Chapitre 2 : L'Équilibre

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    À son réveil, Hector était seul. Son maître s'en était allé cueillir quelques herbes, ou bien quelques champignons. L'élève pris alors le temps d'étendre ses membres endormis, de sentir l'air frais, de faire vibrer ses cordes vocales ... Puis il s'attabla. Il se délecta de chaque miette, chaque boule de mie, chaque éclat de noisette qui se trouva sur sa langue. Alors un rouge gorge se posa sur le rebord de l'unique fenêtre percée dans la chaumière.

    « Tsiiiiii riiii cui cui riii cui !, gazouilla l'oiseau.
    — Bonjour Ambrosius !
    — Ti tsi tsi crui cuir tsi tsi cuiii !
    — Je sais, je sais. Tiens, c'est du froment, lui dis le jeune homme en lui tendant quelques grains.
    — Tsi ! Tsi ! Tsi ! Tsi !, fit l'oiseau, entre chaque coup de bec. Puis Ambrosius s'envola. »

    Hector se rappela la promesse qu'il avait faite à son amie Ritournelle, la veille. Il rabattit la porte derrière lui et ferma les yeux. L'air était bon : frais, quelque peu humide. Il sentait la sève, presque sucré, avec une légère odeur de mousse séchée. Quand il ouvrit ses paupières, les couleurs s'installèrent petit à petit, gagnant progressivement en intensité. Le soleil chauffait ses joues. Une agréable sensation le traversa. Alors il partit pour l'aventure ! Il courut sous les grands chênes jusqu'à un petit rocher. Là, il tourna à droite et ralentit le pas. Une trace de sabot dans le sol lui indiqua le passage d'un sanglier. Un peu plus loin, il y avait un gros arbres dégarni. Un merle noir observait, d'une haut d'une branche, celui qui était sur sa piste.

    « Ritournelle !, appela Hector. Ritournelle !, clama-t-il encore. Je suis revenu, comme promis. »

    Mais Ritournelle, qui n'appréciait guère qu'on vienne crier sous sa branche, vola un peu plus loin.

    « Eh bien ..., soupira le jeune homme. À moi de la convaincre de rester. »

    Il se mit en quête de quelques brindilles et de mousse. Quand il jugea en avoir assez, il fit un premier anneau avec ce qu'il avait de plus solide. Puis il fit un bol, qu'il tapissa d'un manteau de lichen. Lorsqu'il l'eut terminé, Hector monta dans l'arbre et cacha le nid au creux d'une branche en forme de fourche. Lorsqu'il fut redescendu et éloigné, le merle daigna s'élever de son perchoir et s'enquit de son nouvel abri. Le petit homme avait tenu sa promesse. Il s'enfonça un peu plus dans la forêt. Ses collets* avaient fait une victime : un lièvre s'y était pris et y était resté pendu. Il détacha sa proie et déplaça le piège dans une crevasse. Les trois autres étant vides. Il les retendit, puis partit. Il ne suivit pas le chemin qu'il avait emprunté à l'aller : passé devant un mûrier, il contourna par l'autre côté. Soudain, un cri le fit sursauter. Cela devait venir de quelque part sur sa gauche. Se frayant un passage entre les arbres, il marcha en direction du bruit. Il attendit un nouveau cri, mais rien ne vint. Il fit encore quelques pas, puis quelques dizaines d'autres. Rien ne semblait plus lui indiquer la direction à suivre. L'animal brâma par deux fois. Le jeune chasseur eût le temps de se réorienter et d'atteindre l'endroit d'où il provenait. Mais alors qu'il écartait une ronce, quelque chose se déroba sous son pied droit. Un trou béant s'ouvrait sous ses yeux. Au fond, une biche blessée y était prise au piège. Les cris venaient de ses petits, dressés sur leurs quatre pattes, qui l'attendaient de l'autre côté. Il comprit que la mère était tombée dans une fosse à loup et que, de père, il n'y en avait sûrement plus. Il y descendit et constata l'état d'épuisement de la biche. Il s'accroupit et lui parla :

    « Tout doux, tout doux. Je ne te veux aucun mal. Il faut que tu sortes de là. Tu vois tes petits, là-haut ? Ils ont besoin de toi. Tu dois te redresser sur tes pattes. »

    Mais la bête ne bougea pas. L'homme frôla son oreille. Elle s'ébranla, puis retomba sous son propre poids. Il attendit là, assis sur le sol, pendant près d'une heure. Il fredonnait quelques chants que son maître lui avait appris. Régulièrement, il vérifiait que la biche était vivante. Il fit rouler une goutte de sa gourde sur son museau, et parvint ainsi à la faire boire. Puis il la caressa, et tenta une nouvelle fois de la redresser sur ses pattes. Il sentit qu'il n'y arriverait pas seul. Il lui parla un peu, puis, élevant le ton, l'encouragea et poussa avec elle. Cette fois, elle tint bon. Alors il la pressa doucement vers la pente et éleva légèrement son dos. Ensemble, ils gagnèrent quelques centimètres, puis l'animal lâcha prise. Hector la retint du mieux qu'il put et lui cria de se relever :

Les Légendes De Grimor - 1. Le Cristal Enchanté [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant