Prologue

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Ce matin-là, je me réveille dans le lit défait d'une taverne. Je me souviens sans mal avoir enchaîné les shots de rhum toute la soirée et mon corps nu ne me permet pas de définir ce qu'il a bien pu se passer par la suite. Je sais par expérience qu'à chaque fois que j'abuse de la boisson, j'ai tendance à me déshabiller pour danser ou encore réussir le pari lancé par un camarade de beuverie. Mon regard inspecte la pièce mais ne trouve aucun vêtement d'homme. Je soupire de soulagement avant de me lever pour me préparer.

Le gant laissé à ma disposition par l'auberge ainsi que l'eau tiède, sûrement elle aussi déposée par l'hôtesse quelques minutes avant, me permettent de me sentir propre et pleine de confiance. J'enfile des vêtements neufs que j'avais réservés pour ce jour-là et laisse ceux de la veille sur le lit, une offre pour la tavernière qui pourra les revendre aisément. Ils sont encore en bon état mais je sais d'avance que ma chemise ne supportera pas un voyage en mer, bien trop précieuse pour cet environnement.

Refermant mon sac avant de le balancer sur mon épaule, je pars joyeusement vers les escaliers afin de rejoindre la grande salle. À la vue de la pièce, des images de la veille me reviennent en tête. Je revois un équipage arriver joyeusement pour commander et s'amuser le temps d'une soirée. Parmi eux, une femme rousse sort du lot, sa chevelure flamboyante dénotant dans l'environnement sombre de la taverne. Je n'ai pas pu l'approcher de la soirée, elle était bien trop entourée par les marins, essentiellement des femmes mais aussi quelques hommes. L'une d'elle est venue s'accouder au comptoir à côté de moi afin de me proposer un verre. Nous avons discuté pendant des heures avant que tout le monde ne rejoigne le bateau, sur ordre de l'hôtesse qui annonçait la fermeture. Au dernier moment, elle m'a glissé un papier, me conseillant de rejoindre ce navire le lendemain matin. Elle avait noté dessus qu'elle savait, de source sûre, qu'on y cherchait une cuisinière. 

"Alors ma belle ! Un rhum ce matin ?"

La tavernière est installée derrière le comptoir, essuyant un verre. Cette femme est plutôt forte mais son air gai lui donne avant tout un côté de gros nounours. Je l'ai vu, hier soir avant l'arrivée de la bande, serrer contre elle un homme qu'elle ne connaissait pas comme s'il était son fils. J'ai cru comprendre que ce dernier venait de perdre son travail mais, n'en sachant pas plus, j'ai préféré m'éloigner de leur conversation.

"Non merci, ma tête a dû mal à s'en remettre."

Elle rit bruyamment avant de poser une tasse d'un café bien noir devant moi. Je la remercie d'un regard et trempe mes lèvres dans le breuvage qui m'allèche tant. La première gorgée me fait un bien fou et me soulage un minimum.

"Dis-moi la patronne, tu le connais le bateau sur le quai ?  

-Si tu parles du bâtiment énorme que l'on voit au-dessus des toits, non pas du tout. Je sais juste qu'il s'agit de l'Athéna et que le capitaine m'a grassement payé avant de partir."

Je tends l'oreille face à la conversation entre la  bonne femme et un homme qui semble être un habitué. À moitié couché sur le bar, celui-ci sirote un verre d'une boisson ambrée. Sûrement du rhum ou du whisky. Je grimace rien en tentant, à tort, d'imaginer son haleine à une heure aussi précoce.

"On m'a proposé un travail sur le navire. Vous en pensez quoi ?"

Les deux seules personnes présentes dans la pièce à cet instant se tournent vers moi. La patronne essuie toujours ses verres d'un geste presque automatique tandis que l'ivrogne trempe à nouveau ses lèvres dans son breuvage. Je termine ma tasse, inquiète à la réponse qu'ils pourraient me donner.

"Tu m'as dit hier, bien que totalement saoule, que ton rêve était de partir à l'aventure sur un bateau. Le type qui m'a donné la bourse hier m'avait l'air réglo et je n'ai vu personne d'étrange dans le bar alors.... fonce.

Eaux troublesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant