Chapitre 1

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— C'EST L'HEURE D'Y ALLER ! hurle ma mère de la cuisine.

Ces quelques mots me rendent aussi excitée qu'angoissée, et aucune de ces émotions n'arrive à prendre le dessus sur l'autre.

J'inspire profondément, puis expire jusqu'à ce que mes poumons soient vidés. Mon dernier sac en main, je parcours ma chambre des yeux pour vérifier que je n'ai rien oublié.

J'ai un pincement au cœur. Cette maison bancale, mais chaleureuse, va me manquer. Ma mère, aussi bancale que chaleureuse, va me manquer. Et mes amis aussi. Nous prenons tous des chemins différents et je sais déjà que notre amitié appartient au passé.

Je quitte la pièce que je ferme derrière moi avec nostalgie, puis sors de la maison. L'air frais me caresse le visage, emportant un peu de mon angoisse avec lui. C'est une belle journée de septembre qui commence. Tout semble favorable à mon départ, même les dieux.

Je rejoins ma mère dans la voiture et pose mon sac à mes pieds. Elle me regarde de ses grands yeux bleus remplis d'émotion, avant de démarrer le moteur.

Je ne prends pas la route de Columbia comme l'avait espéré mon père, alors que je n'étais qu'un fœtus dans le ventre de ma maman. Je vais à l'université du Michigan. Pas à cause de mon niveau scolaire, non, mais plutôt par manque de moyens. Ma mère est une ancienne junkie qui a beaucoup trop de dettes pour pouvoir me payer les études de mes rêves, mais je ne lui en veux pas. Je sais à quel point la vie peut être dure. Alors, peu m'importe le nombre de fois où elle a chauffé des cristaux pour inhaler leurs vapeurs. Tout ce qui compte, c'est qu'elle soit là aujourd'hui, sevrée et en bonne santé. 

Après plusieurs heures de voiture durant lesquelles elle a parlé encore et encore tandis que je regardais le paysage défiler sous mes yeux, elle finit par se garer sur le parking de la faculté.

— Regarde comme c'est beau ! s'exclame-t-elle.

Elle a raison. Le campus est magnifique. La pelouse fraîche et verdoyante devrait recevoir un prix de la part de la municipalité. Elle est parfaitement tondue, il n'y a pas un trou. Les arbres sont taillés et de magnifiques plantes montantes recouvrent de gigantesques bâtiments et des arcades de pierre au charme vieillot. Les tours et les grandes fenêtres ressemblent à celles des résidences de plaisance qu'occupaient les nobles de la Renaissance.

Je détache ma ceinture et ouvre ma portière alors que ma mère est déjà dehors. De nombreux étudiants marchent, des sacs ou des cartons dans les mains, cherchant probablement leur nouvelle chambre pour l'année à venir. Je suis impatiente de trouver la mienne et de la découvrir, en espérant que ma colocataire sera gentille.

— Le stand est ici !

Ma mère pointe du doigt une table avec cinq personnes assises derrière, sous une tente.

Finalement, elle semble bien plus excitée que moi. Si entrer à l'université n'était pas synonyme de la laisser seule, je sauterais probablement de joie. Après tout, j'en ai toujours rêvé. Seulement, elle a commencé la drogue à cause de la solitude provoquée par le décès de mon père avant ma naissance. Depuis ce jour, elle n'a personne d'autre que moi. Aucun frère, aucune sœur, aucune belle famille, et ses propres parents sont décédés il y a bien longtemps. Même si elle a toujours assumé son rôle, je me suis fait un devoir de l'épauler. C'était elle et moi contre le reste du monde et ce, depuis le premier jour. À présent, je ne sais pas comment les choses vont évoluer et j'en ai la boule au ventre.

Elle est forte, me répété-je. Bien plus forte que n'importe qui.

Un sourire étire le coin de mes lèvres lorsque je me remémore la façon dont elle se bat comme une lionne enragée pour mon bonheur et le sien. Si à l'époque, je n'étais qu'un lionceau qui se laissait toiletter, j'ai rapidement appris à montrer les crocs pour soutenir et protéger les miens, à l'instar de ma mère.

The Devil's Sons [Sous contrat d'édition chez Plumes du Web]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant