𝚂𝚊𝚖
Le jour venait à peine de tomber à Manhattan et je m'affairais déjà à dissimuler mes cernes sous de grosses couches de maquillage. Nous étions au début de la semaine et nous venions d'entrer en 96. Bien que rien ne change vraiment par un simple compte à rebours, le monde qui m'entourait s'obstinait à y voir un certain renouveau.
Ça avait le don de me mettre sur les nerfs. Toutes ces résolutions vaines qui devenaient chaque année –malheureusement– inchangées. Cette façon qu'elles avaient de rendre crédule qui voulait bien espérer. Non. Une nouvelle année n'était pas un signe de nouveau départ pour tout le monde.
Et encore moins pour moi.
Cela faisait cinq ans que j'avais quitté cette ancienne ville. Mais le temps n'avait jamais suffi à effacer son souvenir dans ma mémoire. C'est vrai. Il y avait comme un goût d'illusion au fait d'entamer une autre histoire, un fantasme auquel on s'accrochait aveuglément pour oublier nos tourments.
Je l'admettais maintenant qu'ils prenaient place sans cesse dans mes cauchemars. Comme un fantôme prisonnier d'une dimension qui n'était pas la sienne, je valsais au milieu de souvenirs qui demeuraient indélébiles.
Alors que je tentais encore de camoufler mon visage, mes erreurs prenaient place au fond de mes iris noirs. Comme un miroir à cette affreuse nostalgie, je me voyais en toutes ces sensations. Elles étaient d'une horreur à m'en faire trembler. Et je ne supportais pas d'avoir peur de moi-même ; du pire que j'étais capable de faire.
La porte de la salle de bain trembla soudainement sous de puissants cognements, m'interrompant vivement dans le tracé de mon crayon à lèvres. C'était la quatrième fois cette soirée. Sans répondre, je savais déjà que c'était Peggie, ma meilleure amie, sans doute pressée d'emprunter la douche à son tour.
Quand ses protestations me parvinrent, aussitôt les raisons de pourquoi je me retrouvais en robe blanche devant le miroir d'un hôtel de luxe me frappèrent en pleine face. Le Palm River...Tiens, maintenant ça me revenait. C'est à peine si j'avais réalisé que je me trouvais maintenant à quelques heures du moment que je redoutais le plus depuis ces quatre satanés jours.
Les événements de l'année dernière résonnaient dans ma tête comme une symphonie macabre interminable. Et je n'avais pas encore trouvé de formule magique pour les faire taire pour de bon... Je n'étais pas très douée pour ce genre de choses. La preuve ; j'étais dans ce foutu hôtel en train de m'apprêter à participer à un programme que je n'aurais jamais envisagé, même droguée.
Sous les énièmes coups impatients de Peggie, j'ouvris finalement la porte de la salle de bain en tenant fermement d'une main ma cascade de locks qui menaçait de se coller à mon gloss.
— Chérie, changer ses mauvaises habitudes c'est tout le principe d'une nouvelle année.
Peggie me fixait de ses yeux ronds ternis de reproches à mon égard. Y étant habituée, j'en fis vivement abstraction. Quoi qu'il en était, pas un seul jour ne passait sans que Mitchell ne blâme McClain. C'était une chose inévitable. Dans sa jolie robe noire caressant le sol immaculé de la chambre d'hôtel, ma meilleure amie ne perdit pas de temps avant de s'enfoncer vers son lieu de prédilection.
— J'ai toujours aimé mes habitudes et cette année n'y changera rien, rétorquai-je en éteignant promptement le téléviseur qui tournait en boucle les informations sur l'attentat du musée qui avait frappé Harlem le mois dernier. Encore un règlement de compte entre gangs.
Le souvenir des premiers coups de feu qui m'avaient hantés des semaines auparavant me revint douloureusement en mémoire avec les cris et l'image de tout ce sang qui semblait ne jamais finir d'inonder le sol. Bien que j'avais l'habitude de ce genre de chaos, ce poid étrange que je ressentais en y pensant me mettait à chaque fois face à mes vieux regrets.
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L'ILE ROUGE | T1
Action« Et si nous remontions le temps, huit ans en arrière dans cette ville couverte de rouge...» En plein milieu d'une époque accablée par le crime et les affaires de gangs, deux étudiants inspirent à une vie paisible loin de la crise qui se propage bi...