PROLOGUE.

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                                                                               Olympe

Un mois plus tôt.

Août 2011, Washington.

J'ai longtemps cru que l'amour provoquait des sensations indescriptibles dans l'estomac, sensations qui s'apparentent à une envolée de papillons irréels, presque féeriques. Pourtant, aujourd'hui, l'amour me coupe le souffle. Il m'étouffe, me donnant l'infâme sensation que mon corps est enseveli sous une tempête de neige en plein mois de décembre. C'est dingue comme les choses peuvent changer drastiquement, profanant ainsi la bonté ancrée au plus profond de nous. De notre cœur étouffé. De notre âme en lambeaux, fidèle à des haillons souillés.

La vie est une route sinueuse, j'ai glissé et je me suis écorché les genoux.

Épuisée, je m'avance lentement, à contrecœur, en direction de l'emplacement où mes parents reposent désormais. Chacun de mes pas résonnent sur le chemin pavé, entouré d'un silence solennel. Les rangées de pierres tombales se dressent comme des sentinelles immuables, gardiennes de souvenirs éternels. Lorsque j'atteins mon but, mes jambes manquent de se dérober.

La douleur s'insinue en moi, tel un serpent qui se faufile dans les recoins les plus sombres de mon être. Mon cœur s'emballe, battant à un rythme effréné contre ma poitrine, comme pour s'échapper de cette cage d'os. Je peux sentir la morsure du froid se propager sous mes ongles rongés d'angoisse. Des dizaines d'inconnus pleurent et reniflent autour de moi, les yeux larmoyants de chagrin. Où peut-être de soulagement, je ne saurais dire. Mes mains sont moites, presque douloureuses tant je les serre entre elles. Jamais les bruissements des chaussures impeccablement cirées de la foule ne m'ont paru aussi désagréables, l'odeur du cuir me ramène des mois en arrière, quand père se préparait pour ses diverses assemblées, présomptueux et tiré à quatre épingles.

Une brise humide frappe mon visage crispé.

— Tiens-toi droite, me sermonne mon oncle d'un œil torve dans son costume noir corbeau hors de prix. Et par pitié essaie au moins de faire bonne figure. Tes parents ne sont plus là. Accepte-le.

Ses mots engendrent une pression dans ma tête, un étau qui se resserre brouillant mes pensées sous son poids implacable. Ils me brûlent et m'atteignent en plein cœur.

Jack ne prend pas de pincette avec moi. Comme si le décès de son frère, mon père, le rendait indifférent. Comme si me tenir droite était la chose la plus simple à exécuter, la plus essentielle. Je ne cille pas pour autant. Je relève le menton, et ravale la bile qui s'était logée au fond de ma gorge, m'empêchant de respirer convenablement. Je suis prête à préserver l'illusion, il le faut.

Je ne sais pas quoi faire d'autre...

Étant la fille du vice-président — d'un défunt vice-président... — le monde attend de moi une maîtrise de soi hors normes. En redressant les épaules et le visage, mes pupilles se perdent sur les éléments qui m'entourent. Les couleurs des arbres qui peuplent le cimetière me paraissent trop ternes, semblables à mes tumultueuses émotions. Les individus présents sont tous si dramatiques. La pâleur de leurs peaux paraît presque authentique.

Bandes de comédien.

— Pauvre enfant, entendé-je murmurer les inconnus entourant le cercueil en bronze, me dévisageant comme si j'étais un article haut de gamme en vogue. Je ne saisis pas réellement le sens de cette plainte qui sonne faux. Une politesse stupide. Peut-être que parler de mes malheurs atténue leurs quotidiens morose.

Qu'ils aillent tous se faire foutre !

Je veux hurler !

Mais non, je contiens mon exaspération. Car, je ne peux pas me permettre d'émettre un commentaire désobligeant, ça serait mal reçu, oh mon dieu quelle honte pour ma famille.

EVIL ( SOUS CONTRAT D'ÉDITION CHEZ BLACK INK ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant