Pensée noire

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Oumou, visiblement décontenancée par les propos de cette peste de Kiné en oublia ce qu'elle venait faire au marché. Elle ďecida de retourner dans sa voiture pour se calmer. Toutes ses pensées étaient tournées vers son mari.

Son mari si beau, si chou, mais beaucoup trop marqué par les soubesauts de la vie. Venant d'un milieu pauvre, il n'avait connu rien d'autre que la misère et la souffrance.

Par bonheur grâce au soutien et aux sacrifices de sa brave mère, il s'est battu comme un beau diable. Il s'est tellement bien battu, qu'il s'est forgé sa place au soleil sans l'aide de personne.

Malheureusement, le sort s'est acharné sur lui. Et Dieu le Tout puissant décida de ramener sa maman, la douce et noble Awa auprès de Lui.

Hakim en fut d'autant plus marqué que sa maman chérie ne sera jamais témoin de sa situation aisée du moment. Il s'est bâti une belle vie avec tout le confort qui leur avait tant manqué à eux deux.

Oumou le surprenait souvent entrain de pleurer. Mais désqu'il se rendait compte de sa présence, il essuyait vite ses larmes et faisait semblant que tout allait bien.

Quelle personne bien dans sa tête, allait jusqu'à souhaiter la mort de ses beaux  parents pour être tranquille dans son ménage? .

Pas moi en tout cas, alors même  que je n'ai qu'une toute petite idée de ce qu'être orphelin signifie rien qu'en surprenant le visage consterné de mon mari, pensa t-elle.

"Kiné, cette diablesse, je ne sais même pas d'où je t'ai connu. J'espère seulement que Hakim n'entendra jamais parlé de ce qui vient de se passer".

Une fois déjà, et c'était une fois de trop à son goût, Hakim avait souffert par la faute d'un de ses proches. Ceci ne devait plus jamais se reproduire. 

Elle ne sut pas pourquoi, mais elle ne put encore s'empêcher de penser à cette première fois où la cruauté et la bêtise humaine s'abattirent sans raison sur son pauvre mari. Et comme il n' ya point de hasard, le mal venait du fait qu'on avait touché à la dignité de sa mère.

C'était lorsque Oumou avait décidé de présenter son amoureux à sa tante, une grande dame de la vielle noblesse, hautaine et susceptible comme le pays peut en compter. Mon Dieu, elle ne cesserait de regretter ce moment.

La vielle dame qui se rendit compte des origines modestes de Hakim fut cruelle et méchante.

Ce jour là, les mots se bousculèrent dans la bouche de la tante en une compilation de reproches séches et vénéneuses. Elle n’épargna pas même la mère de Hakim qu’elle abreuva d’injures et de crachats sans se rendre compte qu'elle n'etait plus de ce monde. C’était tout de même surprenant de sa part, car ne la connaissant pas, elle aurait pu quand même s’abstenir d’aller aussi loin.

La méchanceté n’avait pas de frontière. Elle ne s’encombrait guère d’état d’âme. C’est un élan gratuit et affligeant du cœur, un sentiment grisant, qui obscurcit le jugement et sème le mal.

Oumou revit encore, pour la énième fois, Hakim fermer à demi les yeux et jeter à la ronde un fugitif regard sur elle, puis sur sa tante. La jeune fille était complètement consternée.

L’expression de son visage s’était décomposé devant le cuisant spectacle dont elle était la malheureuse spectatrice. Elle n’en revenait pas, tant sa déception fut incommensurable. Elle regarda à son tour l’objet de son amour, le cœur serré, et le vit livide et atterré.

La tronche de Hakim était empreinte d’une colère silencieuse, une colère amassée dans ses veines et qui risquait d’éclater comme le mugissement du tonnerre en des paroles âcres et venimeuses.

Oumou la voit encore aujourd'hui  lutter avec lui-même pour tenter de se contenir, pour ne pas laisser libre cours à sa légitime rage. C'était sans doute par égard pour elle, ou bien même par égard pour leur amour bafoué qui ne méritait certainement pas pareil traitement. Elle maudissait sa tante à son for intérieur avec toute la force de son amour trahi. Elle lui en voulait d’être tombée si bas.

Pourtant quelque chose la retenait. Quelque chose l’empêchait de vomir sa rage sur elle. Après tout, il s’agissait de sa tante, la grande sœur de sa mère, celle qui par le temps l’avait cajolé, l’avait tenu à califourchon sur ses genoux fragiles ou l’avait porté sur son dos meurtri et maculé de bave et de larme.

Quelques secondes s’égrenèrent et Hakim revenait peu à peu de ses émotions. Il tenta de sourire, l’esprit serein malgré la tristesse, le visage contenu malgré la peine. Il avait la haine, mais gardait quand même toute sa dignité. Son honneur froissé demeurait sauf par la force des choses.

Après l’orage, vint donc le silence, un silence que la gêne et la surprise prolongèrent douloureusement. Seule la télévision distillait des éclats de parole indéchiffrables sur le moment. Ce grésillement battait lentement le vide, comme un diapason, jetant à chaque souffle, dans l’air pesant, les odeurs musquées de la déception.

Ce fut le moment choisi par l'objet de son affection pour parler, et il le fit d’une voix posée et calme tout en fixant le vide. Elle est peut être là, notre noblesse. Garder sa grandeur d'âme même si on n'en tirera aucun bénéfice.

Hakim avait apporté à sa tante cette réponse pleine de sens. "Il ya dans ce monde des êtres fourbes, homme ou femme, viles âmes à la pensée douteuse et à la consécration sans luisance. Ils se cachent parmi les gens de bien et attendent la bonne occasion pour surgir de leurs sordides cachettes et cracher leur venin nocif sur de paisibles et innocents passants.

... Par bonheur pour moi, ma mère était tout autre. Elle, avait le triomphe modeste. C'était une femme irréprochable, un modèle admirable de générosité, de grandeur d’âme et d’abnégation. Elle s'est toujours déméné pour m'assurer un avenir radieux. Dieu aie pitié de son âme! Heureusrment pour toi, elle m'a bien éduqué, ... "

Il ne put continuer sur sa lancée, un flot de larmes qu'il s'efforçait de contenir commençait à couler sur son visage digne. Il se leva et sortit sans prendre congé.

Un concert de klaxons ramena Oumou dans la réalité. Elle répéta une fois de plus tout haut :- Hakim ne doit pas savoir. Il ne doit pas savoir que je compte parmi mes amies, une écervelée qui croit qu'e je suis satisfaite de la mort de ma belle mère. Kiné est justement de la première catégorie de méchante personne dont parlait mon mari.

... Dans cette vie, il n' y a que moi qui ait le droit de  martyriser Hakim. Je suis son sheytaan, sa croix et son salut. Je garde jalousement en moi le trésor caché de son désir et lui, m'offre plénitude et béatitude.

Toujours se parlant à elle même, elle déclara:

"Oumou, ma petite, tu me déçois hein! N'est ce pas toi, la féroce, la terreur de ces dames volages, voleuses sans scrupule de mari.  Pourquoi tu ne lui as pas fait ravaler ses propos à cette pimbêche? Tu en as manqué une belle de lui couper définitivement l'herbe sous le pieds.Tu sais bien  que malgré sa grande gueule, c'est une poltronne.

Après cette introspection, notre jeune mariée, redescendit de voiture et alla faire ces courses. Aujourd'hui c'est Dimanche, ce sera du soupe kandia avec langouste, crevette, crabe et j'en passe... miam miam.

Triangle sensuelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant