Chapitre I : Destinée

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Le sol tremble, l'ambiance est lourde. Tout n'est que pagaille, saleté, destruction. Des arbres morts et leurs débris décorent le sol, accompagnés de jouets récents d'enfants, de livres déchirés et de fioles brisées. Tout se passe au centre d'une forêt qui, malgré le désordre, semble calme. Tout se passe dans ce monde si silencieux. Au millieu de cette destruction jonche le corps d'une jeune femme, à peine éveillée. Elle bouge, ou du moins essaie, cherchant à se relever, à partir, à s'enfuir, mais son corps vidé d'énergie reste collé aux débris. Elle est blessée à plusieurs endroits, mais dû aux taches de sang il est impossible de savoir si son pronostique vital est engagé. Elle n'est pas seule, autour d'elle se trouvent d'autres corps dans le même état, certains semblent même déjà sans vie. Une dizaine d'êtres, tous paralysés par une douleur intense. Ils sont perdus, au milieu de strictement rien. La situation était critique, comme si une bombe s'était écrasée sur cet étrange groupe.

La femme semble s'étouffer, sa respiration est saccadée lorsqu'un bruit sourd et violent dans ses oreilles. Elle ouvre les yeux, enfin, ayant l'occasion d'admirer ce macabre spectacle. A la vue des corps, elle veut crier, fuir, s'enfoncer sous terre et disparaître, tant par la culpabilité que par la douleur de voir ses amis si détruits, et elle, être encore éveillée. Combien d'entre eux sont morts ? Combien vont être paralysés à vie ? Pourquoi elle, pourquoi est-elle encore réveillée et non quelqu'un d'autre ?

Tandis que le bourdonnement qui la hante semble se calmer, elle parvient à entendre des bruits de pas s'approcher d'elle. La tête relevée, son regard apeuré croise celui de trois autres personnes. Elle se crispe et essaie de reculer, retombant alors sur ses avant bras. La fuite étant impossible, elle fronce les sourcils et les regarde, un par un, avec une expression de dégoût intense. L'un d'eux s'approche, et tend sa main vers elle.

- Si tu savais combien de temps nous t'avons cherché, Eden.

- Vous... Vous êtes des monstres...

- Nous? Des monstres? Tu es le seul monstre ici, Eden. Toute cette souffrance, toute cette douleur, toutes ces morts, tout est uniquement de ta faute. Maintenant viens, et réparons tout ça.

Eden essaie de reculer brusquement tandis que la seule femme du trio attrape sa main, la forçant à se lever et à les suivre. Sans force, ses agitations sont totalement vaines. Elle est de toute façon incapable de marcher, et se retrouve donc assez vite dans les bras de sa ravisseuse. Le trio n'est pas en parfait état non plus tout compte fait, chacun a également de belles blessures qui doivent être douloureuses. Mais eux, ils sont encore debout. Ils ont gagné. Eden ne peut plus rien faire face à eux. Transportée, son regard se pose sur le corps de ses amis. Personne n'a bougé depuis son réveil, elle ne peut plus être sauvée. Plus cette fois.

- Qu'allez-vous me faire?

L'homme le plus âgé du groupe la regarde, amusé de la peur visible dans ses traits, de la façon dont ses ongles enfoncés dans le corps de la femme, comme si Eden tentait encore de fuir, comme si c'était encore possible pour elle de gagner.

- Rien de nouveau. Ce que nous avons toujours prévu de faire toi et moi, tu le sais bien n'est ce pas? Nous allons régler toutes tes bêtises, nous allons arranger ce monde, faire disparaître tout les maux que tu as laissé se répandre. Nous allons sauver tout le monde Eden, toi et moi.

A l'affirmation de ses craintes, Eden fond en larmes, désemparée et désespérée. Tout s'écroule dans sa tête, et la voilà, suppliant d'être relâchée. Cette discussion ne va que dans un sens, ses ravisseurs ne deignent pas lui répondre. Ils discutent entre eux, ignorant les supplications et les mouvements dans leurs bras. Contrainte d'accepter ce destin depuis trop longtemps écrit, Eden finit par se calmer. Elle profite alors de ses derniers instant pour poser son regard sur ces beaux arbres, sur cette jolie rivière, voisine à son ancien lieu de vie maintenant détruit. Elle admire une dernière fois cette jolie montagne près d'eux, ce décor qui était autrefois si rassurant, un dernier coup d'œil sur ces pierres dressées en hommages aux sacrifiés, avant de finalement fermer les yeux tout en murmurant une dernière phrase.

- Elle viendra me sauver.

The lost childOù les histoires vivent. Découvrez maintenant