Le Brasier

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C'est une virgule qui sépare deux parties d'une phrase, un instant qui n'est pas une prison, juste une transition. Et pourtant, cette virgule qui nous sépare est bien plus puissante qu'un point final car même si on ne sait plus rien de nous, il y a comme un lien indestructible qui nous relie. Les souvenirs, le manque et l'échec ne sont nullement la raison de mon retour. Je suis là pour toi. Je ne sais pas si je mérite encore une place à tes côtés, ni même si tu en as envie. Après tout aujourd'hui tu as ta vie. Il y a cet aimant dans ton cœur qui m'attire par-delà les guerres et les tortures que nous nous sommes infligées.

Je crois à la rédemption, au pardon et à la force qu'il y a en chacun de nous, de pouvoir accepter ses erreurs et d'en tirer les principales leçons. Je crois au pouvoir de l'amour. Je crois à tous ces instants de bonheur que la vie nous a offerts parce que ceux-là, personne ne pourra jamais nous les voler, pas même les jaloux, les aigris et les sans-vies. Je vois la rue se vider et la nuit qui commence à tomber sur Berlin. Les chandeliers de Noël trônent en bonne place sur les rebords de fenêtres. Dans quelques heures peut-être les enfants ouvriront leurs cadeaux avec dans leurs regards cette lumière merveilleuse qui ne devrait jamais disparaître, quoi qu'il arrive. Il ne faudrait jamais arrêter de rêver, voilà. Il n'y a qu'à travers la vision d'un monde nouveau que nous réussirons à transformer nos pleurs en sourires et nos rancœurs en attrape-cœur. Je ne sais pas s'il y a encore de la place pour un nous dans ce chemin de vie que tu t'es tracée. Je sais juste que je dois te retrouver, pour te sauver peut-être, pour t'aimer, je ne crois pas.

– Caproni, je vous dépose à votre hôtel ?
– Avec plaisir Commissaire.

En ouvrant la porte de la Mercedes AMG GT 53, couleur gris métal, je t'imagine dans les bras d'un autre homme, heureuse et frileuse, blottie contre sa poitrine, bien loin de la bassesse de mes sentiments. Je ne peux pas t'en vouloir. Mon cœur lâche est rempli d'une mélancolie qui se déverse en moi comme la clepsydre se vide. J'ai tout à réapprendre pour ne pas faire à nouveau fausse route et éviter les embuscades de la vie. Il y a dans le fond de mon cœur un rayon merveilleux dont le faisceau s'échappe de mon regard. Peu importe que sa couleur soit bleue, noire ou rouge, c'est ce reflet de moi qu'il y a dans cette virgule plantée au beau milieu de ta vie.

– Vous ne rentrez pas fêter Noël à Paris ?
– J'ai un travail à finir ici.
– La famille c'est important. Il ne faut pas l'oublier. Nous faisons un métier qui peut parfois nous happer et nous éloigner des vraies personnes qui nous aiment.
– Vous êtes mariés Schumann ?
– Depuis 15 ans. (Il reste pensif, soudainement perdu dans une émotion incontrôlée)
– J'ai toujours rêvé de me marier, je ne sais pas pourquoi, c'est quelque chose que j'aurais aimé vivre. Malheureusement, cela ne m'arrivera jamais.
– Ne dîtes pas ça. Après pour être honnête c'est un truc qu'on nous met dans la tête dès les premiers dessins animés qui passent à la télé.
– C'est pas faux. On souffre tous du syndrome du prince charmant, qu'on soit un homme ou une femme d'ailleurs.
– Et d'un autre côté, c'est comme une quête qui nous pousse sans cesse à espérer.
– On se dit qu'on devrait bien réussir à trouver sa princesse ou bien à être le prince charmant de quelqu'un.
– Sauf qu'on est tout, sauf des princes charmants.
– Encore vous Commissaire, il vous est arrivé d'être un héros.
– Ma femme ne sait rien de mon travail vous savez.
– Vous ne lui en parlez jamais ?
– Un flic doit affronter seul son quotidien et ne pas polluer la vie des autres avec. On est tellement exposé à la misère du monde et à sa violence que tout ce côté négatif de la vie peut finir par nous coller à la peau.
– Je ressens ça également. Certains médecins doivent avoir le même sentiment, je pense.
– Mais je ne dis pas que j'ai raison car d'un autre côté, une femme qui n'est pas dans la police peut croire qu'on lui cache des choses.
– Alors que pas du tout.
– Non du tout. Dans tous les couples c'est la même histoire s'il n'y a pas de confiance, à un certain moment ça coince.
– C'est comme avec un coéquipier je suppose.
– Oui, imaginez je vous dis, Caproni depuis qu'on est parti du Kanaan, il y a une moto qui nous suit, à trois voitures derrière nous.

Un Cercle de CraieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant