Chapitre 13

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Albus hésita, dévisageant son père avec attention, puis il souffla doucement, d'une petite voix hésitante.
— Tu dis ça aussi chez mamy Molly, même si tu es triste à chaque fois et on n'y va presque jamais.
Harry se figea, submergé par un sentiment de honte. Il ferma les yeux et demanda doucement à son fils, d'une voix blanche.
— Tu aimerais qu'on y aille plus ?

Albus fit la grimace et grogna légèrement.
— Nan. Mamy et papy sont gentils, mais mamy elle arrête pas de parler de notre mère. Elle dit qu'elle va revenir. Elle croit qu'elle nous manque et elle dit que tu devrais aller la chercher... Mais moi je ne veux pas qu'elle revienne ou que tu ailles la chercher !

Harry observa son fils, surpris. Il n'avait jamais parlé avec eux de leur situation familiale inhabituelle et il le regrettait légèrement maintenant. Il aurait dû se douter que la famille de Ginny n'abandonnerait pas l'espoir de les voir reprendre ce simulacre de mariage. Molly n'avait jamais cessé de chercher des excuses à sa fille, persuadée que son départ visait à protéger sa famille d'un quelconque danger. Harry ne l'avait jamais contredite, n'ayant pas le courage d'une dispute avec les Weasley.
Harry hésita un bref instant puis il soupira avant d'éteindre les plaques de cuisson et de se pencher vers son fils, pour le regarder dans les yeux, les mains sur les épaules du garçon.

— Je suis désolé, mon chéri. J'aurais dû t'en parler, mais... j'avais peur de te faire de la peine. Sois rassuré, même si Ginny — ta mère — revenait, je n'accepterai pas qu'elle vienne avec nous. Je ferai le nécessaire pour vous protéger. Ta sœur et toi, vous auriez le choix de la voir ou non.


Le petit garçon souffla comme soulagé, même si ses yeux brillaient de larmes contenues. Il serra les poings avant de faire un commentaire qui figea Harry.
— Je sais qu'elle ne voulait pas de nous. Mais je m'en fiche !

Harry ne pouvait pas mentir et affirmer à son fils que sa mère l'aimait. Ginny n'avait jamais montré aucune tendresse envers ses enfants. Elle les avait laissés et abandonnés, elle n'était plus leur mère. À la place, il l'attira dans ses bras et il le serra contre lui avec force.
— Mais moi je vous aime très fort. Plus que tout.

Albus Severus laissa échapper un petit soupir tremblant et se serra contre son père, s'agrippant à son cou. Après quelques instants de câlin, il s'écarta, avec un sourire rassuré. Il fixa Harry, les yeux brillants.
— T'es un super papa. Comme le papa de Scorpius.

Harry eut un rire amusé, cachant ses émotions et son cœur qui battait plus fort que jamais.

Durant toute la soirée, sa bonne humeur ne le quitta pas.

*

Harry avait passé une nuit blanche de plus. Il s'était allongé dans son lit, les yeux grands ouverts, fixés sur le plafond, perdu dans ses pensées.

Contrairement aux autres nuits d'insomnies, ce n'était pas le passé qui l'avait hanté, pour la première fois depuis des années. Il s'était mis à réfléchir, prenant conscience que la guerre l'avait broyé et qu'il n'avait jamais pris la peine de chercher à se reconstruire.
Il était resté brisé, en se laissant aller dans une dépression profonde qui s'apparentait à une douce torpeur. Il survivait, sans joie, sans émotion.

Drago Malefoy lui avait permis de se rendre compte du vide de sa vie. Il l'avait éveillé, parce qu'il était celui qui avait toujours réussi à le faire réagir. Depuis qu'ils s'étaient rencontrés, enfants, il n'avait jamais pu rester indifférent à Drago. À Poudlard, si l'un ne lançait pas les hostilités, l'autre le faisait. Toujours. Tout comme il n'avait pas pu laisser Drago être consumé par le feudeymon.

Sans ses enfants, il n'aurait pas eu le courage de se battre. Il aurait probablement fermé les yeux et continué comme avant, en se laissant mourir. C'était bien plus simple de fermer son esprit et de se laisser porter, sans se débattre, en restant passif...

Les quelques mots d'Albus Severus l'avaient touché en plein cœur. Sa confiance aveugle en lui, la façon dont il lui avait fait comprendre de façon détournée qu'il était leur seul repère à lui et à sa sœur.
Lui qui avait toujours rêvé d'une famille ne pouvait pas juste les abandonner en oubliant de vivre, en baissant les bras sans même lutter.

Soudain, Harry voulait changer, oublier ses vieux démons pour aller de l'avant, et offrir à ses enfants le meilleur de lui-même.
Ça n'avait pas été agréable de se rendre compte de ses manquements, bien évidemment. Cependant, sa détermination s'était trouvée renforcée, plus que jamais.

*

Au moment de se coucher, Scorpius s'était blotti dans les bras de son père, pensif. Puis, il avait murmuré avec candeur.
— J'aime bien ton copain d'école. Et j'ai un super ami maintenant. On ira les voir bientôt ?

Drago avait eu une légère hésitation, pensant à Harry Potter chez lui, agissant comme un vieil ami, puis il avait souri tendrement.
— Bien sûr. Tu as entendu Potter... Harry comme moi, il a promis qu'on se reverrait vite.

Scorpius sourit, ravi, puis reprit son sérieux et fixa gravement son père.
— Tu sais Al...
— Al ?
— Albus Severus. Mon copain. Et bien Al, il était drôlement content.

Drago hocha la tête, attendant la suite des explications de son fils, amusé. Cependant, il ne s'attendait pas à la conclusion de ce petit laïus.
— Oui, parce qu'il m'a dit qu'il ne voyait jamais son papa sourire comme ça chez lui.


Drago embrassa son fils sur le front, la gorge nouée par ses paroles innocentes. Il se retint de maudire l'ancien Gryffondor, se jurant que s'il avait eu son ancien camarade sous la main, il l'aurait bousculé jusqu'à le réveiller et à le forcer à reprendre sa vie, à être enfin heureux.

Il était le héros du monde magique. L'homme le plus célèbre de l'Angleterre magique.
Il aurait dû avoir une vie parfaite, voir tous ses rêves se réaliser... au lieu de quoi il était désespérément seul et plongé dans une profonde dépression que son entourage n'avait pas été capable de voir. Il était devenu un mort en sursis, presque inerte, se complaisant dans un quotidien qu'il abhorrait.

En cet instant, Drago détesta la famille belette et la miss je-sais-tout. Pour des amis proches, ils s'étaient montrés aveugles. Ils avaient pris ce qu'ils voulaient du jeune homme et ils l'avaient juste abandonné, sans se soucier de ce qu'il ressentait. Qu'importe si Potter était doué pour cacher sa douleur, ses amis auraient dû le voir.

Il borda son fils avec tendresse et lui souhaita une bonne nuit, avant d'éteindre la lumière et d'aller dans son laboratoire de potions, toutes ses pensées tournées vers les deux derniers jours.

Guérir ensembleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant