You're better off, I'm glad that he's gone - Glad He's Gone, Tove Lo

341 33 46
                                    

La main de Sylvain se leva devant Pierre, pour mimer un coup d'accélérateur, mais le geste resta en suspens et le silence s'allongea entre eux. La raison de cet arrêt soudain, qui avait attiré l'attention de Sylvain, c'était le sursaut de son ami. Un léger mouvement en arrière, un moment d'appréhension, un bras légèrement levé en défense, un mécanisme habituel et rapide, une fraction de seconde... Quelque chose clochait terriblement avec ce qu'il venait de se passer, et l'inquiétude de Sylvain remontait à vitesse grand V.

Il baissa la main sans jamais finir son geste et se tourna vers son ami.

« Pierre, lança-t-il pour attirer son attention. Pierre, répéta-t-il, ça va dans ton couple ? »

Il avait eu ses soupçons, mais la seule réaction de Pierre venait de les confirmer, en quelque sorte. La question semblait anodine, si seulement son ton n'avait pas été si dur, si proche de la rupture. Il posa une main sur son bras, le tint et le retint, il ne le laisserait pas se dérober à ses interrogations cette fois-ci.

Pierre ne répondit pas, il fuit son regard, s'éloigna doucement, sans violence. Sylvain tira sur son bras, le ramena vers lui étrangement facilement. Il ne recevait aucune résistance réelle, ce qui l'étonna. Il se fit plus doux en remarquant que son ami ne cherchait que mollement à fuir la situation, il comprenait l'appréhension, si ses hypothèses se révélaient vraies.

« Pierre, reprit-il à voix basse, je m'inquiète pour toi. Je vois bien que ça va pas depuis quelques semaines, et je pense que tu ferais mieux d'en parler. Enfin, je veux pas te commander hein. Je veux juste... Je suis là, si t'as besoin de vider ton sac. Et si tu préfères quelqu'un d'autre, peut-être même un professionnel, il n'y a pas de soucis. Et si... Pierre ça va ? »

Alors que Sylvain était en train de parler, son ami s'était décomposé, des larmes baignant ses joues peu à peu. Il chancela d'un pied sur l'autre, cherchant un mouchoir dans ses poches, essayant tant bien que mal de sécher ses pleurs. A le voir, Sylvain sentit les larmes monter également, mais il les retint. Ce fut plus difficile quand son ami avoua, la voix tremblante :

« C'est putain de compliqué... J'ai jamais voulu ça, moi.

-Voulu quoi ? le pressa Sylvain, un peu brusque, s'accrochant à la première réponse qu'il obtenait en des semaines d'interrogation. »

Le silence lui répondit. Visiblement, Pierre n'était pas encore prêt... Bon, il allait devoir être très patient alors.

Sylvain tint la jambe1 à son ami la matinée durant, ne posant pas beaucoup de question, avançant prudemment, assis avec Pierre dans un coin du garage. Il tâtait le terrain avec des discussions frivoles sur le dernier jeu qu'il avait acheté, le dernier problème qu'il avait eu avec une de ses voitures, une info qu'il avait vu passer sur Twitter, une musique qu'il avait entendue à la radio récemment... Tout un tas de choses qui traversaient son esprit sur le moment. Il ignora chaque parole de Pierre visant à reprendre le tournage, parce qu'il n'était vraisemblablement pas capable de l'assurer dans son état.

Midi sonnant, les deux hommes allèrent chercher à manger à leur fast-food préféré. C'était Sylvain qui conduisait, il avait prétexté un truc con pour prendre le volant, ménageant Pierre – un peu trop, peut-être.

Dans la voiture, alors qu'ils attendaient dans la file du Drive, Pierre se mit à parler de nulle part :

« Il te déteste.

-Qui ? demanda Sylvain qui avait perdu le fil alors que la discussion avait à peine commencé.

-Mon mec. »

Un silence, court. Pierre reprend :

« Il te voit comme une menace. »

Il se mordait la lèvre inférieure nerveusement, un tic si récurrent qu'il n'y pensait plus. Son interlocuteur ne tourna pas la tête vers lui en répliquant :

You're Forgiven / Better OffOù les histoires vivent. Découvrez maintenant