Head & Heart : 1. Géante Bleue 💙 (OEUVRE PROTEGEE)

Fa

    Chaque année, le premier weekend de la rentrée, Hayat et moi organisons une soirée pyjama et cette année normalement, c'était mon tour. Mais, je ne peux inviter personne chez moi en ce moment, par rapport à ma mère.

    Je n'ai pas honte d'elle, loin de là, j'ai seulement peur que ça la perturbe et que ça ruine tous les progrès qu'elle a faits jusque-là. J'ai déjà raté l'annuelle balade en bateau sur le lac alors, j'aimerais garder au moins cette tradition intacte.

    Exceptionnellement, cette année, Hayat m'a gentiment proposé de prendre mon tour et je prendrai les deux suivants. Après une bise à Gabriel, nous prenons le bus pour aller chez elle. Sur le chemin, on s'arrête dans un supermarché, pour faire le plein. Des fruits rouges pour Hayat, des concombres pour moi et de quoi faire des quiches maisons.

    Je suis contente qu'on puisse enfin se retrouver entre filles. Elle m'a tellement manqué pendant les vacances. Maintenant que nous ne sommes même plus ensemble à l'école, j'ai l'impression que ça fait une éternité qu'on ne sait pas vu.

— Ne fais pas trop de bruit en allant dans ma chambre, au cas où mon petit frère dort. Les cris d'Hakim retentissent dans toute la maison et nous font sursauter.

— Bon ben, je crois qu'on a plus de soucis à se faire de ce côté-là, ironise Hayat.

    Je dépose ma veste à l'entrée et suis mon hôte dans le salon pour dire bonjour à sa mère et son beau-père. Je les laisse ensuite discuter en gagnant l'immense pièce qui reflète bien la personnalité de ma meilleure amie.

    Les murs blancs et bleus baignent dans la lumière de ses néons blancs en forme de cercle. Le plus grand, contourne un énorme miroir mural de la même forme faisant face à son bureau et à sa coiffeuse. Elle a également exposé ses "bébés" par paire sur des étagères juxtaposant la porte de son dressing, comme de véritables œuvres d'art. Je dépose mes affaires au pied de son lit royal à baldaquin bleu dragé, quand elle entre dans la pièce.

— Encore désolée, j'aurais bien voulu t'inviter mais... m'excusé-je de nouveau.

— Je comprends Cookie, c'est normal, me coupe-t-elle. D'ailleurs comment elle va ?

    J'ai toujours eu du mal à me confier sur mes problèmes en général. De peur que la personne en face de moi me le fasse regretter en utilisant ses informations contre moi. Ou qu'elle finisse par me cataloguer en ne voyant plus que le problème.    

    Hayat ne m'a jamais fait ressentir ça. Elle a une capacité d'écoute bien supérieure à celle d'une petite cuillère. J'ai parfois l'impression de me parler à moi-même tant on arrive à se comprendre.

— Elle se remet petit à petit, mais c'est encore très dur pour tout le monde, enfin surtout elle.

— Vous arrivez à lui parler ?

— Seulement, mon père et son médecin. Elle refuse encore de nous voir et ça me frustre de la savoir sous le même toit que nous, mais que nous ne puissions même pas l'approcher ou simplement la voir.

— Elle n'a probablement pas envie que vous la voyiez dans son état, peut-être un sentiment de honte ?

— Oui, mais on est ses enfants, on n'est pas n'importe qui.

— Justement, vous comptez plus pour elle que quiconque, votre regard sur elle lui importe bien plus. Elle le sait que vous la jugerez jamais, mais même les parents ont leur fierté, ils ne veulent pas paraître faibles devant nous, ils considèrent ça comme une sorte d'échec.

Elle s'approche de moi et passe son bras autour de mes épaules.

— Je n'aurais jamais la prétention de te dire que je comprends ce que tu ressens, car ce serait un mensonge. Mais, je pense que la seule chose à faire pour l'instant, c'est de patienter et dès qu'elle sera prête, tu pourras lui donner tout l'amour qui lui a manqué durant cette crise. Je peux ?