Chapitre 24 - Naples : Une main tendue

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Je passe l'après-midi, puis la journée suivante vautré sur le canapé du salon de Leonardo. J'ai beau essayer de me calmer, rien n'y fait. Les mots « AVC », « état instable » et « risques de complications majeures » tournent dans ma tête comme dans une centrifugeuse.

Je repense à ma grand-mère, à son visage empreint de sagesse et ses paroles bienveillantes. Elle, ma conseillère et mon modèle, le roc de la famille. Imaginer cette force de la nature sur un lit d'hôpital m'est tout bonnement impossible.

Abuela, tu ne peux pas me laisser, j'ai besoin de toi...

En serrant dans ma main le rosario qu'elle m'a confié, je repense à notre dernier appel. Elle m'avait semblé fatiguée à l'écran, mais j'avais mis cela sur le dos de l'heure tardive. Sans compter qu'elle m'avait fait part d'une terrible migraine. En découvrant sur internet qu'un mal de tête brutal et inhabituel peut être l'un des signes avant-coureurs d'un AVC, je m'en veux terriblement. J'aurais dû réagir, faire quelque chose ! Mais la nouvelle pensée qui me parvient est encore plus angoissante. 

Et si cette conversation avait été la dernière ?

Non. Non, non, je refuse de le croire. C'est impossible, les choses ne peuvent pas se terminer comme ça, pas avec elle.

La marche à suivre m'apparaît plus claire que jamais : il faut que je rentre, que je la retrouve. De toute manière, je ne vais pas pouvoir continuer à voyager comme si de rien n'était. Je suis incapable de rester ici et de suivre les défis de cette liste. Peu importe si je dois bafouer des années de traditions familiales, il faut que je sois à ses côtés.

Je ne perds pas de temps et commence à inspecter les vols au départ de Naples. Les prix exorbitants me ramènent alors brusquement sur Terre. Dios Santo, mon vol pour venir ici m'avait déjà coûté un bras ! Comment peut-on mettre autant d'argent dans un trajet à bord de l'un de ces engins cauchemardesques ?

Une chose est sûre : mes maigres fonds n'assureront jamais une telle inversion. Je commence à envisager de demander un prêt exceptionnel à mes parents, lorsqu'une voix familière m'interpelle depuis le couloir :

— Samuel ? Est-ce que je peux venir te voir ?

— Leonardo... Bien-sûr, tu es chez moi. Par contre, si tu veux me proposer de sortir, je suis désolé mais ce sera non... Comme je t'ai déjà dit, je préfère rester ici.

Les yeux rivés sur le plafond, j'entends des pas s'approcher. Je bascule la tête et tente d'esquisser un faible sourire à mon ami, qui se tient encore dans l'encadrement de la porte. Il n'a pas osé mettre un pied dans son propre salon depuis ce matin et j'avoue que je me sens un peu coupable.

— Je sais que ça ne va pas fort. Encore une fois, je suis vraiment désolé de ce qui arrive à ta grand-mère... Je n'imagine pas la peine que tu dois sentir en étant si loin d'elle.

J'acquiesce lentement. Ma gorge serrée ne me laisse pas émettre le moindre son.

— Mais c'est justement pour cette raison que je voulais te voir. Il se trouve que j'ai quelqu'un avec moi... Et je me dis que, peut-être, cette personne pourrait t'aider un peu...

Ses paroles suscitent en moi un mélange de questionnement et de méfiance. Qui a-t-il bien pu ramener, un psy ? Un guérisseur énergétique louche ?

Ma curiosité me pousse finalement à céder :

— Tu peux l'amener.

Si je ne m'attendais pas à grand-chose, la tête brune qui franchit la porte me sort aussitôt de ma torpeur. J'ai beau ne l'avoir vue que deux fois, je reconnaitrais entre mille ses yeux couleur miel soulignés par ce subtil trait de khôl.

Samuel et l'air de l'incertain [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant