Calendrier de l'Avent 2022 [Terminé]

6 🎄 Un Dernier Noël

Les rayons du soleil déclinants réchauffant la pièce d'une blancheur immaculée, Mona glissa son regard le long des traînées lumineuses qui s'étendaient sur les murs. Derrière les fenêtres, la lumière n'était pas suffisamment intense pour faire fondre le tapis de neige qui avait enrobé le paysage, comme une couverture de laine aux mailles froides et fragiles. Elle s'étonna du regard différent qu'elle portait sur la peinture de sa chambre d'hôpital et sur l'ouate glacée qui régnait dehors. Une même couleur qui inspirait pourtant deux sentiments complètement distincts, telles les nuances subtiles d'une toile reflétant douleur et douceur au sein d'une unique scène. Les notes contradictoires d'une mélopée de merveilles et de souffrance. De splendeur et d'impitoyabilité. Une fatalité émoussée par la tendresse de la nature.

Alors que la petite fille se redressait dans son lit, ses yeux émeraudes dérivèrent dans la pièce, scrutèrent chaque recoin qu'elle connaissait pourtant par cœur en quête d'un détail sortant de la banalité, d'un accroc dans l'étoffe monotone qu'était devenue sa vie. Le réveillon de Noël était enfin arrivé, mais rien dans ce lieu qu'elle occupait de façon permanente ne le laissait deviner. Aucun sapin, aucune guirlande colorée, aucune décoration de végétation factice... Elle se serait même contentée d'un simple ornement en bois qui rappelait les fêtes de fin d'année. Une petite étincelle de magie et d'espoir dans l'océan morne de la maladie. Un dernier sursaut de bonheur dans les abysses qui l'engloutissaient un peu plus chaque jour.

Lasse de cette chambre d'hôpital, Mona baissa la tête vers son frère. Le visage enfoui entre ses bras déposés sur le matelas, ce dernier s'était endormi dans une position incongrue, son buste s'étendant maladroitement pour faire la jonction entre la chaise qu'il occupait et le lit de sa sœur. Ses cheveux blonds, ébouriffés par le sommeil, se hérissaient en une multitude d'épis désordonnés dont un peigne ne pourrait jamais venir à bout. À la fois amusée et attristée, la petite fille laissa un mince sourire étirer ses lèvres. Sans avoir besoin de le voir, elle savait pertinemment qu'un filet de bave maculait la joue du jeune garçon ; mais un pincement de culpabilité enrayait sa gaieté passagère aussi efficacement que la pluie effaçait les dessins de craie tracés par les enfants.

D'une main fébrile - celle qui n'était reliée à aucun tuyau -, elle effleura le bras de l'endormi qui, instantanément, redressa la tête d'un air confus. L'esprit encore embrumé par son réveil soudain, il essuya sa joue à l'aide du dos de sa main et posa ses iris azur sur sa petite sœur avant de marmonner, imitant leur défunt grand-père dans l'unique but de la faire rire :

-Je ne m'étais pas endormi, seulement assoupi, je t'assure.

-Ce que tu peux être bête, Tommy, s'esclaffa Mona, un franc sourire illuminant son visage.

L'intéressé laissa échapper un rire, lui aussi ; des éclats de joie se fracassant contre le mur impénétrable de la souffrance, comme des morceaux de cristal se brisant d'un air chantant contre le sol. Les cernes violets de sa sœur soulignaient toujours ses yeux et ses traits étaient bien trop tirés pour une fillette de son âge ; mais il aurait fait n'importe quoi pour voir les coins de ses lèvres se retrousser et éclairer ses iris vert émeraude. En fait, il aurait tout donné pour que Mona soit simplement la plus heureuse des personnes, pour l'éternité.

-Qu'est-ce qu'il y a, Nana ? lui demanda-t-il. Tu as besoin que j'aille te chercher quelque chose ?

-J'aimerais bien aller me dégourdir les jambes, admit-elle en levant les yeux au ciel, comme à chaque fois qu'il utilisait ce surnom enfantin.

-Tu es sûre que tu ne préférerais pas attendre que maman soit revenue, pour ça ? interrogea-t-il.

-Non, c'est avec toi que je veux aller me balader, Tommy, assura la petite fille.