un.

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«  Mais je savais que j'allais perdre ce jeu,

comme si j'en avais marre d'être heureux. »



Lorsqu'il avait rencontré Milo, une guitare reposait entre ses mains. Il avait d'abord remarqué son vernis écaillé, puis sa drôle de façon de taper du pied. Et enfin, sa voix. Les yeux fermés, un petit sourire aux lèvres, Milo chantait Bulletproof, avec une douceur presque effrayante. Ezra avait immédiatement senti son cœur se serrer dans sa poitrine, sachant pertinemment que ses iris d'aciers le lui briseraient. Sa voix avait fait office d'arme, et d'une seule et unique balle, elle l'avait tué. Dès le départ, sans prélude. C'était dur, déjà désordonné puisqu'il n'avait pu l'approcher qu'en distribuant des coups de coude à la volée, mais il ne l'avait jamais regretté. Parce que, Milo était fascinante, avec ou sans ses cheveux roses électriques et sa manie de se pincer le creux des joues. Elle lui avait fait penser à une poupée chinoise, aux lèvres teintées de rouge contrastant avec une peau pâle et un regard presque vide. Elle n'avait même pas eu besoin de lui parler pour qu'il sache qu'elle avait affreusement mal, quelque part. Entre sa tête et ses petits pieds. Alors, il lui avait payé un verre, puis deux, puis trois, et elle l'avait embrassé avant de le laisser, paumé, au milieu d'une dizaine d'ados bourrés. Il l'avait vu s'éloigner, elle, sa robe trop grande et sa dignité, enfermée dans une boîte et écrasée par une guitare. Et, il avait sourit. 

Elle lui avait murmuré son prénom, en le quittant. Milo. Ça lui allait bien. Elle paraissait aussi perchée que le personnage du dessin animé, si ce n'est plus, avec ses lentilles blanches et sa veste délavée, parsemée de nuages. Il s'était d'ailleurs légèrement moqué d'elle, lorsqu'ils dansaient. Milo était raide, un poil maladroite. Et, ça lui plaisait, à Ezra, qu'elle ne sache pas danser sensuellement ou se frotter à son entrejambe. Elle préférait garder les yeux ouverts, admirer les lumières, et tripoter le bas de sa robe, comme une gamine gênée de sortir pour la première fois. Milo était rafraîchissante, sans qu'il ne sache vraiment pourquoi.


Puis, il l'avait vu frissonner en passant le pas de la porte d'entrée, et s'était rendu compte qu'elle était comme ces fleurs que l'on voit dans les cimetières. Jolies et colorées, mais qu'on approche que lorsque l'on côtoie l'obscurité.

malabama.Where stories live. Discover now