Chapitre 3

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J'ai attendu le soir pour enfin oser sortir faire mes courses et ne pas risquer d'être trop facilement reconnu par de potentiels harceleurs. Je ne peux pas non plus me laisser mourir de faim et finir dans un dépotoir à cause de cette histoire, je dois bien poursuivre ma vie et mes études.

Sous ma veste à capuche et mon jogging sombres, mon masque et ma casquette noirs, je m'assure que Trash ne rôde pas dans les environs avant de quitter l'immeuble et prends la direction de l'épicerie du quartier.

Le coin tranquille où j'habite est peuplé de familles, peu de jeunes s'y trouvent. Dans ma situation actuelle, c'est une véritable aubaine. À moins que des pères de familles se cachent dans mes viewers ? Sur le lot, c'est fort probable. Je me mets à dévisager des couples avec enfants comme s'ils s'apprêtaient à me sauter à la gorge. La paranoïa me guette déjà... Je dois arrêter de voir le mal partout.

À mon grand bonheur, le petit magasin est quasi vide. Je remplis mes deux poches en tissu du minimum vital ainsi que de nouilles instantanées, n'ayant pas l'âme à cuisiner. La caissière m'ignore toujours autant qu'à son habitude et les deux clients ennuyés ne m'adressent même pas un regard. Je sors de l'épicerie aussi vite que j'y suis entré, soulagé.

Qu'en sera-t-il lundi matin ? Trash a-t-il le nom de mon école ? J'inspire et expire en marchant sous les lampadaires, tente de me raisonner et d'oublier mes problèmes, ne serait-ce que pour le week-end. Je réfléchirai à tout ça demain soir, assez d'anxiété pour aujourd'hui.

Je rejoins mon immeuble et me fige devant la porte du hall, curieusement entrouverte. Mon ventre se noue. L'ami d'un voisin, un voisin distrait... cela pourrait être tant de monde. Ou pas.

Les yeux rivés sur l'escalier trop silencieux, je patiente devant la porte vitrée sans oser la pousser. Le vent se lève et me congèle les reins, mais la peur me cloue sur place. Après dix longues minutes et le froid me glaçant les os, je finis par entrer et monte avec prudence ; si je me montre assez discret, je pourrai voir si quelqu'un m'attend sur le palier.

Aussi souple qu'un félin, je m'arrête dans l'angle des escaliers et cible ma porte. Le seuil est désert. Un profond soupir franchit mes lèvres. Je me redresse et me dirige enfin vers chez moi, soulagé. Demain, je me procurerai une bombe au poivre afin de pouvoir sortir l'esprit serein. Il me faudra bien un mois avant de pouvoir déménager, je ne veux pas me cloîtrer ni vivre dans la peur. Je déverrouille mon appartement, entre et dépose mes sacs au sol.

— Enfin...

La porte se fracasse contre le mur. J'ai à peine le temps de me retourner, un objet percute ma tempe.

La pièce tourne, le plancher est flou, ma tête me fait affreusement mal. Lorsque je me redresse, une main me soulève par le col comme si je n'étais qu'une plume. Face à moi, l'homme de la veille.

— T-Trash...

Il baisse sa capuche et dévoile une tignasse à l'acajou fané ainsi qu'un regard noir ; le portrait parfait de l'homophobe haineux, tel que je l'imaginais.

— Tu t'es mis tout seul dans la merde, pédé. T'aurais jamais dû montrer ton visage.

— Donc c'était toi...

— Non, c'était pas moi. Mais je remercie le con qui te l'a demandé, ricane-t-il. En fait, je pensais juste te défoncer la gueule, mais tu recommencerais à nous polluer. Je crois que je vais aussi défigurer ton joli minois. Si tes fans ne te trouvent plus attirant, tu penses que ça suffira à faire passer tes envies contre-nature ?

Je le fixe, effrayé par ce qui m'attend. Je me vois déjà mourir sous ses poings énormes. Et qui se soucierait du meurtre d'un gay ? Un gay qui expose son corps sur le net, qui plus est... L'affaire serait enterrée au plus vite et ma famille recevrait une excuse montée de toutes pièces. Comment protéger un assassin...

Be my OnlyFan (𝑤𝑎𝑛𝑔𝑥𝑖𝑎𝑛)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant