Chapitre 3 : Le Rituel

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    Il devait être huit heures lorsque le vieux Sage commença son ouvrage. À ses pieds, il dessina un triangle avec de l'argile. Il ajouta un ovale d'une teinte bleue, un rectangle jaune ainsi qu'un losange vert, tous de même taille. Les quatre figures étaient disposées en croix ; plus précisément en +. Un cercle rouge les entourait et avait pour centre un point violet. S'asseyant près de son œuvre, jambes en tailleur, il appela son disciple :

    « Hector, je t'attends !

Le jeune homme, réveillé par la voix de son maître, passa la tête par la trappe.

    — Mh ... J'ai faim !, s'exclama-t-il.
    — Ce n'est pas ce que je te demande. Allez, descends. Tu mangeras après. Et ne râle pas, le devança-t-il. Aujourd'hui est un jour très spécial.
    — En quoi serait il spécial si je ne peux pas manger ?, grommela le jeune homme.
    — Ne fais pas cette tête. Aujourd'hui, tu auras le privilège de m'accompagner.
    — Où ça ?
    — Tu comprendras. De quoi te souviens tu de nos méditations ?
    — Chaque fois je reste assis à vous regarder dessiner ces symboles. Ensuite, vous vous asseyez et vous récitez des prières que je ne comprends pas.
    — Ces prières, comme tu les appelles, sont une incantation.
    — Donc ... Vous m'apprenez la magie, mais, depuis dix huit ans vous me cachez vos pratiques quotidiennes ?
    — Je ne t'apprends pas la magie !, s'emporta le vieux mage. La magie ne s'apprend pas : elle s'étudie et se manipule. Mais, pour le reste, je pense que tu as compris.
    — Vous vous payez vraiment ma tête.
    — Je te déconseille de bouder si tu veux apprendre. Bien. Répète après moi :
O magne Osculo acue meum conspectum tuum ! O magna Lingua, malicia tua me ferat fortuna ! O magna Auris, tua me sapientia ducat ! O magna Manus, tua me virtus adiuvet ! O magni custodes, portas temporis aspiciat meus ! »

    On eût dit qu'ils avaient été transportés dans un lieu totalement inconnu d'Hector. Pourtant, leurs corps n'avaient pas quitté la petite chaumière. Ils aperçurent une vaste salle dorée. Sur ses murs, de multiples torches flambaient encore, donnant à l'or la couleur du brillant Soleil. Un grand trône d'or à l'assise de velours rouge trônait au centre. Alors qu'il allait demander à son maître la nature de cet endroit, Hector réaperçu le cercle et ses symboles.

    « C'est court !, râla-t-il. Où étions nous ?
    — Laisse moi reprendre mon souffle ..., murmura Wilfried.
    — Que vous arrive-t-il ?
    — Tu n'es pas assez entraîné, alors tu te disperses. Ce n'est pas grave, ne t'inquiète pas. Ce que tu as vu est une projection mentale. Nous pouvons aller dans des lieux inaccessibles à nos yeux. Je suis expérimenté, mais je me fais vieux. Te contraindre à te concentrer m'épuise.
    — Réessayons. Je peux faire mieux, je le sens.
    — Ça, je n'en doute pas !, lui confia son maître. Mais, pour l'heure, tu dois te rendre chez les Dioryn.
    — Bon. Au moins, on aura essayé une fois.

Hector prit un panier en osier et alors, qu'il sortait, une miche de pain alourdit son bras.

    — C'est pour la route, rit le vieil homme.
    — C'était du linon*, n'est ce pas ?, lui demanda l'élève, se retournant d'un bond.
    — Mes secrets sont à jour !, s'exclama l'intéressé, de la manière la plus théâtrale qui soit. »

    Hector quitta la clairière et son chemin vert. Tournant à gauche, il descendit un sentier plus étroit qui serpentait à travers les arbres. Les feuilles tombées à terre couvraient les cailloux qui dépassaient du chemin, et notre jeune ami, après avoir sauté par dessus un large rocher, trop sûr de lui, ne les vit pas et trébucha. Ce jeune homme est divertissant ! La terre, qui était sèche par endroit, ne l'était pas à d'autres. Alors qu'il écoutait les oiseaux, l'étourdit plongea le pied dans une grande marre de boue. Mais Hector semblait ravi. Non pas de s'être sali ainsi, ni d'avoir dévalé la courte pente en roulant sur lui même, mais de sortir au grand air. Il lui venait des envies de parcourir le monde. Entre deux pins, il put voir la vallée s'ouvrir devant lui. C'était beau. Vert, orange, jaune, rouge. Les arbres arboraient les couleurs de l'automne dans une lumière dorée. Au loin, la ville de Ménesse dégageait de petites fumées. Les remparts semblaient bien petits, vus d'aussi haut et d'aussi loin. Quand le sentier fut presque plat, notre jeune fou courut à en perdre haleine. Bientôt, les arbres se firent plus rares et laissèrent place à une tribus de fougères. Puis, de hautes butes vertes vinrent lui obstruer la vue, de part et d'autre du chemin. Enfin, après un dernier virage, de vastes prairies apparurent. Hector se présenta devant la grange des Dioryn. Un détail le frappa aussitôt : la petite planche qui fermait le bâtiment avait été remplacée par deux lourdes portes aux grands loquets. M. Dioryn, un homme d'un âge avancé, arriva dans son dos. Lui posant une main sur l'épaule, il cria :

Les Légendes De Grimor - 1. Le Cristal Enchanté [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant