Chapitre II : Yeux fermés

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 Cette chambre, je l'ai trop vu. Je pense que les yeux fermées, je serais capable de retracer absolument tout les détails, jusqu'à l'emplacement des feuilles du peu de plantes décorant cette pièce austère, semblable à une chambre d'hôpital. 17 ans que je suis dans ce bâtiment de malheur, l'orphelinat. Enfin, 17 ans, je suppose, je ne me rappelle plus de quand j'ai été déposé ici. Beaucoup de personnes se demandent ce que ça fait, d'être orpheline, et sincèrement, pas grand-chose. Je n'ai jamais connu cette transition de famille à orphelinat, je ne sais pas ce que ça fait d'être entourée par ses géniteurs, des gens du même sang que nous. Pour moi, l'orphelinat est ma famille, les sœurs sont comme des mères pour moi, les orphelins comme des frères et sœurs, Axel, comme mon père. ô Axel, grand Axel, notre dieu juste, bon et honnête, qui nous ont façonnés à son image divinement parfaite. Seigneur Axel, notre grand dieu qui à choisis de me placer ici, Axel, maître de mon destin, Père Axel, je suis dévouée à vous.

Si je devais me confesser, je dirais que des fois, je doute de l'existence de mon Père, car je ne comprends pas trop ce que je fais là, dans ce monde, près de ces sœurs, et pourquoi je suis en vie. Mais si je suis là, c'est simplement car il y a une raison, n'est ce pas ? Je ne veux plus douter de l'existence sacrée du grand Axel, en fait, moi aussi, je veux devenir sœur.

- Ils sont beau tes dessins, Clémentine.

Je me retourne doucement vers la sœur dans ma chambre, sortant de ces longs moments de réflexions dans lesquelles je suis un peu trop souvent. Je lui souris doucement. Je l'aime bien, sœur Amara, elle a toujours été patiente avec moi, même quand je joue l'adolescente écervelée.

- Merci beaucoup.

- Qui dessines-tu autant ? C'est ton copain ? Ou bien un garçon que tu as rencontré durant une sortie ?

Je la vois saisir un des nombreux dessins accroché aux murs, ou étalé sur le bureau. Je ris doucement à sa question, bien que je sente une sorte de gêne inexplicable envahir mon corps.

- Non non, je n'ai pas de copain, ça ne m'intéresse pas du tout. C'est juste que... En fait, ça fait quelques mois que je fais d'étranges rêves qui se répètent tout les soirs, et il est dedans. Je suis juste incapable de retrouver son prénom...

- Je vois...

Au son de sa voix, je sens de l'inquiétude. Je relève la tête vers elle, et la regarde. Juste à ses yeux, je sens son tourment me parvenir et fronce les sourcils, angoissée.

- Est-ce grave sœur Amara ? Suis-je manipulée par un démon ? Suis-je en train de perdre la tête ? Je ne veux pas, je dois préserver mon corps entièrement pour notre Père Axel.

Avec cette douceur habituelle, je sens sa main passer sur ma joue, et la caresser avec l'amour d'une mère. Elle me sourit doucement, et presse ses lèvres à mon front.

- Bien sur que non, Clémentine. Tu dois juste te reposer, d'accord ? Si ça continue, nous en reparlerons, et rassure toi, tu seras une très bonne sœur mon enfant. En parlant de notre Seigneur, prépare toi, nous avons une prière à faire, et devine quoi ? C'est toi qui va la menée ?

- Vraiment ? Ma demande a été acceptée ?

- Bien sur, tu es la plus dévouée de nos enfants, nous devions te récompenser. Allez, prépare toi vite, on t'attend là bas.

Sur ces mots, sœur Amara me laisse seule dans ma chambre avec mon enthousiasme. J'ai du mal à me faire des amis, ici, Seigneur Axel est le seul qui a toujours été là pour moi. Je suis tellement ravie de savoir que bientôt, je serais sœur, car bientôt, j'ai 18 ans. Je me relève alors, avec hâte, et cours vers les salles de bain. Je passe mon visage sous l'eau, et me regarde un instant. C'était étrange, mon reflet semblait plus inquiet que moi, comme si il me demandait de partir, loin et vite.

Je suis sûrement juste fatiguée.

The lost childOù les histoires vivent. Découvrez maintenant