Chapitre 10

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PDV LAURENE

‒ ... que je suis sexy ?

‒ Absolument pas.

‒ Disons que je ne vais pas le prendre mal et que tu as simplement peur de l'avouer, rétorqué-je.

‒ Non, je voulais dire que je n'ai pas dit que tu n'étais pas sexy mais je n'ai pas dit que tu étais sexy, tu as dû mal comprendre, d'accord ?

C'est marrant, avec elle je ne sais jamais si je dois rire ou pleurer. Je sens qu'elle est à deux doigts de me sortir la phrase à ne pas prononcer mais qu'elle se retient pour ne pas provoquer une nouvelle crise. Ça lui brûle les lèvres.

‒ T'as le droit de me trouver sexy, je reprends.

Elle m'évalue avec ses grands yeux bleus.

‒ Oui, je sais c'est un de mes droits, continue-t-elle avec le ton d'une petite fille à qui l'on donnerait l'autorisation de déballer un cadeau.

Non je ne me compare pas à un jouet. J'essaie juste de dire que je suis sexy mais ça part beaucoup trop loin. En ce qui concerne ce dont on a parlé plus tôt à propos de mon coming-out : Il s'est plutôt bien passé. Il y a juste des préjugés qui m'ont éclaté à la figure comme des morceaux de verres échappés d'un miroir qui ne reflète qu'une facette de nous-même. Et ces préjugés me suivent partout. Surtout avec les « pas lesbiennes » comme Louise, ce qui ne me donne pas envie de parler de ça. Ce serait trop fatiguant pour elle et pour moi. Plus tard, peut-être.

‒ Vous ne pouvez pas vous taire ? s'irrite un homme assis quelques rangs devant. C'est bon, tout le monde a compris que vous aviez un style de vie... peu correct ! Vous êtes rebelle ? Très bien mais ne venez pas vous vanter de votre sexualité ! Il ne manquerait plus que vous influenciez des jeunes filles dans ce bus à devenir comme vous !

La haine dirige les fluctuations de sa voix.

‒ Monsieur, s'il vous plaît, respectez-vous.

J'ai vu trop de gens se ridiculiser en fourrant leur nez dans les affaires des autres et ça me rend triste. Pas pour moi, pour eux. Je ne m'occupe pas de leurs fesses (par chance) alors j'attends la même chose de leur part. Il y a bien trop de misère autour pour que le monde se soucie de qui j'aime, de qui je mets dans mon lit, de qui j'embrasse et de qui je tiens par la main. Pendant qu'on laisse filer les violeurs et toutes les autres ordures.

Cette pensée me fait baisser les yeux vers le sol. Pas pour moi, pour ce monsieur qui perd son temps à me détester alors qu'il ne me connaît pas. Quelle triste vie.

Je jette un œil vers Louise, celle-ci ne sait plus où se mettre et elle ne devrait pas. Elle n'a vraiment pas besoin de ça. Personne n'a besoin de ça. Le truc c'est que je me suis longtemps sentie comme une criminelle pour oser aimer différemment que ce qui nous est imposé et puis finalement je me suis dit que pendant que moi je savoure l'amour, d'autres goûtent à la haine. Et à choisir, je reste bien au chaud à ma place. Je préfère embrasser que jurer. Et tant pis s'ils sont jaloux.

‒ Et en plus elle me donne des leçons de morale ! Elle, qui est tant immorale !

‒ Monsieur, vous vous donnez en spectacle.

‒ Ta gueule, salle lesbienne.

La vulgarité allait s'inviter un moment ou un autre. C'est inévitable chez les personnes comme ça conditionnées par je ne sais trop quoi. De vrais robots prévisibles.

Quelques regards interloqués se croisent, d'autres répriment un rire tandis que d'autres encore serrent les poings, prêts à bondir sur ce pauvre monsieur. Aussi horrible qu'il puisse être dans ses propos.

La preuve qu'il n'y a pas d'âge pour le respect.

‒ Ce n'est pas une insulte, hurle Louise.

Nous sommes toutes les deux choquées.

‒ En revanche je ne suis pas sale. (Je suis sexy, murmuré-je.).

Ce qui nous fit rire toutes les deux.

‒ Mesdames et Messieurs, j'ai le regret de vous annoncer que notre fusée de secours n'arrivera pas car il n'y en a pas de disponible immédiatement. Mais soyez-en sûr, nous réalisons tout notre possible pour résoudre le problème au plus vite.

Cette fois, des plaintes s'entremêlent dans l'air confiné de notre fusée. Je sens qu'il va bientôt me falloir de l'oxygène et que je vais devoir le partager avec Louise qui n'en peut plus.

‒ Au pire, dit Louise en se tournant vers moi et en haussant la voix. On a qu'à lui prouver qu'on est des princesses.

‒ On, euh... attends, quoi ?

Qu'est-ce qu'elle me raconte encore ? Je le sens mal.

‒ Bah oui c'est simple, s'il ne nous croit pas, on va lui prouver qu'être lesbienne, ce n'est pas une insulte ! s'enthousiasme-t-elle, ravie de son idée.

‒ On n'est pas dans un de tes romans, lance Garance hilare, à l'intention de sa meilleure amie.

Celle-ci prend un air trahi et fusille Garance du regard. J'ai envie de faire de même mais je fais plus encore :

‒ D'accord, même si on n'a rien à prouver à qui que ce soit... pour le moment, on n'a que ça à faire, tenté-je, déjà vaincue. Mais dis-moi une chose... depuis quand tu défends cette cause ?

‒ Je n'aime pas qu'on me contredise et je suis têtue. Puisqu'il croît que c'est une insulte, on va lui démontrer le contraire.

Ok, cette idée pue vraiment.

‒ Et par où commence-t-on ? demande-t-elle.

‒ Ce n'est pas plutôt à moi de poser cette question ? m'agacé-je.

Elle hausse les épaules. Je soupire. Le monsieur en question croise les bras comme pour former un bouclier contre nos attaques et nous regarde d'un air supérieur. Jusque-là il ne s'était que retourné vers nous depuis son siège, l'acrobatie lui tordant les épaules mais je décide d'abréger sa souffrance et d'aller jusqu'à lui. Il souffle en se remettant droit. J'avoue que j'en avais marre de le voir se tordre. Je peux mieux le distinguer : il a dans la quarantaine, les cheveux bruns à peine gris, le regard glaçant d'un homme d'affaire, et un long manteau noir par-dessus une chemise blanche ainsi qu'un jean. Et des baskets. Je le fixe longuement. Il a la tête d'un homme d'affaire "en voyage pour le boulot" sauf qu'on est dans une fusée en route pour l'amour. (Ou l'infidélité).

‒ Monsieur, je vous offre un café avec mes amies, dis-je, en désignant Louise et compagnie. Si vous le voulez évidemment.

‒ Quelle galanterie, se moque-t-il.

‒ C'est réservé aux hommes ? répliqué-je, indéfectible.

Le ton est donné.

Tout ça pour Louise.

OTHER GIRLS (2 tomes)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant