Like him (2022)

2.

 Mes mains commencent à trembler et je me laisse aller contre le dos de ma chaise.

J'avale ma salive bruyamment et j'examine de nouveau le jeune homme.

Je sens que les yeux de plusieurs de mes camarades sont braqués sur moi.

Dites-moi que je rêve.

Je reste figée, en l'observant du coin de l'œil jusqu'à la fin du cours.

Quand la sonnerie retentit, j'ai les jambes tellement engourdies que j'ai l'impression que je vais tomber.

Je me lève tandis que presque tout le monde a déjà quitté la salle.

Dès que mes yeux croisent les siens, Téo me fonce dessus.

-Je n'arrive pas à y croire !

-Moi non plus, j'ai l'impression d'être dans un cauchemar.

-Selon les filles, il s'appelle Grayson Brad, il a dix-huit ans et il vit à la sortie de la ville.

-Comment savent-elles tout ça ?

-Je n'en sais rien, le pouvoir féminin ?

Je ris doucement à contre cœur et nous quittons la salle.

Je m'installe sur un banc à l'extérieur, je repense à eux, je les détaille. Je n'arrive pas à comprendre.

Leurs traits durs, leurs mâchoires carrées, leurs yeux sombres, leurs carrures.

J'ai la boule au ventre, je ne veux plus jamais croiser son regard.

Ça ne fait que me rappeler ce que j'ai perdu. Je ne le retrouverai jamais, pas même à travers un sosie.

Un sosie ! Dans quel monde je vis ?

Dans la vie réelle, ce genre de trucs n'arrivent jamais.

Il faut que j'enregistre l'information, ce n'est pas Thomas.

Thomas était doux, attentionné, son regard avait comme pouvoir de me transporter à mille lieux de là où nous étions.

Thomas était mien, même si les choses ont toujours été loin d'être stable, c'est de lui dont je suis tombée amoureuse.

Je ne connais même pas Grayson.

Je rentre chez moi, confuse, peinée. Je décide de sécher le reste des cours de la journée.

Ma chambre, remplie de photos de Thomas.

Je crois que je ne pourrais pas m'y faire, avoir un homme qui ressemble comme deux gouttes d'eau dans mon quotidien.

J'aime Thomas, et je l'attendrai, je l'attendrai toujours. Je sais qu'il réapparaîtra, j'en suis sûre et certaine.

Je file sous la couette et je ferme les yeux, attendant que le sommeil vienne me saisir.

Je suis dans cette salle de présentation, au lycée, cette imitation de salle de cinéma. Thomas est sur la scène, son regard est plongé dans le mien. Il me tend une main, que je saisis. Je passe mes doigts dans ses cheveux et il place les siens sur ma taille. Quelques secondes après, ses lèvres se posent sur les miennes. J'ai cette sensation de flottement, d'espoir, d'amour. Je me sens bien, libre. Je décolle mon visage du sien pour l'observer. Lorsque je remarque quelque chose. Étrangement, les cheveux sont clairs or Thomas est brun foncé. Qu'est-ce que... ?

Oh non.

Je me lève d'un bond.

La panique me gagne, mon subconscient commence à me jouer des tours qui ne plaisent pas.

J'essuie la sueur sur mon front avec mon bras.

Je regarde sur la table de nuit. La photo de Thomas et moi dans ce cadre jaune usé me provoque un pincement au cœur. Il me manque et s'il y a bien une chose dans laquelle mes rêves sont doués, c'est me rappeler que Thomas n'est pas à mes côtés.

Je me rallonge et j'attends.

J'attends un bon moment puisqu'il commence déjà à faire nuit.

Quand je me lasse, je décide d'aller à la cuisine. Je prends un verre d'eau et je vais sur le balcon.

Je m'adosse à la porte vitrée et je regarde les passants. J'ignore quelle heure il est.

Je suis fatiguée d'être triste, cela fait deux ans. Je sais bien qu'il est impossible que je passe un jour à autre chose, mais je veux me sentir vivre.

Alors sans vraiment que je comprenne pourquoi, je me retrouve en pleine rue. Je ne sais pas où aller, donc je m'arrête devant une épicerie.

J'y rentre. Le magasin sent la transpiration et la moisissure, plutôt flippant pour un lieu qui est censé vendre de la nourriture.

Je vais dans le rayon apéritif et je cherche quelque chose de spécial, une gamme de chips singulière. Ces sont des tuiles aux olives et au fromage, c'étaient les préférées de Thomas. Alors, depuis sa disparition, je ne mange que celles-ci.

Je regarde toutes les variétés en cherchant désespérément celles que je veux.

Je les repère rapidement, elles sont en hauteur ainsi, je lève le bras pour les attraper. Soudain, celui de quelqu'un d'autre passe devant moi et saisi la dernière boite.

-Merci... dis-je dans un murmure en pensant qu'il prévoit de me la donner.

Je me retourne pour que l'homme me tende le paquet lorsque je remarque qu'il vient de payer et s'apprête à partir.

Étrange...

Ce dos.

Je le reconnaîtrai entre mille.

Thomas.

Je me rue sur l'homme qui vient de quitter le magasin.

Quand je pousse la porte, je me retrouve sous le ciel étoilé, seule.

Personne n'est là.

Comment est-ce possible, cet homme était là.

D'un coup, le lampadaire du coin de la rue émet une irrégularité. Je remarque qu'il y a une ombre.

La panique me gagne quelques instants puis je réalise que c'est sans doute Thomas.

Je prends mon courage à deux mains et j'avance.

Je remarque que c'est bien celui du magasin, il tient les chips dans ses mains.

Je continue de marcher et lorsque je suis suffisamment proche pour entrevoir son visage, mon pied heurte un caillou. Il sursaute et se lève d'un bond avant de me dévisager.

Mon cœur ralentit et les larmes me montent aux yeux, ce n'est que le nouveau. Grayson incline sa tête pour exprimer son interrogation. Je secoue la mienne pour le convaincre d'éviter de me poser des questions.

Il lève les yeux au ciel et se rassoit.

Je tente de me calmer et je m'assieds à côté de lui.

-Alors, que fais-tu là ? Je lance sans vraiment réfléchir.

-Ça te regarde ?

-Tu aimes te balader la nuit ?

-J'aime surtout quand tu ne me parles pas.