EIGHT

II

Paris
Septembre 2022

J'ouvris les yeux, le souffle lourd et le coeur battant contre mes tempes. Encore. Et toujours le même cauchemar. Je fixai le plafond au-dessus de moi, attendant que ma vision s'ajusta à l'obscurité. Je remontai mes jambes contre ma poitrine et enroulai mes bras autour de mes genoux. Je revis des images que je refusai de comprendre. Non. Non. Non. Je ne veux pas. Taisez-vous. Les voix dans mon esprit se bousculèrent et devinrent de plus en plus bruyantes, se voulant se faire entendre. Elles griffèrent à l'orée de ma sanité, manquant de me faire basculer avec elle dans la folie. Elles me suppliaient de reconnaître leur présence. Qu'elles étaient bien là. Elles agrippaient mes membres et m'enfonçaient dans une obscurité qui me terrifiais et que je connaissais. Le noir. J'avais peur du noir. J'avais peur du noir. De la lumière. J'avais besoin de lumière. Juste un éclat de lumière, sur ma peau, qui me confirmait que je n'étais suis pas seule. Pas seule dans un monde rempli de vice et de noirceur. S'il vous plaît ne m'abandonnez pas à mes propres démons. Je craignais d'oublier qui j'étais dans cette torture.

Je me jetai hors du lit, ma couette glissa au sol et je n'y pris pas attention. Je me précipitai vers la fenêtre et un soupir m'échappa lorsque j'aperçus la lune. Elle était toujours là. Elle était ici. Je ne suis pas folle. Je ne deviens pas folle. Tout était en place. Tout allait bien. Je vais bien. Mes doigts s'agrippèrent au bord du bureau dans l'espoir de m'accrocher à un semblant d'espoir que tout ira bien malgré les tremblements qui secouèrent mon corps. "Pourquoi il ne se réveille pas ?" "Je suis un peu fatigué, aujourd'hui ma chérie."

Ce n'était que lorsque j'inspirai profondément que je me rendis compte que je transpirai terriblement. Des mèches de cheveux étaient collées à mon front et mes vêtements adhéraient à ma peau. Je grimaçai de dégoût en tirant sur ma chemise. Mes paupières étaient lourdes, mais je refusai de retourner dormir dans cet état. Je suis sûre d'avoir rêvé de quelqu'un. Je n'arrivai pas à me souvenir qui était la personne qui hantait mes nuits.

Chaque fois que je me réveillai les bribes de mes cauchemars m'échappai et je me retrouvai avec l'esprit complètement embrumé. Je ne faisais jamais les mêmes, mais je savais que certains revenaient particulièrement fréquemment. "Tu pars ? Tu me laisses toute seule ? Pourquoi ?" Des bribes de phrases me revenaient parfois et je n'en comprenais pas la signification. Je ne comprenais pas ce que mon cerveau essayait de me faire comprendre.

J'inspirai profondément et fermai les yeux, en tentant en vain de faire le vide dans mon esprit. Je ne comprenais toujours pas pourquoi je n'arrivai pas à me rappeler de ce dont je cauchemardais. Pourquoi mes rêves me fuyaient-ils de cette manière ? Qu'avais-je donc à cacher pour que mon inconscient refuse de m'ouvrir cette porte où mes secrets se cachaient ? Pourquoi ne pouvais-je pas me rappeler ? "Don't ever come back here, you brat, if you don't want to die. Trust me this is not a place for girls like you." Je ne comprenais pas pourquoi cette phrase me restait en tête. Je n'avais pas le souvenir d'avoir parlé à quelqu'un d'anglais. Que se passait-il avec moi ?

Je haussai les sourcils, et décidai de me rendre dans ma salle de bain. Mon regard s'accrocha à mon reflet, et mon coeur se serra douloureusement dans ma poitrine. Ma peau était si pâle que mes veines ressortaient. Mes yeux bleus approfondissaient les cernes que j'avais à cause de mon manque de sommeil. Un soupir s'échappa de mes lèvres, et j'ouvris le robinet. Je passai mon visage sous l'eau, dans l'espoir de calmer les tremblements qui parcouraient mon être. Ce n'est rien de plus d'un cauchemar. Ce n'est pas réel. Tu es en sécurité. Tout va bien. Je vais bien. Je vais bien. Ils ne sont pas là, pour te faire du mal. Mais qui me fait du mal ? Je ne me souviens pas. Je n'avais pas le souvenir d'avoir souffert. Mais j'avais toujours cette sensation d'être en danger de mort où que j'aille. Alors pourquoi avais-je si peur, si personne ne m'a jamais fait de mal  ?