Les Rescapés de Salem - Tome 4: Le chasseur

Chapitre 9

Pines River, lundi 16 août 2021
16h, étage 1 de « l'hôpital »

Déjà presque quatre jours écoulés et aucune nouvelle de Lane. Il n'a aucune foutue idée d'où en sont les sorcières. Mais vu les protections autour et à l'intérieur du bâtiment, il se doute que ça doit être compliqué et long. L'attente est interminable. Elle l'est encore plus pour Swann.

Sans crier gare, l'image de l'elfe souriant, s'infiltre dans son esprit. À chaque fois qu'il revoit son visage, la poitrine de Spencer frétille. C'est très chiant. Au-delà du charme que possède Swann, celui-ci réveille quelque chose chez le chasseur. Une chose dérangeante. Il désire l'elfe d'une façon puissante et saisissante, qui le prend au dépourvu. Il voudrait se dédouaner en disant que c'est la cause de sa longue abstinence forcée. Il se dégoûte. Cette attirance physique et sexuelle est déplacée. Elle le fait devenir le monstre. Pourtant, même avec ce sentiment de honte, il ne parvient pas à la mettre de côté.

Le téléphone de leur bureau se met à sonner, ce qui interrompt ses pensées. Harrison décroche et au fur et à mesure de la conversation, il perd ses couleurs. Spencer n'entend rien, mais les mains de son collègue tremblent. Lorsqu'il repose le combiné sur le socle, il est clairement effrayé.

- Un problème ?, lui demande Spencer.

- Non, s'empresse de répondre Harrison en essayant de reprendre contenance. Les médecins veulent faire une prise de sang à l'ondine de la chambre 3.

- Pourquoi ?

- Ils veulent refaire des tests de comparaisons avec la Nymphe de la chambre 7.

La voix de Harrison dérive sur la fin de sa phrase, elle est chevrotante, pleine d'angoisse. Il s'inquiète réellement pour l'Ondine. Ça, c'est louche. Spencer doit agir avec prudence, afin de ne pas braquer son collègue. Celui-ci est immobile sur sa chaise, les yeux fixés sur l'écran d'ordinateur.

- Ça va ?, questionne-t-il.

- Oui, je.... je reviens.

Spencer n'a pas le temps de rattraper Harrison, qui s'enfuit dans sa chambre. C'est pour le moins surprenant comme réaction. Le naturel du chasseur revient au galop. Son flair détecte une enquête sur laquelle se pencher d'urgence.

Il rassemble toutes les données récoltées jusqu'à maintenant. En fouillant les archives du logiciel, il a constaté que Harrison allait uniquement dans la chambre de l'Ondine, et ce, depuis huit mois. Pour un agresseur, il est très attaché à sa victime. Pourquoi aller voir toujours la même femme tous les soirs ? Il y en a d'autres à l'étage. Son collègue n'a pas le profil du violeur. Se pourrait-il qu'il ait développé une affection particulière pour l'Être ? Ce qui est fort possible, vu à quel point il a quitté la pièce, bouleversé. Si c'est le cas, Harrison peut devenir un allié. Spencer et lui pourraient s'entraider à protéger leurs deux... Enfin, Swann n'est pas son... Bref.

Il va tirer cela au clair. Pas uniquement parce que ça le soulagerait que son collègue ne soit pas un violeur. Ses yeux se posent sur le carré de la caméra de l'elfe. L'Être est assis contre le mur, position qu'il garde la majeure partie de son temps. Le noiraud croit rêver lorsque Swann relève la tête et lui tire la langue, comme s'il se savait observé par le chasseur. Spencer ricane spontanément, avant de se reprendre. Le sale gosse, il ne perd rien pour attendre.

D'un coup, il imagine ce qu'il ressentirait si la demande des médecins avait été pour l'elfe. Spencer aussi, aurait été inquiet. Lui, il a un rôle, une mission à accomplir auprès de Swann. S'il arrive malheur à l'elfe, il peut dire adieu à sa réduction de peine. Seule raison valable pour se faire du souci. Aucune autre.