- Prêtresse, courez !
Je saute de l'estrade. Une première explosion retentit, loin de moi. J'entends partout des cris, des pleurs, des hurlements. Je ne veux pas me retourner. Pourtant, c'est mon peuple, je dois les aider.
Je me retourne quelques instants. L'ombre du vaisseau-bombe me surplombe, et partout je vois des blesser ou des morts entassés comme des petites poupées. Une petite fille tient la main d'un petit garçon encore plus jeune et, sans hésiter, je prends le petit garçon dans mes bras et attrape la petite main moite de la fille. L'instant suivant, une détonation retentit et une bombe tombe à l'endroit où ils étaient juste avant.
Le vaisseau avance, ses bombes se répandant partout. Sur les terres cultivées, les maisons, le château. Rien est à l'abri. Le Grand Sénateur, très frêle, et un peu plus loin derrière. Je le rejoins.
- Où sont les autres Sénateurs ? Ils faut tout de suite sauver le plus de personne possible.
Sa bouche tremble. Il essaye de me dire quelque chose. Je ne comprends pas.
- Prêtresse, regardez.
La petite fille me montre la jambe droite du Grand Sénateur. Il ne reste qu'un bout rouge de sang qui répand une traînée par terre. Je manque de crier. Je ne sais pas quoi dire, pas quoi faire. Des larmes ruissèlent sur mes joues. Il tente de s'approcher, mais sa jambe coupé l'en empêche et il tombe par terre. Je pose le petit garçon et desserre l'étreinte de ma main, pour m'accroupir près de lui. Lui qui a toujours été là pour moi, lui qui est le dernier souvenir en lien avec mes parents, lui qui est plus qu'une personne mais un symbole qui a toujours guidé ma vie.
- Althéa, articule-t-il. Ne laisse pas tes devoirs te gâcher ta jeunesse...Tes...Tes parents...
Ses yeux deviennent vitreux. Mes larmes redoublent.
- Non ! Non ! Grand Sénateur ! Réveillez-vous !
- Il est mort.
Je me retourne. C'est la petite fille. Elle a un calme étonnant. Elle s'approche lentement et ferme ses yeux avec une grande douceur.
Je reste sans voix un moment. Un moment pour me rendre compte de la situation. Un moment de paix avant de revenir dans mes devoirs de reine.
Je m'éloigne en silence, les deux enfants me suivent. Je me ressaisis et me retourne pour leur parler :
- Comment t'appelles-tu ?
- Astral. Et lui, c'est mon petit frère, Jim.
- Alors, Astral, que dirais-tu de venir habiter au palais, toi et ta famille ? Où est ta mère ?
J'essaye de former un sourire sur mes lèvres, mais je n'y arrive pas. L'image figé du Grand Sénateur reste implantée dans ma tête. Même ma voix est rauque à cause de cette perte importante. Il seras enterré avec les autres qui n'ont pas survécus à l'attaque.
- Non. Je n'ai plus de mère. Ni de père. Je vivais avec ma Grand-tante, mais elle a voulue rester au village et ne pas voir le départ.
Elle pointe du doigt une fumée noirâtre qui s'envole dans l'air. Il y a peu de chances pour qu'elle est survécu.
Je reste sous le choc. Elle aussi, elle est orpheline. Elle a vu ses proches mourir. Mais...ce calme, cette détente, je ne sais pas comment elle fait...Jamais je n'ai réussie à parler à quelqu'un au sujet de mes parents. La douleur est trop vive.
- Venez, dis-je. Les domestiques du château s'occuperont de vous.
Je me rends donc au château. Je croise des gens, partout, morts ou blessés. Les survivants indemnes sont devant le château. Ils me posent toutes sortes de questions auquel je ne peux avoir de réponses. Mon cœur se serre.
- Vous savez où est tombé le vaisseau ? je demande.
Certains acquiescent.
- Au nord, Prêtresse. Il est tombé et il a explosé. Heureusement, c'était sur les champs.
Heureusement ? Les champs sont notre seule source de nourriture. Dans moins de quelques jours, la première partie de la population mourra de faim.
- Je...Je vais étudier le problème, dis-je. Commencez à trouver les blessés et réunissaient les dans le hall du palais. Je vais envoyer des domestiques pour vous aider.
Sans attendre de réponse, je fille vers la porte et entre. Tous les domestiques ont disparus. Je commence par monter quelques étages, avant de me diriger vers les cuisines, les salles de jeux, puis la salle du trône.
Je suis figée. Toutes les tapisseries dorées sont couvertes de poussière noire et le tapis est troué de toute part. Au centre, là où se tient habituellement le trône, je ne vois qu'un tas de poussière et un trou. Le toit s'ouvre et je vois le ciel viré au bleu. Une nouvelle ascendance commence, mais je ne m'y préoccupe plus. Tout vient de s'effondrer en quelques minutes.
***
Cela fait déjà une heure que je suis en train de pleurer dans ma chambre. Je repense à toute cette journée effroyable. Je ne veux plus bouger et rester là pour l'éternité. Mais je ne peux pas. Une dernière fois, l'image du Grand Sénateur me revint en tête, les yeux encore plus sombre. Tremblante, je me relève de mon lit. J'essuie mes larmes pour montrer à mon peuple celle que je ne suis pas : une combattante. Même si c'est au-dessus de mes forces, je dois le faire.
Le couloir est vide. Depuis que j'ai confié Astral et son frère à des servantes, elles doivent s'activer pour bien s'occuper d'eux. Tant mieux. Je n'ose pas passer par la salle du trône ; voir cette pièce entièrement calcinée refera surgir des blessures dans ma mémoire. L'air est rempli de petites braises qui virevoltent en tous sens. Chaque paysan s'est activé, les morts sont empilés dans de grandes charrettes, tout ce qui est récupérable et mis sur une petite pile. Même les Sénateurs s'y mettent et gèrent la situation. Comment peuvent-ils faire alors que leur chef est mort ? Pourquoi font-ils comme si tout allait bien ? Rien ne va ! Et je suis la première concernée.
- Prêtresse.
Les Sénateurs sont dans le couloir, la mine moins sombre que je le pensais. Je les rejoins en ravalant mes larmes.
- Nous avons pris une décision, s'écria l'un d'eux. Un groupe de Pacemirarien ira chercher de l'aide sur une autre planète. Et, le mieux, c'est de faire une guerre contre Sorlia.
Je reste bouche bée.
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Amour Stellaire - Roman - T.1
Science FictionANCIENNEMENT " REGARD BLEU " Synopsis : " Althéa est la Prêtresse de Pacemirar, une grande planète bleue et pacifiste. Après avoir créer une alliance avec une autre planète, ils sont aussitôt trahis et attaquer. Quand rien ne va plus, que son peu...