autres, contrairement à moi, qui n'aimait pas la violence. Mais là, c'était la première fois - et bien la première fois - que Ran avait tué quelqu'un.
Je dois tout de même avouer que mon frère en avait beaucoup bavé (et bien plus que moi) étant donné que c'était l'aîné. Il avait beau faire comme si tout ça ne le marquait pas, il n'aurait pas tué notre père si ce n'était pas le cas.
Je regardai mon frère marcher à côté de moi, silencieux : d'ailleurs, pourquoi maintenant ? Pourquoi l'avoir tué maintenant, et pas avant ? Mon père était un putain d'enfoiré qui s'en prenait à Ran dès la première minute où il entamait une bouteille de whisky.
Et il frappait, frappait mon frère sans cesse, même quand il était à bout de forces.
Mais ce soir-là, Ran n'était pas à la maison. Mon père était rentré plus tôt du travail, et la première chose qu'il a fait, c'est d'ouvrir un sachet de cocaïne avant de se doper pendant plusieurs minutes.
Ensuite, il m'a appelé, et a commencé à m'injurier de paroles affreuses, voire terrifiantes.
Inconsciemment, je me mis à toucher mon cou parsemé de marques strangulaires, ainsi que ma tempe où se trouvait un hématome : il s'est mis à me frapper. Sans raison, comme ça, parce que je me trouvais à la maison, et que j'étais son bouc émissaire parfait pour qu'il puisse se défouler tranquille.
Puis après quelques minutes, plus rien. Je ne sentais plus aucun coups sur mon corps, et lorsque je me suis relevé, j'ai vu la lame de couteau qui transperçait l'abdomen de mon père.
Et Ran.

À mon frère. (Haitani Brothers)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant