Prêt à tomber amoureux

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NICK

Paris, janvier 2004.

J'escalade quatre à quatre les escaliers du Tribunal, le souffle court. Je suis en retard, comme tous les matins d'ailleurs, et je cours depuis la sortie du métro... Mais quand est-ce que je serais capable de régler correctement un p... de réveil ? Si seulement appuyer sur les boutons d'un appareil électronique pouvait faire partie de mes compétences professionnelles ...

Le Tribunal de Commerce est majestueux et, à cette heure-ci, encore vide. J'ai toujours aimé cet endroit, avec les lions qui trônent fièrement devant la porte d'entrée, la statue de St Michel d'Hospital de la Cour intérieure, mais ce matin je n'ai pas le temps pour les considérations romanesques. Si je rate cette audience, tout le Cabinet le saura, et particulièrement Étienne, mon patron. Or, je suis sur la sellette ces derniers temps...

Sur le mur en face de moi, le miroir de pied me renvoie l'image d'un garçon aux yeux gris inquiets et aux cheveux châtains ébouriffés par le vent. D'apparence plus juvénile que les trente ans que j'ai fêtés en juin dernier.

A l'entrée de la salle d'audience, je souffle et sors de mon sac ma robe d'avocat, noire à la collerette blanche plissée, sans hermine comme celles de tous mes collègues du barreau parisien.

Depuis quatre ans, j'ai en effet l'honneur d'être avocat collaborateur dans un cabinet de bonne taille, spécialisé en droit des affaires.

—Nicolas Chastain ?

Je me retourne pour voir un homme d'une quarantaine d'années, vêtu d'un élégant complet, me tendre la main.

—Enchanté, je bredouille, cherchant dans ma mémoire où j'avais bien pu croiser ce visage sec et ces yeux bruns. Quelqu'un qui me donnerait mon nom entier, car tout mon entourage depuis mon adolescence, et jusqu'à mon patron aujourd'hui, m'appelle simplement « Nick ». Je n'ai jamais apprécié mon prénom, que je trouve trop sec et conventionnel. « Nicolas », c'est le nom que me donnait mon père dans mon enfance, lorsqu'il était en colère....

— Le colloque sur la responsabilité civile du mois dernier .... ,me rappelle sans se froisser mon interlocuteur.

—Evidemment !

J'échange avec lui quelques banalités, puis je grimace un sourire d'excuse :

—Pardonnez-moi, mais je suis déjà en retard !

La salle est presque vide. Il est si tard ? Un peu paniqué, je me dirige vers la greffière.

—Maître, vous êtes dans quelle affaire ?

Le Président s'est interrompu pour me toiser, un peu condescendant.

—Affaire 4, je réponds avec une assurance que je suis loin d'éprouver.

—Ah oui. Il se radoucit un peu. Heureusement que votre stagiaire a prévenu de votre retard.

J'ai un stagiaire, moi ?

Quand le Président finit par appeler mon affaire, je plaide le premier, enthousiaste. J'ai passé une partie de la nuit sur ce dossier, j'en connais toutes les ficelles. Heureusement que je suis meilleur en droit qu'en organisation, sinon j'aurais déjà été viré.

Quand l'audience se termine, j'ai un bon pressentiment. La décision va être rendue d'ici une heure. Il n'y a plus qu'à attendre.

J'en profite pour observer les quelques autres personnes de la salle. Beaucoup de confrères, l'air un peu abattus en attendant leur décision, et quelques stagiaires en « civil » : une blonde aux cheveux bouclés, et un garçon aux traits fins, qui ne doivent pas avoir plus de 20, 25 ans.

Un coup de pied dans la fourmilièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant