Sortie de route

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Dés les premiers lueurs du matin, Oumou se leva. Les souvenirs de la nuit turbulente quelle venait de passer,  remplissaient encore sa tête. Elle prit la direction de sa salle de bain et s'arrêta un instant pour se mirer dans le miroir aux rebords diamantés, accroché au dessus du lavabo. Ce qu'elle y vit lui plut. "Oumou, baisse ta température d'un degrés, tu es brulant, dit-elle, tout en bougeant ses yeux dans tous les sens". Eh oui, une femme dont les désirs sont assouvis n'en paraît que plus belle. Ça suffit, maintenant  dit-elle, se parlant toujours à elle même. Alons prendre le bain purificateur et vite au marché, avant que Hakim ne se réveille. Apres s'être levé à l'aube pour la prière, il va sûrement dormir jusque vers dix heures sans doute.

Au dehors, il commençait a faire jour. C’était une de ces matinées propres à Saint-Louis du Sénégal, Ndar Guedj la coquette, où la lumière dorée, vespérale, la plus belle sans doute, inondant le ciel en feu, capte merveilleusement la beauté des paysages à une lieue de vue. 

Oumou, comme à l’accoutumée, très en beauté avait quitté sa demeure dans le quartier de Ngalléle, à bord de sa Rav 4, couleur créme, en direction de la ville et le marché de Sor.

La radio balançait la chanson entrainante Lamou saff de Jeeba très en vogue sur le moment au Sénégal. La jeune dame chantait à tue tête en tapotant au rythme de la musique sur le volant de la voiture. Elle était insouciante, légère, heureuse comme une amoureuse.
Le voiture longeait tranquillement la route bordée de palétuviers, de cocotiers et de buissons. Le frais parfum, capiteux et onctueux, qui émanait des deux bras du fleuve, qui suivaient la RN2 à cet endroit, resterait pour elle, associé à Saint-Louis du Sénégal, Ndar la lumière, la ville des eaux, la Venise noire. Sa beauté était si singulière. Son hospitalité légendaire, ainsi que son climat rafraîchissant s’étaient frayé un chemin jusqu’aux confins du monde à travers la bouche même des heureux conquis ou encore des livres de voyage rédigés à sa gloire.      

Quinze minutes plus tard Oumou arriva à port aux alentours de Baya Ndar. Elle, ouvrit la malle de la voiture, prit le panier de la menagére, et se dirrigea résolument vers le marché poisson à pieds. Elle pensait encore à sa soirée de la veille quand elle lui sembla reconnaître une vieille connaissance. Mon Dieu j'espère qu'elle ne m'a pas vu. 

Elle décida de rebrousser chemin, mais c'était peine perdue puisque au même moment, une main de  femme l'agrippa par le bras.

-  Hé, c'est qui ça encore? Oumou, ma chérie.  N'est-ce pas le soleil qui apparait en pleine nuit! tu es toute belle , machallah avec tes dégagements.  Wallahi, tu expires vraiment la joie. Mais je suis fâchée contre toi.

- Kiné! Ma moitié, toi aussi, ne dis pas ça.  Tu es ma sœur, Dieu m'en est témoin. Mais où tu te cachais? Ça fait un bail, tu m'as vraiment manqué.

- Hum! Parle d'autres choses waay. Tu te maries et tu oublies ta copine de cœur, ton partenaire de crime. C'est pas gentille deh. Pourquoi te comportes- tu ainsi?

- Dis pas ça. Toi même tu sais. Le ménage est encombrant. Tu n'as aucun moment de répit, toujours occupée à gérer les moindres détails.

-  Ah ma belle il ne faut pas me porter la poisse. Qu'est ce que j'en sais moi la célibataire endurcie?

Les deux amies s'esclaffèrent ensemble de bon cœur en se tapotant le dos. Oumou lui rappela néanmoins que si elle était célibataire c'est bien de sa faute. Elle en a éconduit pas mal de prétendants.

- Ma chérie lui dit elle, jeunesse se passe deh. Donne une chance à un de tes prétendants aulieu de chaque fois les renvoyer auprès de leurs mamans. Homme est doux deh.

- Oh! Toi aussi, pas de fausse note. Je préfère mourir célibataire que d'épouser un fils à maman. L'enfer, c'est la belle famille,  aurait du dire l'autre.

- Rien que ça! Lança Oumou qui se couvrit la bouche avec sa main droite pour montrer son étonnement et sa désapprobation.

Ceci eut le dont d'exasperer un peu Kiné qui enchaina.

- Eh boulma todjal. N'oublie pas qui tu as en face de toi.Toi au moins, tu es bénie par les Saints.Tes beaux parents sont morts, enterrés et oubliés. Tu as fait quoi pour le bon Dieu pour naître sous une si belle étoile.

- Astahfiroulah! Je n'aime pas ta langue ma soeur. Tu ne vas jamais changer n'est ce pas. Comment tu peux tenir de telles sottises en gardant tout ton sérieux. Héeee, Dieu aie pitié!

- Je ne fais que dire tout haut ce que tu penses tout bas. Dis moi la vérité! Ne te sens tu pas plus épanouie sans le poids de ta belle famille? A moins que tu ne sois sado, il nya pas d'hésitation entre la peste et le paradis.

Et tu te demandes pourquoi on s'est perdu de vue pensa Oumou tout bas. Il faut rappeler que Kiné a le sens de l'exagération. S'il est vrai que les beaux parents ne vous rendent pas la vie facile, tout de même, de là à leur souhaiter la mort. Il faut vraiment être un cynique pour penser ainsi. Je suis féroce moi, pas cruelle.

Néanmoins, elle n'eut pas le temps de répondre. Une femme qui portait le poids de son âge, aux traits rigides et à l'aspect rachitique, s'avança et se planta tout droit entre les deux amies. Elle pointa violemment son indexe, les autres doigts courbés sur le paume de sa main comme un noeud, devant le visage de Kiné. Cette dernière recula instinctivement d'un pas.

- Soubhanalah! Quelles paroles malsaines!  Pourquoi ai je vécu aussi longtemps pour assister à pareil scéne? Kouf mala khalé bi. Si j'avais de la cendre, j'hésiterais pas à te le verser dans la bouche? Tu es qui? Tu viens d'où? Qui t'a mis au monde?

La veille femme continuait à crier sur Kiné, sidérée par ce que ces pauvres oreilles ont entendu et que son coeur vieux de trop de saisons a tant de mal à digérer.

- Mére réglé same pécc, lui  rétorqua durement cette dernière. Reste à ta place et ne me pousse pas à bout. Je n'éprouve pas le besoin d'aller en prison, sinon je t'aurais fait ravaler tes propos. De quoi je me méle ? Je n'ai fait que dire la vérité et n'ai pointé le doigt sur personne. Qui se sent morveux, se mouche.

- Autant me frapper, ça ne sera pas pire. Tu nous souhaites la mort, non. Va! La vie est devant toi. Sa gat dina dag. Tu pleureras en plein soleil. Femme, sans vergogne. Si j'étais toi j'apprendrai à mesurer mes propos car la malédiction pourrait retomber sur toi. Yééné néég la, boroom a cay fanaan.

- Rassure-toi, veille dame, tu n'es pas moi. Waané ak sob, c'est ça qui te fatigue. Mais sache que: Daqaar du wuum ku ko maccul.

- Ça ne m'étonne même plus après tout ce que j'ai entendu. Pour une effrontée, tu viens de remporter la palme. Ma mère me disait: Cokk bu saxee demi sek.

- Nama ray, j'en suis fière...

Kiné n'a pas eu le temps de terminer sa phrase. Oumou l'a pris par le bras le forçant pour le coup à s'éloigner de la veille dame qui se tenait toujours la bouche pensant que le pays de ses ancêtres est définitivement perdu si la nouvelle génération agit ainsi.

Pendant que Kine continuait de débiter des obscénités Oumou pensait encore au visage de la vielle dame tout déconfit. Elle en eut le cœur peiné. En plus cette dernière va penser quelle ressemblait à son amie. Maudite Kine dit elle intérieurement. Elle l'arrêta pour lui faire face

- Kiné commença t-elle, on ne voit pas la vie de la même façon. Je t'apprécie beaucoup mais ne me mets plus dans l'embarras comme tu viens de le faire.

Sans lui laisser le temps de répondre, elle tourna les talons et l'abandonna sur place.
Une si belle journée gâchée par une invité impromptue.

Sans géne kiné se mit à rire.

- Hummm! Oumou, qu'elle mouche t'a piqué? Pitié, réveillez moi, je dors! Vas-y avec tes grosses fesses...

Triangle sensuelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant