05. I'm a criminal

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𝚂𝚊𝚖

Il n'y avait pas d'étoile ce soir. La pénombre avait gagné l'entièreté du ciel de New York. Dehors, le froid prenait plus d'ampleur et la neige virevoltait au milieu des trafics. On entendait encore les flashs des caméras et la voix des chroniqueurs agglutinés autour du building de STCity. La soirée était loin d'être terminée.

Allongée sur le capot de la Buick, je suivais des yeux la fumée de la cigarette d'Aaron en silence, espérant qu'elle emporte avec elle le souvenir de cette soirée qui virait au cauchemar. Depuis ma rencontre inopinée avec Aaron au milieu du couloir, réfugiée dans mon mutisme, j'avais espoir que ce que j'avais vu sur cette scène n'était qu'un leurre.

En revivant sans cesse les images dans mon esprit, tout me paraissait hors du temps. Il était sorti de l'ombre balayant l'espace d'une seconde l'ensemble de ces huit dernières années. Comme s'il n'avait jamais été un souvenir que j'aurais voulu oublier. Si nous avions eu la salle pour nous, j'étais certaine qu'il n'aurait rien eu à me dire. Vu l'indifférence dans son regard, je doutais même qu'il m'avait reconnu.

J'admet durant ces années avoir eu le fantasme de belles retrouvailles. Cependant, la réalité m'avait rattrapé aussitôt que son visage s'était matérialisé au milieu du public. Il avait changé. Bien trop changé pour avoir encore un pied dans le passé.

—  Dis ? Ça me concerne pas mais depuis tout à l'heure tu regardes le ciel comme si t'avais envie de te flinguer.

Le nuage dense de nicotine m'amène lentement vers le regard apathique de mon ami. Je n'ai aucune envie de lui répondre mais je prends quand même le courage d'aligner ces mots :

— Comme si t'en avais quelque chose à foutre...

— C'est vrai.

Un ange passa mené par le bruit assourdissant des sirènes de police.

Ma robe commençait à m'étouffer. Il faisait froid pourtant l'air devenait aussi irrespirable qu'un jour de canicule. Mes pensées n'avaient jamais été aussi insupportables qu'aujourd'hui. Je voulais à tout prix rentrer. Me faire lobotomiser le cerveau peu importe si je risquais d'en perdre l'esprit. Quoique ça m'avait tout l'air d'être la solution idéale.

— Tu fais quoi ici ? T'avais pas du travail avec ton père ? Relançai-je après m'être épargner la symphonie désastreuse de New-York.

— Vous me manquiez trop.

— Sans blague...

Je sentis la silhouette de mon meilleur ami s'approcher du capot. Il s'allongea à mes côtés sans un seul mot. Derrière ses quelques œillades intempestives, je pouvais deviner l'étincelle de curiosité qui brillait au fond de ses pupilles. Similaire aux rares moments où il portait un peu d'intérêt au monde qui l'entourait. Même s'il ne l'admettra jamais, je savais qu'il s'inquiétait pour moi depuis l'attentat du musée. Il avait beau se cacher derrière son minois détestable, Aaron n'était pas un secret pour moi.

— J'ai cru un instant que t'étais Rebecca, commença-t-il en gloussant, sa cigarette toujours coincée dans un coin de sa bouche, tu sais ? Dans le couloir...

— Attends tu m'as confondu avec ton ex ?

— Les locks, répondit-il en imitant la forme de mes cheveux.

— Mmh, les locks...

Nos regards se croisèrent. Nous explosâmes de rire.

— Besoin de planer ? Finit-il par sortir en tendant sa cigarette.

L'ILE ROUGE | T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant