Chapitre 4

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Mercredi 25 décembre 2019

L'obscurité à la pénétration dans mon corps fait place à la lumière. Tout est d'un blanc scintillant autour de moi, ce qui m'oblige à cligner des yeux pour adapter ma vision. Suis-je morte ? Le stress aurait pris le contrôle de mon corps si je n'avais pas vu la couleur revenir autour de moi, commençant par les couleurs élémentaires de l'arc-en-ciel émerger des rayons du soleil. Je dois fermer les yeux devant une telle splendeur. C'est trop beau pour exister. Mon cœur palpite au rythme d'un tambour pour me signifier que je suis bel et bien en vie. Ma tête valse vers l'arrière en un instant. Assise par terre avec les mêmes vêtements qu'hier qui ne sont heureusement plus en lambeaux. Dieu merci. Je me sens affreusement sale malgré le fait que je devrais être heureuse d'être de nouveau dans mon corps. Même si c'est le mien. Je ne sens plus qu'il m'appartient.

Après un tour périphérique, je découvre avec horreur que je suis encore dans la même salle d'hôpital que je viens de quitter. Rien n'a changé, tout est comme je l'ai quitté. Je soupire en me levant difficilement comme si j'avais dormi toute la nuit à même le sol. J'entends un rire derrière moi et je me retourne pour découvrir le jeune infirmier qui était avec moi, il y a une minute de cela. Il ne porte pas les mêmes vêtements que tantôt. Il arbore plutôt un chandail blanc griffé et un jean noir. Ce qui me laisse croire que sa proposition tenait bien la route. Je serais donc vraiment revenue dans le temps pour lui ? C'est génial ! Je demande.

- Tu ne pourrais pas m'aider ?

M'agrippant au lit d'hôpital, je réussis finalement à me lever. Je lui lance un regard noir lorsqu'il ne tente rien. Je ne veux pas être touchée, de toute façon, même si c'est ce que j'ai demandé. J'en serais incapable pour le moment. Regardant l'occupant du lit, je constate que c'est un vieil homme dans la soixantaine. Ses paupières plissées sont closes et son corps est maigre. Ses sourcils ressemblent à deux chenilles noires, clairsemées de blanc. Je m'en approche pour faire croire au jeune homme que je suis venue rendre visite à un vieil ami. Je m'appuie contre le rebord du lit et fais semblant de l'observer. Pourquoi il était là ? Pourquoi un jeune homme qui doit mourir vient voir cet homme ? Pourquoi lui ? L'adolescent me dévisage avant de me questionner.

- Qui es-tu ?

C'est exactement la même voix chaude que celle dans ma chambre. Il se rapproche de moi, pas à pas, tel un fauve. Pense-t-il vraiment me faire peur ? Qu'est-ce que je peux répondre à ça ? Je suis venue du futur pour empêcher votre mort prochaine. Moins honnête. Et vous ? Moins provocateur.

- En quoi ça t'intéresse, c'est Noël après tout, non?

Son regard bleu mignon s'assombrit en l'espace d'un instant. Me détaillant de la tête aux pieds comme s'il m'évaluait pour je ne sais quel critère, son visage se crispe. Ça n'enlève rien à sa beauté. J'arriverais plus à me concentrer si je ne devais pas me battre contre moi-même pour ne pas fondre devant lui. Il rétorque, visiblement, un de nous deux est maître de ses moyens.

- Que ce soit n'importe quelle date, tu es dans la chambre de mon grand-père et tu n'as rien à y faire.

Toute son attitude est menaçante et ces mots sonnent si sec dans sa bouche. Se désintéressant de notre conversation, la prochaine victime passe à côté de moi. Il me frôle, c'est évident qu'il le fait exprès. Il pose fermement une main sur le bras de son grand-père. Sa montre en argent fonctionne toujours. C'est bien lui. Il ne m'oublie pas.

- Tu lui veux quoi ? Je ne te connais pas, mais tu ne sembles pas vouloir comprendre qu'il est temps de partir.

Je me mords la lèvre inférieure pensant être mignonne pour sauver du temps. Je pourrais me faire passer pour une folle, mais ça ne me servirait pas : il ne voudrait plus m'approcher. Je serais mieux de partir avant d'attiser sa colère. Pour aller où, le génie ? Je ne peux ni aller chez mes parents de peur de me croiser ni dormir sous un pont en plein hiver... Je regarderai ça après. Pour l'instant, je dois sortir d'ici. Il faut quand même que je dise quelque chose... Quelque chose en rapport avec l'hôpital.

- Je suis bénévole ici. Ton grand-père...

Je cherche le dossier contenant le nom du patient du regard et parviens à trouver un plastique sur la porte. Je souris de manière professionnelle en espérant que ni mes larmes ni le combat que je viens de vivre n'affectent mon apparence.

- Monsieur Claude Arsenault a de la chance d'avoir un petit-fils qui vient prendre de ses nouvelles.

Comme détendu, l'adolescent s'assoit de manière évasée dans le fauteuil. Cependant, il ne cesse de me regarder, ne comprenant pas trop si je dis la vérité. S'il pouvait me faire passer un détecteur de mensonges, je suis certaine qu'il le ferait. Ça se voit qu'il est sur la défensive. A-t-il déjà eu une menace ? Il rétorque.

- Je ne t'avais jamais vu ici pourtant.

Je continue de sourire bêtement. Est-ce lui qui me fait cet effet ou plutôt mon sourire qui diminue à mesure que je m'enfonce dans ces stupides mensonges ? Je réponds avec simplicité.

- C'est simplement un hasard. Je vais vous laisser seuls.

Une tentative désespérée, je l'avoue. Je dois sortir de cette chambre. J'en ai déjà assez fait... Je sens sa main se refermer sur mon bras. Son souffle me chatouille, ce qui me fait ricaner intérieurement et me donne un air gêné. Ses doigts me serrent davantage. Je sens mon sang pulser sous sa pression. Je secoue mon bras furieusement pour qu'il me lâche. Je m'en allais lui crier de me lâcher, ne supportant pas d'être touchée lorsqu'il me murmure à l'oreille la menace qui me fait frémir.

- Si tu penses que je ne vois pas que tu mens, détrompe-toi. Je te conseille que ce soit vrai. Dans tous les cas, on se reverra, sois en certaine.

Me tournant vers lui, je découvre son petit sourire malicieux. Je fronce les sourcils en le défiant du regard, même si intérieurement, j'ai peur. Bien évidemment, je ne laisse rien voir. Je me dois de faire attention. Je n'ai aucune idée si sa menace est fondée ou non. Je ne peux que le prendre au sérieux. Je lui souris.

- Dans ce cas, à bientôt.

Je donne un coup sec et il me lâche enfin. En essayant de garder un rythme de pas normal, je me dépêche de m'éloigner de lui. Mon cœur bat à toute allure. Je m'adosse à un mur de béton et reprends mon souffle. Quel spécimen. Il n'y en aura pas de facile.

Pour ne pas aider à mon moral, l'hôpital est plein de guirlandes de différentes couleurs. Il y a même des petites lumières multicolores autour des portes de chambres des pensionnaires qui sont là pour une durée plus ou moins longue. Je suis bien heureuse que, quand j'y allais à l'époque où mon grand-père y était pour finir ses jours, ce n'était pas comme ça. Il y a des évènements plus tristes qui s'y déroulent et personne n'aura envie de festoyer. Je comprends qu'on n'est pas tous pareils, mais ça me frustre. C'est parti d'une bonne intention, mais il faut voir plus loin que le simple fait de célébrer. On célèbre la famille, la vie, quand on est heureux...

Je dois élaborer un plan. Première étape, je dois savoir son nom. Essentiel. Deuxième étape, m'inscrire à son école, il y a un seul établissement secondaire ici et "j'arrive seulement l'été prochain avec ma vraie moi". Je peux juste fausser les cartes pendant ce temps libre. Avec un peu de chance, je serai dans ses classes et je pourrai au moins le suivre à l'école. Après, ce sera un peu plus compliqué, il va falloir que je donne une adresse. Je peux donner ma "future" vraie adresse en attentant et puisque les anciens propriétaires sont ailleurs, je pourrais vivre là. Idéalement, je devrai également aller dans mon ancienne maison pour prendre mes effets personnels et ensuite me trouver un emploi qui me servira à survivre financièrement. Ça devrait être un bon commencement. Je l'espère.

Une fois mon cœur revenu à un rythme régulier, je me dirige au poste des infirmières pour m'enregistrer sous un faux nom, Whitney Curt, et regarder si, par chance, ce ne serait pas un petit Arsenault... Je descends la liste de noms à une vitesse folle pour empêcher l'infirmière aux boucles rousses de s'inquiéter. Je te tiens...

Jonas Arsenault.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 10, 2020 ⏰

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