Like him (2022)

35

— À quoi tu penses ?

Sa voix a fait frémir tout mon corps.

À toi, Grayson, je pensais à toi, comme toujours.

Il ne m'aime pas.

— Oh, à rien du tout. Il faut que j'aille faire une course, je tente de l'éviter, soudainement prise de panique.

— Déjà ? Tu ne veux pas rester ?

Si, évidemment que je veux rester, mais je veux aussi que tu m'aimes. Comme quoi, on a rarement ce que l'on désire dans la vie.

— Esmée ? Qu'est-ce qui se passe ?

Rien du tout, justement, j'aimerais qu'il se passe quelque chose, j'aimerais que ce que je ressens soit réciproque.

Son visage est sévère. Ses traits sont tels que je me demande si je n'ai pas fait quelque chose qu'il ne fallait pas.

— Rien du tout, je me demandais juste si tu avais des nouvelles de Gabriella, j'essaye de m'en sortir.

J'ignore comment cette question m'est venue en tête, mais elle n'est pas si bête que ça. Grayson peut parfaitement croire que c'est la vérité.

— Gabriella, je voulais t'en parler. Elle s'est enfuie de nos locaux.

Génial, ravie d'apprendre ça dans ce contexte.

— Enfuie ?

Je viens vraiment de lui demander la définition du verbe ?

Je suis en train de perdre tous mes moyens.

— On ne la trouve plus. Donc, j'aimerais que tu évites de te promener toute seule.

— Ça tombe mal, j'avais un truc à faire.

J'ai parlé bien plus froidement que ce que j'aurais voulu, il me dévisage en silence. Je sais qu'il s'apprête à protester, mais il me respecte trop pour dire quelque chose.

— Très bien, et si maintenant, tu me disais ce qui t'arrive ?

Perspicace. C'est pour ça que je l'aime.

« Pas lui ! » Me crie une voix dans ma tête comme pour me rappeler pourquoi je veux subitement m'en aller.

J'ai besoin de faire un tour, j'ai besoin d'air.

— Rien du tout.

— Esmée ?

Qu'importe les paroles qui pourraient sortir de ma bouche, il ne comprendrait pas, personne ne comprendrait.

— J'ai besoin de prendre l'air.

Son visage ne transmet pas la moindre expression, sa mâchoire se contente de se contracter. Je vois ses poings se serrer, je sens la crise venir, mais je ne fais rien pour l'en empêcher.

— C'est à cause de lui, hein ?

Sa manière de prononcer ces quelques mots est touchante, il a l'air plus triste qu'en colère.

Je ne comprends pas pourquoi il me pose cette question, ça n'a rien à voir avec Thomas. Même si je lui accorde, ç'aurait pu, mais non, c'est en rapport avec toi, Gray. Toi et les foutus sentiments que tu n'as pas.

— Tu sais bien que non.

— Justement, je n'en sais rien.

Cette phrase me fait l'effet d'une douche froide. Il pense que je doute encore à cause de Thomas, il pense que je ne lui suis pas dévouée, il pense que mon « je t'aime » était faux.