J'aime tellement l'odeur de l'orage. Il pleut si fort que je n'ai pas su me lever du lit ce matin. Les draps sont tièdes contre ma peau, l'air est frais et la pluie frappe mes fenêtres. Je ferme les yeux..
- mademoiselle !
On m'attrape le bras et je gémis, agacée d'être sortie du lit si tôt un matin si agréable.
Elle hausse le ton :- mademoiselle ! Vous allez être en retard.
- Margaret.., bredouillé-je, la voix faible et enrouée en fronçant les sourcils.
Elle se mit à ouvrir tous les rideaux à une vitesse folle, et elle retira même mes couvertures.
Je me roule en boule au milieu du lit, essayant de me réchauffer sans ma couette. J'ai beau être têtue, Margaret est la plus patiente de nous deux. Mes cheveux sont emmêlés et se collent à la sueur de ma nuque, j'ai trop froid et j'ai besoin d'aller aux toilettes. Ce n'est qu'à peine après quelques minutes que je ne le supporte plus et Margaret gagne, comme tous les matins, alors que je me lève pour la salle de bain. Elle s'arrête dans l'encadrement de la porte et soupire.- Pas trop stressée ? Lance-t-elle. Elle a l'air plus anxieuse que moi.
- non, ça va. Dis-je d'une voix faible. J'essaie de tout garder en moi, mais j'ai quand même peur. Je ne suis d'habitude pas du genre à me laisser imposer les choix de ma famille, mais je suis fatiguée de me battre et de crier pour me faire entendre. Je me marierai aujourd'hui , dans les règles. Même si c'est un mot que je n'aime pas, les règles. Je n'ai pas envie de quitter mon chez moi et même si ce palais n'est pas l'endroit le plus convivial, j'aime ma chambre. J'aime mon lit et mes rideaux bleus roi. C'est ma couleur préférée, le bleu. J'aime aussi le rebord doré de mes fenêtres et la pluie qui s'écrase dessus, mais je ne reverrai plus jamais ma chambre. Tout a coup, mes joues sont accablées de larmes et je peine à tenir ma brosse. Je m'accroupis et pose mes coudes sur le rebord de la baignoire, les mains sur mon visage. Je n'ai pas envie de me marier, et ce soir, je dormirai dans le même lit qu'un homme que je ne connais pas. Margaret me rejoins dans la salle de bain et s'accroupit auprès de moi, enroulant ses bras autour de mes épaules. Elle s'est toujours occupée de moi, plus que ma mère. Et une fois de plus aujourd'hui, c'est elle qui sèche mes larmes à la place de mes parents. Je la prend dans mes bras, la serrant dans mon étreinte et j'en viens jusqu'à sangloter, j'ai l'impression d'étouffer.
- ça va aller. Je ne disparaîs pas, hein ? Me rassure-t-elle d'un ton doux. Tout va bien. Tu ne pars pas pour toujours.. on se reverra souvent je te le promets.
Margaret me vouvoie toujours d'habitude, même si je n'aime pas ça. Mais quand je suis triste, elle abandonne son rôle de nourrice et devient ma mère pour quelques instants. J'essuie mes larmes et ferme les yeux, la joue pressée contre son épaule, et ma respiration se stabilise à nouveau. Elle m'aide à me relever et m'embrasse le front.
- aller. Murmure-t-elle doucement.
Après ça, tout se déroule vite. Tout le monde est en accéléré autour de moi, j'ai l'impression que seulement mon cerveau avance au ralenti et que tout est brouillé. On coiffe mes boucles auburn dans une longue tresse ornée de bijoux, et je suis vêtue d'une robe rouge pourpre en velour et une large baleine en dessous, avec un bustier épousant mon corset trop serré.
J'entends la foule depuis la chambre, étouffée par les fenêtres fermées et pendant quelques minutes, je reste plantée là. Plus personne n'est dans la chambre à part moi, et je suis prête. Je touche les meubles et la tapisserie du bout des doigts, mon lit, mes rideaux, et je m'attarde un instant devant le miroir de la coiffeuse. J'observe mon reflet, un peu trop parfait, trop discipliné, trop joli. Il ne me ressemble pas et en temps normal, je me serais sentie jolie, mais l'idée que ça soit pour plaire à un homme me donne une sensation désagréable dans l'estomac.
Mon père rompt le silence et m'annonce qu'il est temps en frappant à la porte. Je prend une longue inspiration tremblante et serre ma robe dans mes mains, comme si j'allais pouvoir y trouver du réconfort et m'y accrocher. Je sors de la chambre sans me retourner et prends le bras de mon père, ce qui a sûrement été notre seul contact physique depuis des années. Nous sortons de la partie couverte du palais pour nous retrouver sur un des longs balcons qui le longent. De là, on peut y voir la foule crier notre nom tandis que mon père salue. On ne discute pas, il ne me demande pas comment je me sens et je ne lui demande pas non plus, il est impassible. Mon père est un empereur, il n'a d'yeux que pour sa politique. Nous descendons le perron puis marchons quelques minutes semblables a des heures, sur le long tapis blanc. Au bout de ce tapis : l'autel, là où se tiennent l'évêque et une grande silhouette vêtue de bleu foncé. Cette silhouette, je ne connais que son nom : Duncan Crawford II. C'est le fils d'un des rois des 7 royaumes, et notre union est supposée apporter la paix entre nos deux nations. Je suis forcée de lâcher le bras de mon père une fois arrivée devant les marches de l'autel, j'ai l'impression d'avoir les jambes rouillées et que je les force à bouger. Je m'arrête enfin en face du futur marié et la cérémonie prend place. Il me dépasse d'une tête et il ne me regarde pas, ni moi ni l'évêque. Il fixe un point invisible loin derrière moi et la cérémonial semble sans fin. l'atmosphère est étouffante à cause de la pluie, l'humidité et la chaleur rendent ma robe irrespirable et les fleurs entre mes mains fanent déjà.
Lorsque la solennité touche à sa fin, le banquet débute à l'arrière cour du palais. Tout le monde a l'air ravi, dansent et boivent comme si tout était normal. Comme si le fait que je n'avais aucune envie d'être ici, à fêter un mariage que mes parents ont choisi, n'existait pas. La bonne nouvelle, c'est que Duncan non plus n'a pas l'air ravi. La mauvaise, c'est que si on décide de partir, c'est pour de bon. Je contemple le palais une dernière fois avant de m'avancer vers lui.- Duncan ?, Je le regarde droit dans les yeux., J'aimerais partir.
Il me regarde dépourvu d'émotions pendant quelques secondes et soupire avant de me répondre d'une voix calme.
- Oui, si tu veux. La calèche est déjà prête, prends tes affaires.
Il n'a pas à se répéter que je me précipite pour récupérer mes affaires à l'intérieur avec l'aide d'une domestique. Je regarde ma chambre. Mes rideaux bleus roi.. l'océan peint au dessus de mon lit, l'odeur de la bougie à la citronnelle qui brûle toujours. Ma gorge se serre et mes yeux s'emplissent de larmes une nouvelle fois.
Je dis au revoir à Margaret et embrasse mes parents furtivement, avant de monter dans la calèche qui s'éloigne du château. C'est en voyant les paysages changer et mon chez moi s'éloigner que mon cœur se resserre, et je suis soudainement prise d'une mélancolie livide. Quelques larmes brûlantes se déposent sur mes lèvres, et Duncan assis à ma gauche n'y prête pas attention, ce que je ne lui reproche pas, je ferais sans doute la même chose. Le trajet promet d'être long alors je ferme les yeux en essayant d'oublier où je me rend.
Je suis réveillée par le cochet qui me secoue le bras dans la calèche déjà immobile. Duncan n'est plus là.
- madame Crawford. Excusez-moi, madame ?
Je tourne la tête les sourcils froncés, j'ai l'air d'une folle. "Depuis combien de temps sommes nous arrivés ?" susurrai-je
- ça fait au moins 3 heures. Monsieur a quitté la calèche dès notre arrivée, je ne pensais pas qu'il était parti sans vous.
Je ne le connais pas et je suis déjà en colère contre lui. Je me contente de remercier le cochet, qui m'aide à sortir mes bagages. Je descends de la calèche et en levant la tête, se dresse devant moi un gigantesque manoir qui malgré son élégance fait naître un sentiment de peur au fond de moi. Le fait de ne pas avoir mangé devient dérangeant tandis que la bile cherche à quitter mon estomac. Je me retourne et la calèche disparaît déjà au loin, la nuit commence à s'installer et personne n'est venu m'accueillir.
Home sweet home..
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Atlantis
Teen FictionJ'aimerais pouvoir réapprécier la beauté des fleurs. J'aimerais remonter le temps, au temps où la mer et les rivières n'étaient pas rares, au temps où les enfants jouaient dehors. Au temps où je ne serai pas forcée de me marier. Le futur et l'évolut...