Chapitre 6

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C'est une hallucination auditive, n'est-ce pas ? Est-ce qu'il vient tout juste de m'inviter à boire un verre dans un bar ?

"On va seulement parler du projet", dit-il, les mains levées, en me voyant bouche bée.

Drôle de façon de parler d'un projet. Comment est-ce qu'on peut avoir l'esprit clair en buvant des verres ? En plus, ce n'est pas du tout mon genre d'aller dans les bars. Le Saint-Esprit n'aime pas l'atmosphère qui s'y dégage et je ne bois pas.

"Je préfère aller dans un café", dis-je en me ressaisissant.

Sa mine joyeuse se défait un peu, montrant clairement qu'il aurait aimé passer ce moment autour d'une boisson forte. Il murmure un "comme tu veux" et nous nous mettons en route pour aller nous poser dans un café pas très loin de la fac.

Sur le chemin, je sens mes joues s'empourprer. Beaucoup de personnes nous regardent et d'autres se mettent même à chuchoter à notre passage. Et pour cause, comme nous sommes dans un quartier étudiant, beaucoup de personnes sont de notre fac et semblent connaître Ethan.

Parce que oui, ce n'est sûrement pas à cause de moi qu'on se retourne sur notre passage.

Et le pire dans tout ça, c'est que j'ai même vu des gens de ma promotion nous voir ensemble ! Aïe, c'est bon, je suis fichée. Mes amies ne vont pas cesser de me parler d'Ethan la semaine prochaine.

Par contre, Ethan ne semble pas le moindre du monde gêné par tout ça. Il avance comme si nous étions seuls sur les trottoirs de la ville.

"Alors, tu es dans le cours d'Estelle ? Heu... Je veux dire de Madame Chevalier ?" dit-il.

Estelle ? Hm... Intéressant ! Je ne connaissais même pas le prénom de ma prof. Est-ce qu'il était si proche d'elle au point de l'appeler par son prénom ?

"Oui, c'est bien ça. J'étudie le *** et je suis en 2e année".

"2e année ? J'ai eu l'occasion d'être un prof remplaçant pour les 2e année. Mais... Il ne me semble pas t'avoir déjà vu", dit-il songeur. "Tu es nouvelle ?"

"Non, pas du tout. J'ai été absente pendant plus de 3 mois." répondis-je.

Ethan hoche la tête et se contente de cette réponse. Dieu merci ! Je n'ai vraiment pas envie de m'étendre sur le sujet de mon absence. En tout cas pas maintenant... Je n'aime vraiment pas raconter ma vie.

"Ça te dit qu'on aille dans ce café ? Il paraît qu'ils servent de très bonnes boissons", me demande-t-il en pointant du doigt un café situé à quelques mètres de nous.

J'acquiesce, trop contente de quitter les rues où on ne cessait d'être épiés. Ethan me suit en souriant.

Le café est assez cosy et calme. Une bonne atmosphère s'y dégage et je sens que le Saint-Esprit approuve totalement cet endroit.

Ethan insiste pour me payer ma boisson et un gâteau pour me remercier de mon aide. J'ai refusé en lui disant mais il n'a rien voulu entendre et a dégainé sa carte bancaire plus vite que moi.

Après ma défaite, nous nous mettons à une table, un peu à l'écart des autres clients, pour pouvoir parler tranquillement.

"D'ailleurs en quoi consiste cette aide ?", dis-je en engloutissant une première bouchée du cheesecake au citron que j'ai choisi.

Je pense qu'il est temps que les choses soient mises au clair, non ?

Ethan, sourit en me voyant manger. Il avait pris un café noir.

"En fait, j'ai besoin du point de vue de quelqu'un sur l'amour pour contraster un peu mes écrits. Et je pense que tu seras la personne parfaite pour le faire."

"Ah oui ?", dis-je en levant un sourcil.

"Ça se voit que tu crois en l'amour. Tu as sûrement vécu ou cru vivre, je dirai, avec ce sentiment toute ta vie. Tu as sûrement été désirée par tes parents et aimée dans ton enfance".

Je me recule sur mon siège. J'étouffe un rire en m'essuyant la bouche à l'aide d'une serviette. Ah, s'il savait...

"Et comment est-ce que tu peux affirmer ça ?"

"Qui appellerait son enfant "Amour" ? Si ce n'est pas pour l'aimer ensuite ?"

"La vie aurait été trop facile s'il s'agissait de ça. Mais c'est plus compliqué."

"Tu affirmes donc que tu as eu une enfance malheureuse ?"

J'ouvre la bouche puis la ferme. Oui, j'avais eu une enfance horrible. Une enfance que je ne souhaiterais vraiment à personne.

"Est-ce que ces questions vont te permettre d'avancer sur ton travail ou c'est par simple curiosité ?", dis-je un peu sur la défensive.

"Désolé, si je suis trop directe avec toi. Mais bon, le fait de croire en l'amour part souvent de l'expérience qu'on a dès petits. Si on vit dans une famille aimante, on aura plus tendance à croire à l'amour. Alors que dans le cas contraire..."

"Du coup, tu n'as pas vécu dans une famille aimante ?" répondis-je du tac au tac.

Il se met même à sourire. Mais c'était un sourire qui avait tout ce qu'il y avait de plus faux.

"Pas du tout. J'ai vécu dans une famille aimante. Un peu trop aimante".

Il prend une gorgée de son café et s'éclaircit la gorge.

"Quelle est ta forme d'amour préférée?" continue-t-il. "Est-ce que c'est un amour fraternelle ou érotique ?", finit-il par dire en me faisant un clin d'oeil.

Je sens mes joues rougir. "Aucun des deux" fis-je. "L'amour qui m'a transcendé le plus est celui de Jésus-Christ. C'est le seul véritable amour que j'ai pu connaître. Un amour inconditionnel, un amour véritable qui a chamboulé ma vie."

Ethan fronce les sourcils quelques secondes avant de s'adosser sur le siège et de renverser sa tête en arrière, me donnant une vue sur sa gorge déployée.

"Une chrétienne ?" dit-il en rigolant. Du moins c'est ce que j'entends car lorsqu'il tourne son visage vers moi, toute trace d'humour dans son visage. Il a une expression terrifiante, un masque impassible.

"Est-ce que ça pose un problème ?" dis-je déterminée à ne pas renier ma foi pour sa thèse. Je n'avais pas honte de mon Seigneur.

"Non pas du tout, je trouve même ça très intéressant. Je comprends mieux pourquoi Mme Chevalier t'a envoyé ! Il me manquait... Il me manquait ça" dit-il en marmonnant à la fin de la phrase.

Tout à coup, il se leva. Je fais mine de me lever et il me fait signe de rester assise.

"Non, reste. Tu n'as pas encore fini de manger, ça serait dommage de tout gâcher", dit-il.

Je le regarde avec incompréhension. Est-ce qu'il va aux toilettes ou bien..?

"Désolé, je vais devoir te quitter. Je viens de me rappeler que j'avais quelque chose à faire. On se revoit vendredi prochain, et tu pourras me parler de l'amour de ton Jésus " dit-il en souriant.

Puis il part sans me laisser le temps de dire le moindre mot.

Apprends-moi à t'aimer !  [Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant