Deux centièmes fois

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La deux centièmes fois que je t'ai vu, je ne sais plus trop la date.

Pourtant je devrais.

Elle est importante pour notre histoire.

Ce jour-là, ma mère m'avait gentiment réveillé, contrairement à la méthode assez brutale de mon père.

Ce jour-là, j'étais décidé à te faire parler.

Dis-toi que j'avais même rêvé de toi ! Et tu souriais, tu riais ! C'était bel et bien un rêve. Que j'allais m'efforcer de recréer dans le réel.

Ce jour-là, le ciel était si beau que je me suis dit que c'était pour ça qu'il n'y avait aucun nuage pour lui dire de se la fermer.

J'étais tellement joyeux, ce jour-là !

Quand je t'ai vu après mes habituelles emplettes, j'ai souri comme le crétin que je deviens chaque fois que je suis près de toi.

J'avoue qu'au début j'avais peur que tu te moques de moi et de mes dents de requin. Mais lorsque j'ai vu, à notre cinquième rencontre, que ça ne te dérangeait pas plus que ça - en vérité, tu t'en fous totalement - j'ai commencé à sourire de toutes mes dents comme un psychopathe.

- Belle matinée, non ? T'as déjà mangé ? Tu veux des bonbons ?

Je me suis aussitôt maudit d'avoir dit quelque chose d'aussi stupide. Tu ne m'avais jamais parlé ! Comme si tu allais accepter...

Comme je m'y attendais, tu t'es contenté de me fixer d'un air un peu blasé genre on t'a jamais dit de ne pas proposer des bonbons aux inconnus ? Ou alors t'es con ou t'es con ? Comme si j'en avais quelque chose à secouer, de tes machins dégueulasses bourrés de sucre...

Et puis tu t'es figé, tu as levé la tête vers le magnifique ciel et tu l'as fusillé du regard. J'vous jure que c'est vrai ! Ce jour-là, parole d'homme, le ciel a failli se mettre à pleurer tant il a eu peur de ton regard de tueur !

Mais à ce moment-là, c'était toi qui voulais pleurer. Je le sais. J'ai suffisamment vu des personnes tenter de retenir leurs larmes.

Et toi, j'peux te dire que t'es carrément un level au dessus ! Je n'aurais certainement rien remarqué si tu n'avais pas enfoui ton doux visage dans tes mains.

Ça a semblé durer des heures. Et puis tu t'es ressaisi, tu t'es approché de moi et tu m'a balancé, comme ça, de ta si jolie voix.

- Eh, l'inconnu aux dents chelous et aux manières chelous ! Ça t'dirait de traîner avec moi ?!

Tu l'as dit comme ça. D'un ton un brin agressif et un peu sur la défensive.

T'as dit ça. À un inconnu que tu n'avais croisé que deux cent fois.

J'aurais pu être un psychopathe d'un nouveau genre, mais non.

Tu m'as dit ça.

Et, bordel, qu'est-ce que je suis content que t'aies fait le premier pas !

Je t'aime, tu sais ? Je pense que je te l'ai suffisamment dit pour au moins dix vies.
C'est pas grave, j'aime toujours autant ta bouille qui rougit comme pas possible quand t'es gêné à cause de moi.

Et, bordel, j'espère vraiment que tu n'es comme ça qu'avec moi.

Je t'aime, t'es mon soleil, la source de lumière de mon monde.

Fin - et pour de bon, cette fois !

When I saw you for the first timeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant