I

356 52 368
                                    

Paris
Septembre 2022

Je tire ma valise derrière moi, lorsque mes yeux s'attardent sur le bâtiment en face de moi. Imposant, est le premier mot qui me traverse l'esprit. Je n'avais jamais vu un tel édifice. Mon coeur rate un battement, devant sa beauté. On dirait un vrai château. Mon ancienne université n'était pas aussi belle. Elle n'avait pas autant de prestance.

Je tourne sur moi-même, en remarquant enfin la grandeur du parc. Une vaste étendue d'herbe s'étend à plusieurs centaine de mètres. Je suis vite ramenée à la réalité par le brouhaha des étudiants qui s'amassent devant l'entrée. J'essaie de comprendre quelques bribes de conversation, mais je n'y comprends rien. Tous les étudiants semblent heureux de faire leur rentrée, et se parlent entre eux. Se connaissent-ils depuis longtemps ? Sont-ils stressés ? Je déteste les rentrées. Elles sont signes d'angoisses et de peur chez moi. Les inconnus me terrifient, et je sais par avance que se faire des amis à l'université n'est pas aussi facile qu'on laisse le prétendre. Il faut avoir de la chance. Je ne suis pas née avec de la chance. Je n'ai pas de bonne étoile, et personne à qui remercier ou me tenir lorsque ça ne va pas. Je n'ai jamais eu d'ange gardien.

Les battements de mon coeur s'intensifient sensiblement. Mes oreilles bourdonnent et j'ai dû mal à déglutir. Je n'ai plus qu'une idée en tête. Fuir. Fuir le bruit. Fuir les gens. Fuir ce stress constant. Je veux trouver un endroit calme. Calme et apaisant. J'aime la montagne. Il n'y a personne, seulement les animaux et les fleurs. La Lys. L'aconit. La Pensée. L'Orchis.

Je sursaute lorsque plusieurs élèves me bousculent pour entrer. Depuis combien de temps suis-je en train de rêver ? Il n'y a déjà presque plus personne. Papa a toujours fait de son mieux pour apaiser mon anxiété. Il essayait de trouver des mots réconfortants. Il me prenait dans ses bras, et caressait mes cheveux. Il trouvait toujours les mots pour chasser la peur irrationnelle qui sommeillait en moi.

« Je...j'arrive plus à respirer...j'arrive plus à respirer... »

« Ça va aller ma puce, tu auras à peine eu le temps de fermer les yeux, que je serai au portail pour venir te chercher ».

Mais papa n'est pas là pour m'attendre au portail. Il ne m'attend plus à chaque fin de journée, et je n'attends plus ses appels. Papa ne me demande plus comment ma journée s'est passée. Il ne me demande plus comment je vais.

Est-ce que je vais bien ?

Je crois que ça fait longtemps que j'ai arrêté de sourire. Quand ai-je ri pour la dernière fois ? Il y'a ce sentiment qui s'attarde au fond de moi, et je ne sais pas comment le nommer. Je ne pense pas que ce soit de la tristesse, mais ce n'est pas de la joie non plus. Ce n'est pas de colère. Je ne suis jamais en colère. Mais...ce sentiment s'accroche à moi, et enveloppe mon coeur et mon esprit.

L'amertume.

Papa dit que les meilleures années de notre jeunesse, sont celle de l'université. Mais je n'y crois pas. Je ne me suis pas fait un seul ami, lorsque j'ai commencé mes études. C'est ma dernière année, et je n'en ai toujours aucun. Peut-être que c'est parce que je n'ai pas cherché à m'en faire. Peut-être que l'angoisse me ronge petit à petit. Je me demande ce qu'il restera de moi, lorsque je ne serai plus qu'une coquille vide.

« Tu verras à l'université, tout sera différent. Elles seront les meilleures années de ta vie. Aie confiance en toi, ma puce. »

Je vais y arriver hein ? Cette fois c'est différent.

Je n'aurai juste qu'à rester toute seule comme les autres années.

Je n'ai jamais été capable d'aligner plus de trois mois, avant de sentir les battements de mon coeur s'accélérer et une envie soudaine de m'enterrer vivante. J'ai préférée rester seule, puisque personne ne semblait intéressé à faire connaissance avec moi. Alors ma meilleure amie la solitude m'a tenue compagnie durant toute ses années, sans me quitter.

EIGHTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant