2

22 5 0
                                    

Le carrelage froid du sol mordait vigoureusement ses pieds dans ses chaussettes mouillées, mais Adrian s'en moquait, il avait passé un excellent après-midi. Le jeune homme n'était pas très sportif, mais son groupe avait été fort sympathique et accueillant. Et pour le moins éclectique. En effet, il s'était retrouvé dans l'équipe d'une gentille petite rousse au teint pâle et d'un camarade à la peau sombre et au rire communicatif. Une rousse, un noir et un gay, cela ressemblait au début d'une mauvaise blague. Peut-être devait-il essayer de ne pas tenter d'interpréter ce choix de composition.

Ses chaussures crottées à la main, il suivait le troupeau de jeunes dans les escaliers jusqu'à ce que celui-ci se sépare ; les filles bifurquèrent au deuxième étage alors que les garçons montèrent jusqu'au troisième. Ils étaient tous recouverts jusqu'aux genoux d'une épaisse couche de boue et se disputaient à l'avance pour décider qui utiliserait les douches en premier. Adrian se doutait que la grande brute au ton autoritaire avait sa place déjà toute réservée. Les autres l'appelaient Wes et, au vu des regards noirs que celui-ci lui avait jetés tout au long de la journée, il ne s'en ferait pas un ami. Cela n'avait pas d'importance, tant que son camarade de chambre était sympa. Il avait hâte de le rencontrer. Les surveillants avaient dit qu'il viendrait s'installer en fin d'après-midi. Il regarda sa montre : il devait déjà être là.

Devant sa chambre, Adrian hésita à frapper puis se ravisa : s'il avait à faire à une autre brute du genre de Wes, autant s'affirmer dès le début. Il pénétra dans la pièce d'un pas décidé et se trouva enfin face à son colocataire. Loin de l'idée qu'il s'était faite, le jeune homme face à lui le toisait, semblant surpris de son irruption. Adrian se reprit et lui tendit la main :

— Adrian Jimenez, se présenta-t-il.

L'autre s'approcha et le saisit dans une poignée de main molle. Il le dépassait de dix bons centimètres, mais était si maigre qu'Adrian ne se sentit pas impressionné le moins du monde.

— Swann Davis, répondit-il avec une voix rauque de ceux qui ne parlent pas souvent.

— Excellent, fit Adrian qui jusque-là n'avait rencontré que des Peter, des Finn, des Cole ou des Ben.

Swann poursuivit ce qu'il était en train de faire avant l'arrivée de son nouveau colocataire et déposa une pile de pulls dans son armoire. Un silence gêné s'installa. Adrian, n'osant le rompre, ôta son pantalon qu'il lança dans le panier de linge sale et entreprit de défaire ses valises à son tour. Du coin de l'œil, il détailla Swann : des cheveux noirs ondulés retombaient sur sa nuque et sur ses lunettes rectangulaires au bord épais... Adrian se fit la réflexion qu'elles étaient loin d'être tendances. Le jeune homme gardait également la tête basse, camouflant son visage, et ses gestes étaient aussi mous que sa poignée de main. Adrian ne put retenir sa déception : il avait espéré un colocataire avec un minimum de charme. Se décidant à finir le rangement plus tard (la journée avait été fatigante), Adrian se retourna vers le lit à étage.

— J'ai posé mes affaires sur celui du haut pour pas encombrer. Tu préfères quel lit ? lança-t-il à l'adresse de Swann, trouvant enfin un prétexte pour briser son mutisme.

— Comme tu veux. Ça me va comme ça, répondit le jeune homme sans plus de discussion.

Super, cette cohabitation s'annonçait amusante !


À sa sortie de la douche (tiède, puisqu'il avait attendu que les premiers eussent terminé), Adrian rassembla ses affaires et, après avoir secoué ses cheveux mouillés, se dirigea vers la sortie de la pièce déserte. Il sursauta dans un hoquet lorsque la porte s'ouvrit brusquement avant qu'il n'ait eu le temps d'attraper la poignée.

PARMI EUXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant