S'échapper ou comment se rétamer et donc se faire rattraper par son meilleur ami

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J'étais assise, immobile, les yeux fixés sur mon cahier dans une fausse concentration, lorsque la sonnerie retentit. Je remballais rapidement mes affaires et me levais. Soudain, je sentis une main me presser l'épaule. Enfin, plutôt me la compresser. Je me retournais et vis celui que je m'évertuais à éviter depuis une semaine. Je me mordis violemment la lèvre. Arthur me faisait face. J'essayais de me dégager, mais il n'avait pas l'air de vouloir me lâcher.

"Pourquoi m'évites-tu ? Tu ne me fais pas la gueule quand même ?"

Je n'osais lui dire que je partirais bientôt. Nous étions amis d'enfance et il me connaissait sur le bout des doigts. Mais cette fois, il ne pourrait pas comprendre. Et je ne voulais pas qu'il le sache. Moi aussi, je le connaissais. Et il détestait les adieux. Alors, il n'y en aurait pas. J'avais donc pris mes distances et restais avec Jenny, ou Jennifer, mon autre amie d'enfance. Tous les trois, nous avions participé aux mêmes fêtes particulièrement ennuyeuses et barbantes de la haute société et étions depuis nos huit ans (sept ans, pour moi qui suis née un peu avant eux), toujours fourrés ensemble, liés par une amitié indéfectible créée par toutes sortes d'épreuves où nous avions été là les uns pour les autres. Je me décidais enfin à répondre :

"Oh désolée, ces derniers temps j'ai été assez occupée et je ..."

- Leïla, pas de ça avec moi. Donne-moi la vraie raison."

Mince, ça va être plus compliqué que ce que je croyais.

"Euuuh ... Je ....

- Tu ....

Je sentis alors qu'il avait desserré la pression sur mon épaule. Je me retournais brusquement et d'une secousse sèche, je la lui fis lâcher. Je me précipitais hors de la classe en lançant un rapide : " Au revoir monsieur !". J'entendis une bousculade et une autre salutation, puis un bruit de course effrénée.

Je me mis à courir tellement vite que j'avais l'impression de voler. Je filais à travers les couloirs de cette école que j'avais longtemps connue. À cette pensée, mes yeux s'embuèrent et une larme timide roula sur ma joue. Mauvaise idée. J'étais maintenant aveuglée. Et je voyais très mal où j'allais. Quelques minutes plus tard, noyée dans mon chagrin et en pleine course folle, je prenais un tournant plus glissant que les autres, et je me rétamais la tête la première au sol. Je vis arriver Arthur, qui me voyant tomber, avait ralenti sur le passage délicat, puis ré-accéléré. Son visage était si inquiet... Malheureusement, cette dernière image resterait gravée dans mon esprit, car de petites taches noires envahirent mon champ de vision. Et je m'évanouis.

Je me réveillais quelques heures plus tard dans mon lit, en sous-vêtements et sous un simple drap magenta. Attendez, je viens bien de dire en sous-vêtements ? Je me cachais un peu plus sous le drap de peur que quelqu'un ne déboule dans ma chambre. Je portais ma main à mon cou et tâtonnais pour trouver mon collier Télépathique et la Perle qui y était enchâssée. Une fois que je les eus trouvés, je me concentrais sur l'image d'un jean et d'un débardeur blanc. Le collier me renvoya une image une image de moi habillée comme je l'avais pensé pour que je confirme et j'acquiesçais mentalement. Les vêtements apparurent alors par-dessus mes sous-vêtements et je me sentis infiniment mieux. Je sortais de sous le drap et observais chaque recoin de ma chambre comme si c'était la première fois que je la voyais. La chose la plus impressionnante était sans aucun doute la baie vitrée panoramique. Quand on se plaçait sur mon lit, on pouvait voir le tapis lumineux et plat que formaient toutes les fenêtres éclairées de Paris, l'ancienne capitale française de l'Avant-Guerre. L'Avant-Guerre ...

Cette période de l'Histoire nous avait été décrite à l'école primaire, puis au collège. Cela avait été une aire de paix, jusqu'au jour où les Américains avaient envoyé les bombes soniques. Personne ne savait vraiment pourquoi et de nombreuses rumeurs couraient. Dont une particulièrement farfelue : apparemment, le président des États-Unis aurait été gravement déstabilisé psychologiquement par la perte de plusieurs membres de sa famille dans des assassinats. Il devint alors un vrai tyran pour le pays. Sa femme, ayant encore espoir qu'il sorte de sa folie, resta avec lui jusqu'à un certain soir où il la battit. Elle fugua alors à travers le monde. Le président aurait ainsi déclaré la guerre aux autres pays de la Terre et placé ses bombes soniques, une toute nouvelle invention, tout autour du globe. Heureusement pour l'Humanité, les scientifiques avaient aussi mis en place des boucliers que malheureusement seules certaines familles très riches purent s'offrir. Quelques-unes y passèrent une grande partie de leur fortune et devinrent ensuite, au fil du temps, de simples domestiques. Ils sont très bien payés, mais ont perdu leur statut de milliardaires.

C'est alors que la porte de ma chambre s'ouvrit. Cela me sortit de mes pensées et je vis apparaître Jeanne. Elle est l'une des nombreuses ménagères que nous avons embauchées. Dès qu'elle m'aperçut, elle se confondit en excuses.

"Oh ! Veuillez me pardonner mademoiselle ! Je ne savais pas que vous étiez là et j'ai voulu faire la poussière ! Je suis tellement désolée ! Je vais vous laisser et y aller. Je m'excuse, encore une fois, pardon !"

Tout en me disant cela, elle s'éloignait à reculons. Je soupirais d'exaspération. Je détestais ce genre de scène, car j'avais l'impression de les traiter comme des esclaves. Ils n'étaient pas en faute, mais je me devais de rester de marbre. C'était pour leur rappeler mon statut, me répétait mon père. Lorsque ma porte se referma, je me sentis comme appelée par ma coiffeuse Intelligente qui se dressait non loin. Je me dirigeais vers elle et me scrutais dans le miroir, dont les bords d'acajou étaient sculptés de fleurs délicates et d'animaux majestueux. Pas étonnant que la ménagère ait eu peur. Mon mascara et mon eye-liner avaient bavé et je me retrouvais avec des cernes de zombie qui faisait ressortir mes yeux outre-mer. Mes cheveux normalement tressés, qui avaient été malmenés par ma course dans les couloirs, était emmêlés et d'épaisses mèches couleur caramel s'échappaient de ma coiffure démolie. On aurait pu me croire dans une colère noire. 

Je demandais donc à mon Intelligente, par le biais de mon Télépathique, de me recoiffer et de me remaquiller. Quelques secondes plus tard, l'Intelligente m'avait appliquée une légère couche de fard à paupière bleu marine et avait rassemblé mes cheveux dans un chignon. Ce genre de soins me revigorait à coup sûr. Je marchais ensuite vers l'autre bout de ma chambre où se trouvait mon bureau Profond. On peut stocker dans un Profond un nombre illimité d'objet de n'importe quelle taille. Et même des animaux. Ils restaient figés dans l'année où on les y avait mis et reprenaient le cours de leur vie là où ils l'avaient laissé quand on les en retiraient. Mais cela pouvait créer un choc psychologique à certains, il valait donc mieux éviter. Lorsque je fus plus qu'à quelques centimètres du Profond, je prononçais distinctement :

"Lunettes"

Alors, sur la surface métallique légèrement rosée et complètement plane du Profond, se forma un bourgeon tout aussi métallique. Je l'effleurais du bout des doigts et il éclot. Au centre de la fleur de lotus qui avait remplacé le bourgeon étaient posées mes lunettes à la monture verte sapin. À l'avant de chaque branches, on avait inséré de minuscules Perles qui me permettaient de zoomer à volonté.

Je dépliais la monture et posais mes lunettes sur mon nez. J'étais fin prête pour descendre dans le petit salon où se trouvaient sûrement mes parents.

Salut tout le monde ! Je ne sais pas si des gens me suivent déjà, mais qui que vous soyez, je vous encourage à m'envoyer des commentaires et peut-être même à voter pour mon chapitre !
Dans tous les cas, j'espère que mon chapitre vous a plu. ;-)

Le jeu de l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant